Episode Dix-Huit : Confessions
Lorsque Cyane vit son frère commencer son apprentissage, elle se dit qu'elle était maintenant inutile. Contrairement à ce que laissaient croire les apparences, elle était son ainée de deux ans. Même si elle était fière de la décision de son frère, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle était maintenant un poids mort pour sa famille. Dans les premiers mois, elle aida sa grand-mère au jardin, jusqu'à prendre complètement sa place lorsqu'elle ne pouvait plus assumer les tâches manuelles.
Cyane était devenue la femme à tout faire : Elle entretenait la maison, préparait les repas pour sa grand-mère, réparait le toit lorsqu'il en avait besoin... Mais malgré cela, ce n'était pas assez. Malgré les avertissements de la vieille Rodiane, elle étudiait chaque soir pour tenir une place dans les assemblées du canton. Même si c'était au plus bas rang, elle voulait être intégrée à la caste politique. Cela ne lui laissait pas beaucoup de temps pour dormir, mais elle tenut le coup pendant au moins trois années.
Il faut dire qu'elle était loin d'être fragile. Cyane était la fille du solide Rodio, le fils de Rodiane, et d'Eliane. Tous les deux étaient issus de familles de pêcheurs et ne tombaient pas facilement face aux embûches. Cyane les avait connu un peu plus longtemps que Keldan et en avait quelques souvenirs. Son père était un homme doux, comme le décrivait sa grand-mère, et sa mère une femme franche et autoritaire.
Elle avait hérité de la courte chevelure blonde de son père et de sa constitution physique. Sans être aussi costaude que son frère, elle avait de bonnes épaules, des hanches fermes, des reins solides et un buste épais. Pour ce qui est du reste du visage, elle avait prit les yeux bleus-verts de sa mère et son sourire. Elle avait toute la compassion de son père et toute la persévérance de sa mère. Tout le contraire de Keldan, qui avait plutôt hérité d'autres traits. Tous deux étaient très différents, mais ils s'aimaient beaucoup.
Mais malgré ses forces, Cyane ne pouvait évidemment pas tenir un tel rythme éternellement. Keldan, en jeune apprenti ne gagnait pas encore d'argent et la vieille Rodiane ne pouvait plus beaucoup l'aider. Elle dût prendre une décision : quitter cette maison pour aller vivre dans un osaq.
A Khenas, un osaq était une sorte de grand foyer qui accueillait plusieurs familles. Il ne s'agissait pas d'un refuge pour les pauvres et les mendiants (dans quel cas on aurait plutôt parlé d'un kedey) mais plutôt pour ceux qui ne pouvaient plus se débrouiller tout seuls ou qui vivaient dans une famille divisée. C'était là-bas une institution très respectée et codifiée : la politesse et le savoir-vivre y étaient de mise, par exemple. Mais si Cyane avait décidé de s'y installer, c'est surtout pour l'aide mutuelle que s'apportaient les habitants d'un osaq. Les personnes âgées et les handicapés ne pouvaient bien sûr pas travailler - si ce n'est à leur échelle - mais la plupart du temps, un ou plusieurs jeunes les accompagnait.
Deux années passèrent et Cyane devenait une femme. Ce furent peut-être les meilleures de sa vie. Cinq ou six jeunes hommes et femmes travaillaient avec elle au bon vivre des personnes âgées qui s'y trouvaient et elle se lia d'amitié avec la plupart des résidents. Non, c'était plus que ça. Voir la joie, la surprise ou le rire sur le visage de l'un d'eux lui donnait une raison de vivre. Sans même s'en rendre compte, elle reprit un rythme acharné de travail, mais elle avait tellement de raisons de se réjouir qu'elle ne s'en rendait même plus compte. Elle avait ici deux mères, trois pères, douze grand-mères et seize grands-pères. Lorsqu'elle quitterait cet endroit pour intégrer les assemblées des Etats généraux, ce serait pour eux qu'elle se battrait.
Mais celles-ci menaçaient de disparaître. Depuis plusieurs années, Ensh'Idai déléguait de moins en moins le pouvoir et tentait de se l'accaparer. D'abord, la taille des Conseils diminua, puis ils ne permirent plus que de décider du budget alloué à tel ou tel domaine. Naturellement, beaucoup protestaient et menaient une résistance active face aux agents de l'état. Monsieur Jan, un vieux locataire de l'osaq était le dirigeant de l'un d'entre eux. Après tout, qui pouvait soupçonner un vieil homme ne pouvant se déplacer qu'en fauteuil ?
Et puis, Keldan commença à gagner de l'argent. Il n'était plus soumis à une formation permanente mais pouvait rentrer de temps à autre voir sa famille. Ils purent réinvestir leur vieille maison et peu à peu, tout redevint comme avant. Keldan pouvait s'occuper de la maison sans même que Cyane et Rodiane n'aient à s'en soucier. C'est tout naturellement qu'elle continua à s'occuper des résidents. Voyant que les jeunes gens quittaient de plus en plus l'osaq, elle prit les choses en main et accueillit tous ceux qui le désiraient.
Chaque jour, elle redéfinit le modèle de l'osaq et l'ouvrit même aux demandeurs d'asile, aux malades et aux nécessiteux. Certes, elle avait son caractère, mais cet endroit était le meilleur des mondes pour elle, et elle y aurait dédié toute sa vie.
Si personne ne l'avait brûlé, bien sûr.
Des années après les faits, elle essayait encore de se dire que Monsieur Jan avait joué avec le pouvoir et qu'il avait perdu, que l'Etat n'avait pas voulu provoquer une si grande vendetta, ou que les quelques quatre-vingt-dix morts brûlés, démembrés et exposés en place publique n'avaient de toutes façons plus beaucoup de temps à vivre.
Mais rien de tout cela ne pouvait calmer sa peine. Peu à peu, Cyane sombra dans le silence et le chagrin. Elle n'avait plus goût à rien, mais elle ne pouvait pas s'arrêter pour pleurer. C'était elle, l’aînée, et elle devait montrer l'exemple en faisant ce qu'elle pouvait. Elle était bien sûr dégoûtée par l'action de l'Etat, mais ce n'était pas grand chose comparé à toute la culpabilité qu'elle ressentait. Son visage de jeune femme se déformait au fil du temps, et elle ne fut plus jamais la même. Son énergie et son caractère laissèrent place à un calme froid, à un esprit qui essayait de ne plus penser. Heureusement pour elle, Keldan était là. Chaque soir, quand il rentrait, il lui faisait une infusion de menthe et de thé daunta, une plante qui ne poussait que dans les hauteurs de Duong-ville, où les Porteurs s'entraînait. Il lui racontait ensuite sa journée et la dorlotait jusqu'à ce qu'elle s'endorme.
Au départ, cela ne lui plaisait pas du tout. Elle n'avait pas à être traitée comme une enfant alors qu'elle devait montrer l'exemple. Et puis, elle commença à ressentir tout l'amour que son frère avait pour elle, et à comprendre que s'il le faisait, c'était justement pour qu'un jour, elle puisse se relever et rayonner à nouveau. Pour cela, il avait une totale confiance en elle. Alors, elle commença à attendre chaque soir ces moments privilégiés et se laissa reprendre des forces, petit à petit.
Jusqu'à ce jour où deux agents de l'Etat tuèrent Soto. Ce jour où Keldan disparut dans la nuit, sans laisser de traces.
Le lendemain se déroula presque normalement pour Cyane. Elle crut que son frère était parti au travail comme tous les matins, et malgré le chagrin provoqué par le départ de Soto, elle continua à faire ce qu'elle devait faire pour aider Rodiane.
Sur les coups de 17 heures, on frappa à la porte.
- Bonsoir, Cyane. Est-ce qu'on peut voir Keldan ? demanda Rodan.
- Comment ça ? demanda-t-elle un peu surprise.
- C'est pas grave de pas être venu... En fait, les gars et moi on en a pas eu le coeur non plus... Mais je voulais savoir comment il allait.
- Mais... Il est pas venu de la journée. Je pensais qu'il était avec vous.
- Ah oui ? On l'a pas vu depuis hier soir, quand il est venu chez Soto... Enfin, chez Sylviane.
Tous deux eurent alors un mauvais pressentiment et se mirent un peu plus tard à rechercher Keldan. C'est malheureusement Zar, la plus jeune nièce de Rodan qui tomba sur la dépouille de Soto. On l'enterra quelques jours plus tard. Moord et Sullivan n'osaient plus entrer dans le village, de peur de créer une émeute. Après avoir prit quelques notes sur l'état du village, ils se rendirent compte que Keldan manquait à l'appel.
Six jours plus tard, on frappa à nouveau à la porte de Cyane, mais pour une autre raison.
Aujourd'hui, elle se trouvait dans un donjon au centre du palais d'Ensh'Idai avec sa grand-mère. Sullivan avait pris le trône en l'absence d'Ensh'Idai et leur rendait visite de temps à autre. Le roi de Khenas ne se faisait pas voir très souvent, alors tous pensaient qu'il restait seulement enfermé, et que Sullivan prenait les doléances à sa place.
L'homme de l'ombre, Scott, apparut dans le sombre cachot comme s'il ne venait de nulle part, et se mit une fois de plus à interroger la jeune fille et sa grand-mère, épuisée et pleurant sans cesse.
- Bon, on recommence. Que prévois de faire votre frère ?
- S'il vous plaît, demanda Cyane, je demande à voir Ensh'Idai.
- C'est tous les jours la même chose, avec vous. Vous ne voulez pas que votre grand-mère puisse rentrer chez elle ?
La vieille Rodiane avait été bien malmenée, et la maigre femme avait du mal à reposer sur de la paille. La nuit, Cyane faisait reposer sa tête sur son ventre pour qu'elle ait moins de mal à dormir, mais le froid glacial des nuits et l'odeur insupportable la rendait malade.
- Si, mais par pitié, nous ne savons rien... Laissez-là partir et je vous dirais tout, je vous l'ai dit.
- Et moi, j'ai tout mon temps. Toute ma patience. Depuis combien de temps est-ce qu'on traite, vous et moi ? Un mois ? Vous savez que je continuerais, et que votre grand-mère finira par mourir comme ça.
- Keldan... Keldan veut ramener nos parents à la vie.
- C'est faux. C'est un mensonge, et je le sais.
- Mais bien sûr que c'en est un, vous n'acceptez pas la vérité ! Laissez-moi voir Ensh'Idai, je vous en prie. C'est lui qui veut ces informations.
- Ensh'Idai, hein ? Bon, très bien. Je vais essayer de voir ça avec lui.
Scott sembla à nouveau disparaître dans les couloirs du palais et vint à Sullivan. Celui-ci triait des dossiers et semblait très dévoué à sa tâche.
- Alors ? Toujours pas ?
- C'est même pire que ça. Je crois qu'elles disent la vérité. Mais je te l'ai déjà dit, ça...
- De toutes façons, vérité ou pas, on les garde en otage...
- Tu n'as pas peur que la vieille crève, Sullivan ? Quelle monnaie d'échange on aura, si elle meurt ?
- Depuis quand est-ce qu'on a besoin de monnaie d'échange ? On a juste besoin que le petit croie que les siens sont encore vivants.
- N'empêche qu'ils demandent encore et encore Ensh'Idai. La petite ne veut pas me dire pourquoi. Alors je suis peut-être patient, mais ça commence à m'emmerder, cette histoire.
- Et qu'est-ce que tu veux qu'on fasse ?
- Et ben... Je me disais que tu pouvais le faire. Tu dis que t'es Idai, et t'écoutes ce qu'elles te disent.
Sullivan retira ses lunettes et les posa sur son bureau. Il se leva alors.
- Mouais, si on veut.
Il descendit dans le donjon et se retrouva devant les deux femmes. Par chance, aucune d'elles ne l'avait vu le jour de la fête des Porteurs.
- Vous cherchiez à me voir ? demanda Sullivan.
- Ensh'Idai...
- Alors ? Je suis là, maintenant. Qu'y-a-t-il ?
- J'ai cru comprendre que vous cherchiez Nicolas Gath, comme mon frère. Vous voulez lui poser une question.
- Oui, en effet.
- Quelle est-elle ?
- Vous pensez que je vais répondre à une telle question alors que nous vous posons la même depuis des jours et que vous ne daignez pas nous répondre ?
- Je ne sais pas ce que veut faire mon frère, je vous l'assure... Mais j'ai eu une idée. Peut-être que nous ne sommes pas obligés de nous affronter... Peut-être que nous pouvons vous aider à trouver la réponse.
- C'est impossible.
- Et comment pouvez-vous le savoir si vous ne le dites pas ?
Sullivan ne répondit pas.
- Mon frère nous aime, aime son maître, ses amis, sa maison. Et il pourrait vous aimer aussi si l'on trouvait un arrangement. Il y a bien quelque chose que vous devez aimer, vous aussi ? N'est-ce pas ?
Mais loin d'ici, près de la bicoque de Kyundo allait se tenir un autre combat. Keldan faisait maintenant face à son nouveau maître. Le fait est qu'il avait beau être fort, il ne s'était jamais battu. Il portait lui aussi une tenue jaune et noire, mais la sienne, contrairement à celles des autres, était complètement vierge de tout symbole. Celle de Kyundo portait deux symboles sur la poitrine.
- Quand tu donneras le départ, Dysill, tourne ce sablier. Le temps qu'il s'écoule, trois minutes se seront écoulées.
- D'accord, dit-elle.
Kyundo regarda le jeune garçon.
- Montre-moi ce que tu sais faire. Je ne riposterais que si tu arrives à me mettre en difficulté.
Dysill retourna le sablier et annonça le départ. Dès lors, Keldan courrut vers son adversaire en essayant de lui administrer de lourds coups très patauds. Kyundo parvint bien sûr à les éviter sans mal. Le combat parut durer une éternité tant le colosse se fatiguait à vouloir bêtement frapper son adversaire sans faire preuve de subtilité.
Keldan ne s'attendait à rien, mais il ne pensait pas être si vite fatigué en affrontant un ennemi qui semblait se dérober sans arrêt. A la fin de la troisième manche, il ne l'avait pas touché une seule fois. Il s'assit ensuite sur un petit tronc d'arbre, alors que Kyundo expliquait la suite des évènements aux trois jeunes gens.
Keldan avait envie de vomir de dégoût. Il ne supportait pas d'avoir mené une bataille si insipide, de n'être pas dans le coup au point d'avoir sans doute fait honte à tout le monde. La mine embarrassée de Kyundo minait son coeur au point où il n'écouta plus rien de ce qu'il se passait.
- J'ai vu ce que je voulais voir. Demain, nous pourrons passer à la prochaine étape, lança Kyundo.
Le soir venu, Keldan saisit son sac, ses affaires et partit dans la nuit. Après quelques kilomètres, il s'arrêta devant une petite marre et se mit à pleurer de tout son saoûl. Il réalisait maintenant et plus que jamais qu'il n'avait pas sa place ici. Tout cela était bien trop étrange, trop lointain. Il aurait aimé que tout se passe bien, qu'il puisse vite rentrer à la maison. Là, il était entrain de vomir, tout seul au milieu d'une forêt à l'autre bout du monde, et il n'avait aucun véritable ami. Dysill et Lurian étaient ses alliés, certes, mais ils ne pouvaient pas le comprendre. Toute cette bizarrerie, c'était leur lot quotidien : ils arrivaient à être pleinement impliqués dans cette affaire de fous. Lui, au contraire, n'avait jamais voulu plus que de travailler, de prendre soin de sa famille et d'être respecté.
Pendant tout le voyage, tout était allé si vite qu'il n'avait jamais vraiment pris le temps de se reposer pour constater l'amère réalité : Il était tout seul. Alors il allait rentrer et tenter le tout pour le tout, rester aussi longtemps que possible avec sa famille et s'il fallait se battre, il se battrait. C'était selon lui ce qu'il aurait dû faire depuis le début.
Et puis, il lava son visage à l'eau et resta un instant près de son reflet. Il avait déjà changé. Il était déjà parti depuis longtemps, et même s'il revenait, il ne serait déjà plus le même. Non. Il ne fallait pas qu'il parte tout de suite. Il fallait qu'il reste concentré et qu'il termine ce qu'il avait commencé. Même sans espoir, même sans volonté, il devait continuer. Son esprit était maintenant vide, mais son corps avançait. Il empoigna son sac et rentra dormir auprès de Lurian, tous deux partageaient une chambre alors que Dysill dormait au rez de chaussée.
Par la fenêtre, Kyundo avait tout vu. Il regardait avec attention ce que faisaient ces disciples pour voir ce qu'ils pensaient, ce dont ils étaient capables et ce qui les motivait.
Il sortit un instant de la maison et partit vers les sapins qui dominaient la falaise. Il avait beau savoir un grand nombre de choses, tout ceci était nouveau pour lui. Il avait vécu seul pendant des années et même s'il subvenait aux besoins des habitants de Laydear, il ne leur avait jamais même adressé la parole.
Il grimpa à l'un des arbres et remarqua que quelque chose était déjà dedans. Un animal, peut-être ? Non. C'était Dysill. Visiblement, elle non plus n'arrivait pas à dormir.
- Pas mal, comme coin, hein ? dit Kyundo en soufflant en se frottant les mains. Il ne faisait pas très chaud, dehors.
- Ouais, il y a une belle vue. C'est là que vous venez tout le temps, non ?
- Vous m'avez déjà vu venir ici ?
- Je crois que les gens de la vallée vous voient ici, de temps en temps.
- Je suis démasqué, alors... sourit-il.
Le vent était encore plus frais, presque tranchant. Et pourtant, ils semblaient tous les deux vouloir rester à la lumière de la pleine lune.
- Qu'est-ce que tu en penses ? demanda Kyundo.
- De quoi ?
- De tout ça. De ce pays, de la vie d'ici. J'imagine que ça doit vous changer de chez vous.
- Oui. Beaucoup.
- Et qu'est-ce que ça te fait ?
- Rien, je crois. En fait, j'ai déjà beaucoup bougé, et je suis contente d'apprendre tout ça.
- Et pourtant, vous avez tous hâte de rentrer. Keldan et toi, du moins.
- Ca se voit tant que ça ?
- Oui. Je le vois à votre culpabilité. Vous avez tous quelqu'un à retrouver et à ne pas décevoir, et vous savez que vous devez quand même les faire attendre, passer beaucoup de temps ici.
- C'est vrai, dit Dysill, un peu stressée. Et j'aimerais pas... J'essaie d'en faire fi mais c'est difficile.
- En même temps, tu es un peu différente. Tu ne te sens pas seulement coupable de rester si longtemps ici, tu étais déjà pleine de culpabilité en arrivant.
- M'en parlez pas...
- Mais c'est bien.
- Ah oui ?
- Ben oui. La culpabilité, c'est ce qui fait de nous tous des humains. Souvent...mais, pas toujours, on se sent coupable parce qu'on l'est. Et dans ce cas là, c'est tant mieux. Ca veut dire que tu as encore un coeur qui bat et une tête qui apprends. La culpabilité, ça te rafraîchit la mémoire, ça t'aide à faire de ton mieux pour que certaines choses ne se reproduisent pas. Tu veux que je te dises ? Oublie pas de culpabiliser, culpabilise à en gerber.
Un long silence s'installa, alors que tous deux regardaient les toutes premières lueurs de la ville s'allumer. Il devait déjà être quatre heures du matin.
- Vous êtes coupable de quoi, vous ?
- Pardon ?
- Ce que vous venez de me dire, ça s'apprend pas dans un livre.
- Oui. C'est vrai. Bonne remarque.
Mais il se tut et sortit un objet de sa poche. C'était une petite fiole contenant un liquide incolore.
- Je pense que ça, ça pourrait aider ton ami.
Dysill eut le souffle coupé.
- Mais comment ? Que...?
Kyundo sourit.
- Donne-le lui à ton retour. Ca devrait le guérir de sa frénésie. Si ça ne devait pas être le cas, amène le moi, dit-il en lui tendant la fiole.
- Mais...pourquoi ?
- Parce que tu n'as pas à attendre. Keldan et Lurian ont besoin du Souffle pour gagner, mais toi non. Tu peux rentrer chez toi.
Les larmes montèrent aux yeux de Dysill. Ca y est, ça se produisait vraiment. Parfois, la vie pouvait se montrer clémente, et des miracles se produisaient. Elle sauta au cou de Kyundo et l'enlaça.
- Merci... Merci ! sanglota-t-elle.
Elle relacha son étreinte, voyant que Kyundo ne savait pas comment réagir et essuya ses larmes. Elle redressa les épaules et rendit la fiole à Kyundo.
- Quoi ? Mais... bégaya Kyundo.
- Vous me la donnerez quand on aura terminé notre formation. J'ai déjà pris ma décision et je me battrais avec les autres.
- Tu n'es pas obligée.
- Si je ne le faisais pas, je me sentirais coupable.
Kyundo était un peu gêné, alors il rangea la fiole dans une poche et la garda précieusement.
- Allez, je te conseille d'aller te rendormir, une nouvelle étape commence, demain.
Le soleil tapait fort, ce matin. La neige fondait même sur le sommet des montagnes et l'été approchait. Le Coyote leva le camp et s'enfila une énorme tasse de céréales et d'eau. Des réserves nutritives, faciles à transporter et conservables très longtemps. Il ne se nourrissait que de ça et de ce qu'il chassait. Après un bon bain dans un lac gelé, il attachait ses cheveux et repartait explorer la grande Vallée de Lahley située au coeur des montagnes.
- Ah, ma petite Fayora, je crois qu'on arrive bientôt à Lahba, murmurait-il, comme s'il parlait à quelqu'un.
S'arrêtant sur le chemin, il sortit un morceau d'une autre petite tablette de pierre, sur celle-ci n'étaient inscrits que les mots "Cinq font quatre, quatre font un, un fait zéro".
- Tu sais ce dont je rêve, Fay' ? D'un truc ancien qui me prenne pas de haut avec ses messages cryptés.
Mais en l'exposant près de la lumière du soleil, il remarqua que quelqu'un marchait au loin, dans la vallée. Un homme vêtu d'or et de noir aux cheveux longs. Celui-ci s'approchait de plus en plus, alors il décida d'aller à sa rencontre.
- Quelles nouvelles du pays de Lahba, l'ami ? demanda-t-il à quelques mètres de lui.
- Pas grand chose, lui répondit Ensh'Idai. Je n'en viens pas. Je me perd dans ses montagnes depuis plusieurs jours.
- Ah oui ? On se réunit à la nature ?
- On peut dire ça, oui.
Un silence un peu gênant s'installa.
- Bon, et bien... dit Esvet.
- Vous connaissez un lieu du nom de Laydear ? Je le cherche, mais je ne le trouve pas.
- Pas étonnant... Mais qui voudrait aller là bas ?
- J'y ai de la famille. Peut-être, du moins.
- Alors vous avez de la chance de tomber sur moi ! Même les gens d'ici ne connaissent pas ce village. Heureusement, je foule ces terres depuis un moment ! Vous avez deux solutions : soit vous traversez le glacier par les grottes, mais vous risquez de tomber sur les mines, soit vous le contournez et marchez au nord jusqu'à la mer. A partir de là, longez la côté vers l'Est jusqu'à tomber sur le village. Il est dans un creux derrière les falaises.
- C'est sur votre chemin, monsieur...?
- Esvet Nurvuaidh ! Et vous ?
- Amran.
- Et bien je ne passe pas loin, Amran. Je vous accompagne ?
- Si ça ne vous fait pas faire de détour, bien sûr.
Nurvuaidh ? Ensh'Idai connaissait ce nom. Son origine était Deighite, de l'extrême-Nord du pays. Les Nurvuaidh faisaient partie des nombreux clans qui vivaient sous l'autorité de Deighe, et si Idai le savait, c'était parce que c'était également celui de Sullivan, son homme de main.
Quelques heures plus tard, tous deux étaient arrivés près du glacier et s'installaient pour partager le repas de midi.
- Et donc, où est-ce que vous alliez avant de tomber sur moi ? demanda Idai.
- Je me livre à une quête des plus intéressantes, figurez-vous.
- Ah oui ? dit-il avec méfiance.
- Oui... En fait, un des plus grands secrets de ce monde est tombé entre mes mains.
Ensh'Idai pensait évidemment que celui qui lui faisait face parlait de Gath, mais il sortit la tablette de pierre de son sac pour la lui montrer.
- De petites tablettes de pierre retrouvées un peu partout. Pas mal, non ? dit Esvet.
- Comment ça, partout ? Sur toute la surface de Rogaun ?
- Qu'est-ce que c'est, ça ? "Rogaun" ?
- Laissez tomber.
- Enfin bref. L'une vient du fond de l'eau, une autre de l'atelier d'un menuisier fou...Celle que je viens de vous montrer était dans le ventre d'une créature pour le moins... étrange. J'en ai quatre, pour le moment.
- D'où vient la quatrième ?
- C'est de loin le plus étrange, vous ne me croirez sans doute pas.
- Dites toujours.
- Une femme en a accouché.
- Décidément, il y a des choses en ce monde qu'on ne comprendra jamais.
- Non, en effet.
Esvet était surpris que l'homme ne réagisse pas plus que ça à toutes ces bizarreries.
- Toutes ont le même genre de messages cryptiques. Virilité, Intégrité, Féminité, Honnêteté... suivi d'un chiffre et de quelques mots.
- Comment ça se fait ?
- Je n'en sais rien.
- Non. Comment ça se fait vous en ayez trouvé autant ? Vous m'avez dit qu'elles étaient aux quatre coins du monde.
Le regard d'Esvet prit un ton un peu plus sombre, puis il sourit et regarda Ensh'Idai en affichant un visage plus clair.
- J'ai l’œil.
- Alors c'est ça, votre "truc" ? Vous cherchez de vieilles babioles ?
- Et je construis de nouvelles babioles, aussi ! Comme ça quand un autre Esvet les trouvera dans un siècle, il se dira "Wow ! Qu'est-ce que c'est que cette vieille babiole ?" et il pourra continuer à s'amuser un moment.
- Vous êtes un original.
- Pas vous ? Tout seul en route pour Pétaouchnok, moi je pense que vous avez pas peur.
Tous deux sourirent en mangeant.
- C'est quoi votre "truc", à vous ? demanda Esvet.
- Faire tomber certaines barrières. Et en construire là où il le faut.
Esvet ne comprenait pas du tout de quoi il parlait, et comme tout le monde dans ce cas-ci, il but une gorgée de café et acquiesca.
- C'est un joli projet. Quoi que ça veuille dire.
Ensh'Idai commença à ranger ses affaires dans son sac, ce qui ne manqua pas d'étonner son interlocuteur.
- Vous voulez déjà reprendre la route ?
- Vous n'êtes pas prêt ?
- Disons que je préfère prendre mon temps.
Après quelques minutes, Esvet empaqueta lui aussi ses affaires et les mit sur son dos. Le voyage ne dura pas très longtemps pour arriver aux grottes de glace, mais il ne trouva aucune entrée.
- Merde... Il y a dû y avoir un éboulement... L'entrée que je connaissais n'est plus ici.
- Qu'est-ce qu'on va faire ? Passer par le Nord ?
- Non, non. On en aurait pour deux jours, rien que pour contourner le glacier. Mais je vais vous l'ouvrir, cette galerie. Il me faudrait juste quelques outils.
- Où est-ce qu'on pourra les trouver ?
- J'ai quelques vieux amis qui vivent près d'ici.
Au cours de la journée, les deux voyageurs firent de nombreux détours, si bien qu'ils ne parvinrent à une petite auberge qu'en fin d'après-midi.
- Nous y sommes ? demanda Idai.
- Ouais, entrez Amran !
A l'intérieur, une joyeuse bande de vagabonds venue de tous les pays chantaient, dansaient et buvaient.
- Hé, Bruno ! cria Esvet à l'aubergiste.
Le gros bonhomme qui servait au bar posa son torchon sur son épaule et commença à ouvrir grands les bras pour y accueillir le jeune homme. Il avait un fort accent de l'Est.
- Hé, garçon ! Comment tu vas ? T'es sur un coup, en ce moment ?
- Ouais, et un gros, on dirait ! Dis-moi, je peux t'emprunter l'atelier pour la nuit ?
- Et ben... ça...
- S'teuplé, Bruno ! Je t'ai ramené de la clientèle, en plus ! dit-il en désignant Ensh'Idai.
- C'est que c'est du matériel rare, hein... Tu me demandes toujours des trucs farfelus...
- Allez Bruno, à l'ancienne ! Tu te rappelles de cette histoire avec le cirque, là ? Qu'est-ce que t'aurais fait sans moi ? lui dit-il en lui passant le bras dans le dos.
- Tu vas me la ressortir longtemps, celle là ? Bon, d'accord, mais range tout !
- Ah, merci mon Bruno !
Esvet se rapprocha d'Ensh'Idai et l'installa à une table.
- Bon, quelque chose à boire ?
- Vous ne vous mettez pas au travail ?
- Ce sera bon demain matin. Allez, Amran ! Une petite bière ?
- Une grenadine, pour moi.
- Comme vous voudrez !
Pendant toute la soirée, Esvet chanta, dansa et s'amusa. Ensh'Idai ne supportait pas vraiment cette attitude et alla se coucher. Le lendemain, c'est pourtant Esvet qui vint réveiller Idai.
- Allons-y, Amran, vaut mieux faire le chemin de bon matin.
Et encore une fois, Esvet fit de larges détours.
- C'est bon par ici, hein ? Un peu plus haut, et on verra la mer.
Arrivés devant la caverne éboulée, Esvet commença à répandre une petite poudre sur le sol qu'il sortit de son sac et versa le contenu jaunâtre d'une bouteille avant de s'écarter un peu. Il déroula une petite cordelette allant jusqu'au liquide jaunâtre et demanda à Amran de quitter la grotte. Il alluma la petite mèche et une immense explosion retentit. Le passage était à nouveau dégagé.
- Impressionnant ! Vous avez fait ça vous même ? demanda Idai, admiratif.
- Ouais... dit-il un peu fier de lui.
- Non, vraiment, c'est exceptionnel, surtout pour quelqu'un comme vous.
- Ah euh... C'est gentil...
- Mais il y a quelque chose que je me demande. Quand est-ce que vous avez eu le temps de fabriquer ceci ?
- Toute la journée d'hier.
- Mais... Nous avons fait détour sur détour et vous avez passé la soirée à boire...
- J'y ai pensé toute la journée, j'ai imaginé ce qui aurait une assez grande puissance de feu pour faire exploser ces rochers. J'ai laissé mon esprit se reposer, j'y ai repensé, encore, et encore. Et une heure avant que nous partions, je l'ai fabriqué.
- Attendez... C'est la première fois que vous faites ça ?
- Que j'utilise cette formule ? Oui ! Mais pour ce qui est de faire sauter des trucs, j'en suis pas à mon coût d'essai.
Ensh'Idai était surpris par l'ingéniosité de cet "Esvet". C'était à la fois quelqu'un de simple, de travailleur et d'ingénieux. A l'époque où montait son équipe pour prendre Khenas, il aurait aimé l'avoir recruté.
- Vous savez Amran, il faut vivre, parfois. Créer, ça demande de vivre.
A la tombée de la nuit, tous deux avaient traversé les cavernes et se trouvaient en haut des falaises de Laydear, à l'entrée des mines.
- Nous y voilà, soupira Esvet.
Tous deux observèrent le soleil entrain de se coucher sur la mer. Ca y est, Idai était ici, lui aussi. La dernière étape d'un voyage qui avait commencé il y a de longues années.
- Merci Esvet, merci beaucoup.
Esvet commençait déjà à rebrousser chemin.
- Vous partez ? demanda Ensh'Idai.
- Oh, et ben... Vous savez, je dois déterrer mes babioles, lança t-il en souriant.
Idai lui tendit la main.
- Alors puissiez-vous le faire du mieux possible.
Esvet la lui serra.
- Et vous, placez justement vos barrières.
Pour aucun de ces deux-là cette rencontre n'était anodine. Et sans qu'aucun des deux ne sache expliquer pourquoi, ils sentaient un fort respect mutuel l'un envers l'autre. Esvet partit et Idai resta. Ce n'était plus qu'une question de temps pour qu'il retrouve Keldan.
Au coeur de l'Andar, il était question d'une toute autre affaire : Darren n'avait pas été vu depuis bien longtemps, et toute la zone Est d'Andaria s'affrontaient pour voler son trône.
Les Géants de la Porte menaient une véritable guerre civile au sein de la capitale. Il faut dire qu'ils étaient loin d'être les seuls à se disputer la place d'Edward Sica. Mais malgré le courage et l'ingéniosité de Gulliver, ses amis et lui ne suffisaient pas à prendre une place si importante. Contrairement à la famille Sica, ils n'avaient ni revenus, ni soutiens, ni moyens de pression. Mais au cours des dernières années, Gulliver avait longuement préparé son coup. Dans le secret le plus total, la famille Austein, les Pirates de Siegstrauss, les Gnomes furtifs et cinq autres troupes de bandits s'étaient joints aux Géants. Un restaurant baptisé "Orlando's" les aidait à blanchir l'argent et peu à peu, la petite troupe de voleurs devenait importante.
Il n'y avait dans le quartier de la porte Est aucune véritable résistance au pouvoir qu'avaient pris les Géants, puisqu'ils s'étaient trouvés des alliés de taille. C'était plutôt face aux autres quartiers que la guerre se jouait. Bien sûr, la famille Sica restait puissante, malgré l'absence de ses deux plus hauts dirigeants, mais ce n'étaient pas les plus à craindre. Morshu Vanmorshu, un haut dignitaire de la ville disposait d'une dizaine de magasins extra et intra-muros. Il n'était pas à proprement parler un brigand mais ne supportait pas la concurrence et employait tous les moyens nécessaires pour s'en débarasser. Lyn Vardès était le principal adversaire de la famille Sica depuis de nombreuses années. D'origine bourgeoise, il avait été deshérité par sa famille et s'était depuis employé à racketer tous les commerçants des quartiers sud, à l'aide de quoi il finançait plusieurs manufactures d'armes.
Et bien sûr, au sommet de l'échelle des escrocs sommeillait Ravindish, maire du palais d'Andaria et éternel larbin de tous ceux qui l'achetaient. Il faut dire après tout que s'il ne s'occupait pas à être un traître, il n'aurait pas grand chose à faire de ses journées.
A tout ce beau monde s'ajoutaient les traficants de drogue, d'armes, d'êtres humains, les mercenaires et chasseurs de primes, les commerçants les plus avides et de manière générale, tous ceux qui voulaient leur part du gâteau.
Et la part que voulait Gulliver n'était pas la plus grosse. Il souhaitait la paix, au moins dans le quartier. Bien sûr, ni lui, ni Hawkins ou Cyrus ne s'était dit qu'Andaria pouvait exister sans son crime organisé, mais il pensait au moins pouvoir le réguler, et fédérer ses parties. Pour le moment, un fragile équilibre s'était mis en place, mais ce n'était qu'une question de temps avant que d'autres groupes n'arrivent dans le quartier pour profiter de son apparente prospérité.
- Non mais sérieux ? C'est quoi, ces conneries ? demanda Hawkins à Gulliver.
- Ben quoi ? T'as eu la droit à la "spéciale", hein... Donc maintenant, c'est mon tour de profiter un peu.
- L'année dernière ouais, t'abuses un peu, Stroker, répondit-il, toujours dans la queue d'un restaurant prisé de la capitale. Tous deux avaient mis de beaux costumes qu'ils avaient volé et si celui de Gulliver lui allait comme un gant, celui d'Hawkins lui était beaucoup trop grand.
Tous d'eux mangèrent au buffet comme il ne l'avaient pas fait depuis bien longtemps. En fait, Gulliver n'aimait pas trop que sa bande se fasse voir au grand jour, mais une fois tous les six mois, il leur autorisait une sortie dans le genre de celle-ci. Cyrus les rejoint quelque temps plus tard.
- La vache, c'est bon ça... disait-il en goûtant à tout. Merci, Stroker !
- T'es fou, me remercie pas... C'est toi qui a taffé pour ça.
Gulliver regardait encore et encore les gens entrer et sortir du restaurant.
- Et non mais sort de ta parano, Stroker. On fait rien de sale, là... Faut que tu sois avec nous, de temps en temps.
- Bah ouais je sais bien, mais c'est depuis cette affaire avec Dysill, je suis pas bien serein.
- Alors tu la vois partout, la garçonne ? dit Cyrus en imitant un bruit de bisou.
- Ferme-la, Jackman.
- Je savais pas que t'étais homo, Stroker... lança Hawkins pour continuer sur la même lancée.
- Non mais sérieux ? Bordel, les gars... dit-il en faisant glisser ses mains sur son visage.
- Allez, calme-toi, dit Cyrus, on te charrie. Qu'est-ce que t'as en ce moment ? Tu supportes plus les blagues ?
- Ca se peut, ouais. Mais avoue que c'est perturbant. Dysill ressort d'on-ne sait-où et Darren se volatilise dans la foulée. Il y a de quoi de poser de sacrées questions.
- Ouais, mais pas tout de suite, dit Hawkins. T'es le chef, merde. Redescends sur terre et fait le boulot en temps voulu.
Gulliver n'arrivait plus à faire le tri dans ses pensées, alors il décida simplement d'un coup de dire stop, d'arrêter de réfléchir et de revenir à la réalité. Il souffla un bon coup et continua à manger.
- T'as raison, gamin, dit-il en lui donnant une tape sur l'épaule.
- Mais au fait, Stroker. Tant qu'on en est là, tu peux peut-être nous dire ce que Dysill foutait là ? C'est pas parce qu'elle est "morte" qu'on s'est retrouvés dans la merde, il y a six, sept ans ?
- Ca, les gars... Vous comprendrez que je vous en dise rien.
- Roooh, rougna Cyrus.
- Y'a des espions de partout vieux, même mes plus vieux potes, je peux pas les mettre au jus...
- Tu m'as bien mis au courant pour le réseau, les mecs qui nous aideront à garder le quartier et tout !
- Bah oui, mais là... Là c'est encore plus costaud.
- Sérieux ? Putain Stroker, t'en as trop dit là, balance !
- T'es intenable...
- Allez, chef... demanda Hawkins d'une voix douce et amusée.
- Vous faites chier... Bon, je vais vous le dire, mais faut que vous me promettiez de rien dire, même sous la menace d'une ar....
Un coup de feu retentit violemment dans le restaurant et des éclats de verre partirent dans toutes les directions. Cyrus et Gulliver se jetèrent sous la table.
- Bordel ? Ca va, les gars ? Ca a tiré d'où ? dit le chef des Géants.
Mais en levant les yeux, Gulliver vit qui en était la cible. Le jeune homme qui devait avoir la vie devant lui n'avait plus de mâchoire inférieure et toute une partie de son crâne était partie en fumée. En une seconde, sa cervelle avait dû exploser. Gulliver était sans aucun doute la cible, mais c'est Hawkins qui reçut le coup.
Leurs confessions d'aujourd'hui détermineront le sort de Rogaun à l'avenir. Sullivan, Cyane, Kyundo, Dysill, Esvet, Ensh'Idai, Gulliver devront se justifier en temps voulu, et la vérité éclatera au grand jour.
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