Episode Vingt : La fin du voyage

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La fin du troisième mois d'entraînement approchait. Dysill et Lurian avaient maintenant la main mise sur leurs capacités respectives, comme si elles avaient toujours été une part d'eux.

Keldan, même s'il s'entraînait aussi dûrement qu'eux ne voyait pas le bout de cet entraînement. Kyundo ne cessait de lui répéter que c'était sûrement parce qu'il était trop fermé, sans doute trop "adulte". Et pour cause, Keldan était depuis tout petit l'homme de sa maison, et n'arrivait pas à être autre chose que pragmatique et terre à terre. Forcément, lorsqu'on lui disait de s'"ouvrir" et de "regarder au-delà" de ce qu'il voyait, il ne pouvait pas s'empêcher de se dire que c'étaient d'énormes conneries. A ce stade là, il serait impossible pour lui de développer le Souffle comme ses amis. Kyundo voyait pourtant le courage et la détermination dont il faisait sans arrêt preuve.

En fait, selon Kyundo, ce qui définissait Keldan était l'amour. Il avait beau être cynique et ronchon, il était mû d'un amour tellement fort qu'il était capable de rester plongé des mois dans un domaine complètement étranger si cela pouvait aider les siens. Il s'aimait, il aimait sa famille, ses amis, sa patrie... Et, aussi étrange que cela puisse paraître, il adorait ce monde. Kyundo avait remarqué la fascination qu'il pouvait avoir pour toute vie lorsqu'ils jardinaient et entretenaient les espèces de la forêt. Celui-ci ne coupait pas un brin d'herbe sans le demander à son maître. Il était moins docile que Lurian, moins concentré que Dysill, mais il avait un plus grand coeur qu'eux tous réunis.

Le soir, Keldan se retrouva seul avec Kyundo, cela n'arrivait pour ainsi dire presque jamais.

- Honnêtement, Kyundo, est-ce qu'on pourra battre Ensh'Idai à nous trois ? Enfin, à eux deux.

- Ce sera dangereux. Mais pas impossible. On ne connaît rien de lui, alors c'est difficile à dire.

- Ah...ouais...

- Vous ne voulez pas rester plus longtemps ?

- J'ai peur que le temps ne presse. Il nous faudra bien deux mois pour rejoindre Khenas à nouveau. J'espère que ce qu'on a appris ici nous servira au moins à faire évader ma soeur et ma grand mère... Si elles sont encore en vie.

- Crois moi, vous avez reçu la meilleure formation. La meilleure des meilleures.

- Alors pourquoi vous viendriez pas avec nous ?

- Quoi ?

- Bah oui, Kyundo... Ensh'Idai aurait aucune chance contre vous.

- Je regrette Keldan, mais je dois rester ici, aussi longtemps que je vivrais.

- Mais vous reviendrez, de toutes façons...

- Je suis catégorique. Désolé, Keldan.

- Ouais d'accord, ça marche.

Alors quelques jours passèrent encore, jusqu'à ce que les trois mois d'entraînement furent accomplis. Le dernier jour, Dysill, Keldan et Lurian cueillaient des baies dans la forêt pour Kyundo. Keldan n'était pas le seul à prendre conscience de ce qu'il était entrain de se passer : Bientôt, il faudrait rentrer et affronter Idai. Mais pouvait-il vraiment le permettre ? Keldan pouvait-il laisser ses amis se battre alors qu'il n'avait lui-même pas la moindre habileté surnaturelle ?

- Dysill ?

- Ouais ? dit-elle la bouche pleine de myrtilles.

- C'est quoi le plan, ensuite ?

- C'est la meilleure ça, je croyais que t'aimais pas que je "fasse la chef".

- Je te demande juste ton avis, on est une démocratie, tous les trois...

- Alors ça a pas changé, on rentre chez toi et on déloge le magicien.

- Mais ça te concerne pas, cette histoire. Et d'ailleurs, ça concerne même pas Lurian non plus.

- Qu'est-ce que tu nous fais, là ? Une crise de panique ?

- Quoi ?

- On a dit qu'on t'aidait, alors on va le faire, sinon on aurait pas dit qu'on t'aiderait... Toi tu m'as aidé, alors je t'aide et Lurian t'a aidé à l'aider à t'aider. Après je t'ai déjà aidé, mais si tu m'avais pas promis de m'aider je t'aurais pas aidé. C'est clair, non ?

- On va dire que oui.

- Cool.

- Mais je veux pas que vous vous fassiez tuer alors que je peux rien faire, c'est tout. J'aurais l'impression de ne servir à rien.

- Tant mieux, j'espère bien que tu te battras toi aussi.

- Ben oui, mais est-ce que je vais vraiment être utile.

- Je pense surtout qu'il faut que tu lâches prise : pouvoir ou non, on a rien pour nous garantir la victoire. Mais on a décidé de gagner, alors on va le faire. Et si tu viens pas, j'irais me le faire toute seule, Ensh'Idai. Juste par plaisir.

Les deux enfants rirent et se rendirent compte que Lurian était juste à côté d'eux, assis sur les branches d'un arbre.

- Mais ça n'empêche que je vous aime, les gars...

"Alors fais nous confiance", lança Lurian. "Juste une fois, juste cette fois, pense à rien d'autre, et fais nous confiance autant que tu le peux".

Keldan hocha la tête avec sincérité. De toutes façons, ils avaient tout leur temps pour préparer minutieusement un plan d'attaque. Il lui fallait simplement... tout lâcher, et leur faire confiance. A eux, en lui, en leur groupe. Il choisit de croire qu'il y avait plus en eux tous que ce que les apparences laissaient apercevoir.

C'est alors qu'un très mince filet de fumée s'échappa de sa bouche.

Il éclata de rire, alors que les trois amis sautillèrent sur place en se tenant bras-dessus bras-dessous.

- Tu l'as ! Tu l'as ! cria Dysill.

- Ouais, je l'ai ! On l'a ! Ahahahah ! Ca y est !

"Il faut aller le dire à Kyundo !" dit Lurian.

Alors, tous courrurent mais Keldan s'arrêta un petit instant dans la forêt. Une odeur le gênait et il trouvait cela étrange. Et alors que Dysill et Lurian s'éloignaient vers le domaine de Kyundo, il resta figé. Quelque chose était vraiment, vraiment très bizarre, ici. Une chose l'attrapa par le cou et le plaqua sauvagement contre un arbre. Il se retrouva face à deux yeux enragés, trente deux dents serrées et une chevelure qui cachait presque ce tableau. Ensh'Idai le serra au niveau du cou, fou furieux.

- Keldan. C'est toi. C'est toi. C'est toi. Putain, je t'ai trouvé.

Keldan ne comprenait pas ce qui lui arrivait et se débattit sans succès, qui était-ce ?

- Où est Gath ? Réponds.

- Il... il est mort...

- Mort ?! Quoi ?! Tu l'as buté ?

Ensh lui envoya un coup de poing qui le sonna et le fit saigner du nez.

- Non... Non, il était déjà... mort.

Une matière visqueuse noire l'envahit, il jeta Keldan au sol et le frappa au ventre. La peau et les vêtements qui se trouvaient à l'endroit de l'impact se déchirèrent, comme s'ils n'existaient simplement plus. Keldan hurla.

- Je vais t'arracher la peau toute entière, mon gros. Et tes reins, tes poumons. Parle, bordel, explique-moi ! dit-il en lui déversant encore plus de matière visqueuse. Bientôt, il saignait de presque chaque muscle, parvenant à peine à articuler quoi que ce soit.

Un violent et vicieux coup de poing vient projeter le tyran un peu plus loin. Dysill la Menace venait de lui montrer de manière subtile ce qu'elle pensait de sa méthode.

- Keldan ? Ca va ? Tu peux te lever ?

Le pauvre saignait de partout. Il pouvait bien sûr bouger mais il fallait trouver un moyen de stopper l'hémorragie au plus vite.

- Ca....va...

- J'ai entendu parler de toi, je crois, dit Ensh'Idai. Tu es la fille que recherchait l'épicier. Tu es "Les Crocs".

- L'épicier ?

- Sica.

C'est dans ce genre d'instants qu'il fallait être le plus fort. Dysill venait d'apprendre une fois de plus quelque chose de terrible, mais elle savait que le temps lui était compté.

- Et toi, t'es Ensh'Idai, du coup.

- Commment tu... sais ça ? demanda Keldan.

- C'est lui qui me l'a dit, en quelque sorte.

- Je ne t'ai jamais vu de ma vie, dit le tyran.

- Je sais.

Keldan se releva et tenta de se faire des bandages partout où c'était possible. Cela prenait un temps fou.

- Donc, vous avez mené Moord à la mort et vous m’apprenez que Gath n'est plus de ce monde. Est-ce qu'il y a autre chose que je devrais savoir ?

- Ouais, que tu vas morfler, dit Dysill.

Le bougre subit alors deux violents coups de pied qui semblèrent être lancés à la vitesse du son. Lurian venait d'utiliser un peu de sa puissance pour sonner leur adversaire. Il se tint alors prêt des deux autres. Et puis, il se passa quelque chose d'assez inattendu. Une deuxième Dysill vint compléter le tableau.

- Euh... Alors attends, quoi ? demanda Keldan.

Comme Kyundo le leur avait expliqué, le potentiel du Souffle n'était pas limité et progressait en permanence. Après avoir travaillé à regarder dans le passé, Dysill tenta de regarder dans l'avenir, mais elle ne pouvait pas. Cependant, il lui était possible d'établir un contact avec une version d'elle qui regarderait dans le présent depuis l'avenir. Au départ, elle pouvait recevoir de petits messages étranges et cryptés qui semblaient venir d'elle dans quelques minutes. Et à force de travail et d'acharnement, elle parvint à appeler une version d'elle venue de l'avenir. Elle ne pouvait utiliser cette astuce que sur sept ou huit minutes maximum, mais cela suffisait largement à prendre un peu d'avance.

Elle comptait garder la surprise pour plus tard, mais en entendant les cris de Keldan dans la forêt, elle demanda à Lurian de se préparer pour le combat et réussit à appeler la Dysill du futur le plus lointain qu'elle le pouvait. Celle-ci demanda à prendre les choses en main pour l'instant, ayant connaissance de ce qui allait se produire.

- Un Qwer temporel ? Je n'ai jamais vu ça, dit Ensh'Idai. Mais qu'est-ce que ça peut faire, maintenant ?

La Dysill du futur s'adressa à Keldan.

- Il faut que tu ailles prévenir Kyundo ! Vite !

Keldan commença à courir et Ensh'Idai s'éleva dans les airs, comme Kyundo. Les deux Dysill tentèrent de le suivre, alors que Lurian s'assit, préparant quelque chose.

- Merde, qu'est-ce qu'on fait, là ? demanda Dysill du présent.

- Je crois que c'est le moment où tu deviens moi, là...

La Dysill du présent commençait en effet à devenir transparente.

- Et je fais quoi, ensuite ?

- Assure, c'est tout !

C'est à cet instant que Dysill fut renvoyée dans le passé pour devenir celle qui poursuivait actuellement Ensh'Idai.

"Merde... pensa-t-elle, il est trop haut...! Mais si j'en appelle un, ne serait-ce que de quelques secondes..."

Elle invoqua alors son double du futur qui tomba juste au dessus d'Idai et s'accrocha sur son dos et commença à le marteler de coups à la tête. Celui-ci se mangea un tronc d'arbre avant de s'écraser au sol. Dysill du présent grimpa à un arbre et sauta à l'endroit où se trouvait Ensh'Idai il y a quelques secondes, toujours pour boucler la boucle. Idai frappa violemment Dysill au visage et prépara une sorte de petite sphère pleine du liquide noirâtre, c'est à cet instant que le puissant Keldan lui envoya deux coups de poing au visage. Il avait immensément progressé et Idai le remarqua. Dysill et Keldan relachèrent tous deux leur Souffle et attaquèrent Idai simultanément.

Comme Kyundo l'avait dit, le Souffle ne conférait pas simplement des capacités extraordinaires, il plaçait les individus qui le maîtrisaient bien au delà de la simple limite humaine. C'est alors qu'un phénoménal échange de coups commença. Ensh'Idai dominait très largement l'affrontement, mais la concentration de Dysill combinée à la force de Keldan réussissaient à surprendre le tyran, par moments.

Kyundo était pendant ce temps tranquillement installé sur son lit situé dans la cave de la maisonnette. Il profitait d'un des rares instants de calme qui lui étaient alloués pour boire une petite infusion de menthe. Il se leva, regarda les fromages qui s'affinaient dans la deuxième section et était fier du travail que ses disciples avaient accompli. Il monta les escaliers et décida d'aller prendre l'air.

Ensh'Idai repoussa alors les deux enfants à l'aide d'une puissante onde de choc. A terre, ils profitèrent d'un instant de distance pour réfléchir à la situation. Ils regardèrent Ensh'Idai et quelque chose leur sauta tous les deux aux yeux. Puis Dysill lui lança :

- Qu'est-ce que tu nous veux ? On te l'a dit, Gath est mort.

Ensh'Idai fronça les sourcils et ne dit rien. La rage l'aveuglait et il n'avait en effet aucune raison de tuer ou de blesser les trois adolescents. Il avait simplement besoin d'un responsable à son malheur et comme il l'avait promis devant la tombe de Moord, il détruirait ce monde.

La substance noire et visqueuse déborda de son corps et vint faire fondre l'herbe, le sol sous ses pieds et les feuilles des arbres qui se trouvaient à sa portée.

- Je peux détruire ce que je veux, le faire disparaître.

La substance noire se concentra dans sa main et prit la forme d'une lame, toute aussi noire et gluante.

- Tout ce qui n'existe pas est à moi. Le vide, l'absence.

Il serra fermement l'épée en question qui semblait se mélanger à sa propre main.

- Mais c'est à cette échelle d'homme que je me limite, je ne peux pas en faire plus. Défaire mille khenasiens est un jeu d'enfant, mais imaginez un instant devoir faire face à une armée d'êtres comme nous.

- Ca existe, ça ? demanda Keldan.

- Oui, dit Ensh'Idai. J'avais besoin de Gath, pour ça.

- Derrière la mer ? C'est derrière la mer que tout ça se cache ?

Ensh ne répondit que par un regard de dédain et s'éleva à nouveau dans les airs puis déracina des arbres à l'aide de son Souffle.

- Vite, Dysill ! hurla Keldan, remonte le temps !

- Je peux pas ! Je peux pas ! Ca marche pas comme ça ?

- Quoi ?! Tu viens de le faire !

Ensh'Idai lança sans plus attendre les deux troncs sur les deux adolescents. Dysill se concentra alors pour que quelque chose se passe et soudainement, les deux troncs devièrent très légèrement de leur trajectoire, poussés par deux nouveaux clones de Dysill. Les obstacles frollèrent alors de peu les adolescents et les Dysill attérirent juste à côté.

- Je savais même pas que je pouvais faire ça, dit Dysill.

- Ben nous on le sait, parce que maintenant tu l'as vu, dit l'une.

- Suis un peu, parce que ça risque de devenir compliqué, poursuivit l'autre.

Keldan était perdu et ne comprenait rien. Ensh'Idai retomba du ciel et attrapa la Dysill "du présent" par le col.

- Et si je tue celle-ci, qu'est-ce qui se passera ? demanda-t-il. Les autres n'auront jamais existé et vous serez empalés par des rondins.

Il serra sa gorge.

- Si tu fais ça, dit une Dysill du futur, c'est toi qui va disparaître.

- Ca n'a pas de sens, ça, dit-il en faisant souffrir sa victime en la soulevant depuis le sol.

- Tu vas la tuer maintenant parce que tu veux qu'on disparaisse, mais si tu la tues, nous n'apparaîtrons jamais et tu n'auras jamais cette idée. Logiquement, puisque tu auras provoqué l'anomalie, c'est toi qui sera effacé.

- Tu bluffes, c'est ta théorie.

- Tu veux vraiment tenter ?

Ensh'Idai relâcha Dysill sur le sol et celle-ci respira à nouveau.

- Qui est-ce que je massacre le premier, alors ? Si je veux pas me tromper, il faut que ce soit le gros.

Mais Keldan était parti depuis quelques minutes, pendant qu'Ensh'Idai était occupé à se triturer les méninges, il allait prévenir Kyundo.

- Il s'est tiré, je crois, dit Dysill du futur le plus lointain.

- Pour faire quoi ? Pour aller chercher quoi, ou qui ? enragea-t-il.

La deuxième Dysill de l'ordre chronologique fit un coucou à Ensh'Idai depuis un arbre.

- Gath !

Ensh'Idai ne pouvait plus se retenir. Jusqu'ici, il avait été fair-play et n'avait pas sorti le grand jeu pour le menu fretin qu'il affrontait. Mais il fonça sur Dysill en volant pour la percuter à mort. Celle-ci disparut en un centième de seconde pour revenir à l'instant où elle avait frappé le rondin. Il ne restait plus ici que la Dysill du présent et celle du futur "lointain". Il se tourna vers elle et ramassa le coup le plus violent qui soit : celui de Lurian, qui avait patiemment attendu depuis quelques minutes.

Au cours de ce mois, il avait découvert les étranges habiletés de son pouvoir. Lorsqu'il entrait dans un état de profonde méditation, il devenait capable de voir la zone qui se trouvait tout autour de lui et d'en analyser les mesures, le relief en long, en large et en travers, comme s'il était dans un rêve. Et cette capacité était plus qu'utile, parce qu'il devait savoir exactement où il mettait les pieds : Il pouvait maintenant atteindre une telle vitesse qu'il était obligé de tracer son parcours avant même de le traverser. Si il ne le faisait pas, il risquait de trébucher sur un caillou, de se prendre un arbre ou de rater un virage et de se blesser gravement. Il lui fallait donc un intense temps de concentration pour atteindre son pic de vitesse après avoir scanné la zone. Après cela, il n'aurait droit qu'à un essai, l'énergie consommée provoquait en effet chez lui une intense fatigue après l'effort.

Lurian pensait qu'un seul coup suffirait pour le faire s'évanouir ou le mettre au sol, mais sa machoîre s'avéra être plus résistante que prévu. Il fit un autre tour et envoya un second coup de poing. Puis un troisième, un quatrième... Ensh'Idai n'avait même pas le temps de se concentrer pour attraper Lurian en utilisant le timing nécessaire. Mais Lurian fit l'erreur de frapper l'armure d'Idai qui devint subitement bleu foncée. Lurian fut perturbé pendant une demi seconde, ce qui permit à Idai de l'attraper et de le jeter contre un arbre. Lurian s'évanouit alors. Idai marcha vers lui pour vérifier s'il était mort, mais Dysill lui envoya un coup de poing au visage qui ne le fit même pas flancher. Comment était-il si résistant ? Il avait beau maîtriser le Souffle, le coup de Lurian aurait dû au moins le mettre K.O. Idai la jeta sur son double qui la rattrapa au vol. Et alors qu'il avançait encore vers Lurian, celle-ci conseilla sa version du passé :

- Il va falloir que tu y ailles, toi. Souviens-toi bien de ce qu'on s'est dit.

- Je vais retenir tout ça ?

- Tu vas le revoir encore une fois, t'as le temps. T'en fais pas, je m'occupe du reste.

La Dysill du présent sauta d'un arbre pour revenir à l'instant donné, et la dernière interpella Ensh'Idai.

- Hé ! L'affreux ?

- Quoi ? C'est moi l'affreux ? dit Ensh'Idai, offusqué.

- Si j'étais toi, je ferais attention à ce que je vais faire.

- Tu m'emmerdes. Dis-moi vite pourquoi et je vous bute tous, qu'on en finisse.

- Parce que si tu tues ce petit gars, ça va mettre le plus grand très en colère. Et là, tu ne pourras pas supporter son Qwer.

- Tu bluffes. Il n'a pas développé le Souffle.

- Encore une fois... Tu veux tenter...?

- Je vais me gêner, dit-il en saisissant son épée pour abattre Lurian.

Et puis, il ressentit quelque chose de singulier.

- Oui... Tu as raison. Ce Keldan a bien le Souffle. C'est faible, mais je peux le sentir !

Il courrut alors à sa recherche, mais Dysill le poursuivit en sautant de branche en branche. Il n'était pas seulement fort et résistant mais aussi très rapide. Mais en arrivant près des lieux où il ressentait l'aura, il trouva Keldan allongé, saignant encore à cause de ses blessures.

- Merde... Cet abruti est mort.

En levant les yeux, il vit la sortie de la forêt et en s'approchant, il aperçut la maisonnette. Dysill se précipita sur Keldan pour l'aider.

En ouvrant la porte de sa maison, Kyundo vit un homme qui se tenait en bas de la colline. Il avait de longs cheveux noirs, une armure de pierre bleutée qui cachait des vêtements fins et amples, ainsi qu'un peu de barbe qu'il avait oublié de raser. Kyundo venait de rencontrer Ensh'Idai. Tous deux eurent le souffle coupé. Idai s'approcha peu à peu de Kyundo et vint se prosterner juste devant lui.

- Seigneur Nicolas, j'ai fait un très long chemin pour vous rencontrer. Votre maison n'a pas été facile à trouver.

- Je suis au regret de t'annoncer que Nicolas Gath est mort.

- Mort ? Mais...

Kyundo ne laissa pas le désarroi s'emparer plus longtemps de lui et lui annonça :

- Mais je crois que tu es venu pour obtenir des réponses à tes questions, et je suis Kyundo Gath, son héritier. Pose-les et je tenterais d'y répondre.

- Oui, Seigneur, continua Ensh'Idai en se redressant sur ses genoux. Je vous remercie.

Il regarda alors Kyundo plus en détail et quelque chose sembla le perturber, malgré cela, il répondit.

- J'arrive de Querweda.

Kyundo n'en croyait pas ses yeux.

- Querweda ?! Comment ?!

- Je vous raconterais mon périple en détail, seigneur Kyundo. Mais j'ai besoin de trouver un Aard, une clé. C'est pour ça que je suis venu ici, en Rogaun.

- Quel est ton nom, Querwedian ?

Ensh'Idai mis une main sur son coeur et regarda Kyundo avec fierté.

- Je suis Enshidaibu Amran, dernier de la maison Idai, noblement nommé Ensh'Idai, fils de Marsh'Idai et de Kal'Darman. Toi qui connais le Souffle, j'aimerais que tu me dises si un Aard pour moi se trouve quelque part dans ce monde.

Kyundo tenta de paraître insensible à cette révélation et sonda l'homme de la tête aux pieds, remarquant aussi quelque chose d'étrange chez lui. Il lui répondit tout simplement :

- Je vais faire de mon possible pour te répondre. Mais j'ai moi même une question : Pourquoi suis-je entrain de sentir mes élèves s'affaiblir ?

Ensh'Idai était soudainement gêné.

- Nous nous sommes battus, seigneur. Je ferais ce que je peux pour me racheter, mais pitié, répondez à ma question.

- Tu as déjà la réponse, et tu l'as eu dès que tu es arrivé devant moi.

Ensh'Idai fut pris d'un frisson.

- Je n'ose y croire, après tant d'années. C'est pour cela que je suis venu, et pourtant je ne le concois pas.

Dysill parvint à resserrer tous les bandages de Keldan et à le faire se relever avec un peu d'eau. Celui-ci était pâle, mais ce n'était rien comparé à Lurian, qui s'était complètement endormi. Elle portait l'un et accompagnait l'autre vers la sortie de la forêt. C'est alors qu'elle vit Kyundo et Ensh'Idai entrain de se parler l'un et l'autre, et ce qu'elle avait déjà pressenti lui sauta aux yeux.

Tous deux se ressemblaient énormément. La couleur de leurs cheveux et de leurs yeux étaient différents, de même que la forme de leur front et la densité de leur pilosité, mais ils étaient pratiquement identiques pour ce qui est du reste.

- Deux personnes d'un Qwer similaire sont des Aard l'un pour l'autre, continua Kyundo. Et la manifestation du Souffle est souvent génétique.

- Kyundo. C'est vous, enfin, toi... C'est toi que je cherche depuis si longtemps. Quinze ans, j'ai passé quinze ans sur la terre des imbéciles pour te retrouver.

- Comment est-ce possible ? Qui es-tu ?

- Je te l'ai dit sans te mentir. Je suis Ensh'Idai. Et toi, mon frère, tu es Tashram Alik Idai. Je suis venu te ramener à la maison.

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