Chap 6 provisoire
Comme rarement cela lui arrivait encore, Loïs se leva tard ce matin-là. Elle s'éveilla au zénith du soleil plus reposée qu'elle ne l'avait jamais été. Le Pèlerin n'était plus nul part en vue, mais Carpaccio reposait allongée sur les jambes de la naine. Cette dernière lui colla un coup de talon et parvint à se dégager de sous son animal, enfin, elle se leva, se coiffa prestement, épousseta la paille de ses vêtements et se dirigea vers l'auge des animaux. Seul récipient d'eau claire facilement accessible pour sa personne, elle se débarbouilla rapidement dans son onde avant de se sentir prête à tenter une sortie.
Tout d'abord, elle jeta prudemment un coup d’œil au dehors. Hors du giron chaud et rassurant de l'écurie tout le monde semblait trop occupés à leurs petites affaires pour s'intéresser à l'artiste. Rassurée par l’indifférence générale qui habitait lieux envers sa personne, Loïs tenta une sortie. Elle ne généra pas plus d'attention en traversant la cour et s'engagea dans la grande salle de l'auberge.
— Ah ! Maître nain ! Comment allez-vous ? L'interpella l'aubergiste, et sans lui laisser le temps de répondre à ses salutation enchaîna aussitôt :
— Un petit-déjeuner ? Oui. Un copieux petit-déjeuner pour notre bon maître troubadour !
Loïs vit, avec plaisir, apparaître devant elle une assiette copieuse de légumes, de blé moulus et de tranches froides de rôtie.
À la vue de toute cette ripaille, la bosse des affaires de la troubadour commença à la titiller ; d'expérience elle savait qu'un tenancier n'offrait jamais un bon repas s'il n'y avait pas quelques arrangements à honorer où à bâtir à la clé.
— Pour vous, Maître troubadour, insista-t-il en poussant un peu plus l'assiette devant la naine comme s'il eut crains qu'elle n'ait compris où il venait en venir.
— Une cervoise avec ça ? Ma femme la brasse elle-même, c'est la meilleure cervoise de tout le bourg, il faut que vous y goûtiez !
Avant même que Loïs n'ai eu le temps de répondre, l'aubergiste avait ordonner aux gens de son service que leur soit apporté deux chopes de cervoise fraîche. Maintenant, pleinement assurée que les négociations avaient bel et bien commencée, la naine grimpa sur le banc et se saisit de sa cuillère. Constatant à son tour que tout semblait s'annoncer pour le meilleur, le ventripotent tenancier coula sa massive bedaine entre la table et le banc en face de son invitée.
Sous l’œil anxieux de son hôte, Loïs commença son petit-déjeuner pour découvrir que la viande n'était pas la seule composition froide de son assiette. Visiblement elle avait été attendue, certain dans sa position aurait fort put profiter de la moindre erreur pour négocier à la hausse et exiger un nouveau plat, mais la rudesse de sa vie et la faim qui la tenaillait la retinrent de pinailler sur se détaille. Elle ne but sa première chope de cervoise que pour s'empêcher de s'étouffer entre les bouchées, elle ne se rendit compte qu'à la moitié de la seconde que celle-ci était en effet fort bonne. L'aubergiste ne lui avait pas servit un broc coupé à l'eau comme la veille, il devait donc la considérer suffisamment importante pour lui céder ce qui était destiné aux habitués et aux riches marchants. Elle vit le tenancier pianoter nerveusement ses doigts tout boudinés sur la table et compris que bientôt allait ouvertement commencer les négociations.
Rapidement, la troubadour estima plus que ce qu'elle pouvait gagner, combien elle pourrait transporter à son départ. Il lui était inutile qu'elle soit riche comme Zédar, si c'était pour finir comme lui la gorge tranchée, le corps abandonné dans un fossé à à peine quelques lieux de la ville. Et qui pour prendre soin de ses trois petits démons ? Au vue de la fréquentation qu'elle pouvait générer dans ce bourg, et de la générosité générale des tenanciers d'auberge et de taverne, elle estimait que dix pourcents des recettes totale, plus logement et nourriture compris pour tout les quatre était un prix raisonnable. Elle ne descendrait pas plus bas. Début des négociations à vingt pourcent. Non, vingt-cinq ! Vingt-cinq c'était bien ! En cas de grandes influences les aubergistes tendait à devenir grippe-sous et à payer bien moins que prévus. Une histoire que sous grande influence de client tout leur coûtaient plus chers à acheter et qu'à la fin il ne leur restait plus grand chose, comme si ont pouvait encore faire croire à Loïs qu'ils ne se faisaient pas de belles marges sur la rareté.
L'homme en face d'elle trépignant d'impatience sur sa chaise n'y tint plus et posa enfin la question qui lui brûlait les lèvres.
— Bon maître troubadour, vous jouerez ici ce soir, n'est-ce pas ?
— Combien pensez-vous m'offrir maître aubergiste ?
L'intéressé sursauta, il s'était attendus à plus de ronds de jambes et minauderie de la part de l'artiste.
— Vous êtes fort direct, j'aime ça. Je sais que malgré votre réputation et votre performance d'hier les autres taverniers du bourg négocieront injustement votre prix très à la baisse. Je sais reconnaître une pépite et paye toujours au juste prix. Je vous propose vingt pourcent des recettes de chaque jour où vous vous produirez chez moi. Non, vingt-cinq ! Vingt-cinq pourcent me semble plus correct, logement et nourriture compris, pour vous, votre serviteur et vos bêtes. Vous êtes si prolifique, que même avec une telle perte je parviendrais à vivre confortablement pendant des semaines. Il faudra régler la question de comment hydrater et sustenter tout ces clients, mais j'en fait mon affaire ; que dîtes-vous de mon offre maître nain ?
Maître nain était actuellement un peu crispé et ne cessait de jurer intérieurement sur la bêtise de son hôte. Comment est-ce qu'on négociait son foutus prix à la baisse ? Est-ce que même dans l'histoire des troubadours, ménestrels, jongleurs et autres gens du spectacle, quelqu'un avait-il jamais eu à négocier son prix à la baisse ? Que Guerre soit sur cet abrutis bien pensant !
— Maître aubergiste, vous exagérez ma valeur je crois.
— Oh non ! Croyez le bien maître troubadour ! Si ma fille n'avait pas insister fermement sur une offre à vingt pourcent des recettes totales, nous vous aurions ma femme et moi proposés bien plus ! Au moins trente pourcent ! Mais ma fille s'y est fermement opposé. Pas plus de vingt qu'elle a dit, c'est elle qui tiens les comptes vous voyez, mais je gère encore les affaires et je trouve que vingt-cinq pourcent est une très belle offre ! Peut-être devriez-vous écouter votre fille. Ma performance d'hier soir ne valait pas autant, pas assez du moins pour risquer la ruine et la dés-harmonie dans votre famille.
L'aubergiste sembla troublé par ses paroles, bon vivant, toujours près à se plier en quatre pour le bien de sa famille il pesa aussi le pour où le contre qu'il en ressortait.
— Écoutez, repris Loïs en décidant de jouer franc jeu, je ne peux pas accepter vingt-cinq, ni même vingt pourcent des recettes du jour, tout simplement parce que je suis incapable de transporter une telle charge. Mais vous le méritez, protesta pourtant son interlocuteur. Mais je ne peux pas les transporter avec moi, quel intérêt pour moi de me faire détrousser à peine la lisière de la forêt franchis ? Gardez l'argent, vous en ferez un bien meilleur usage que moi.
Loïs pesta encore intérieurement, pour une fois qu'on était prêt à la payer à sa juste valeur, elle devait refuser l'offre. Pire que cela, elle qui avait toujours négocié avec acharnement, faisait même preuve d'un peu de générosité envers le tenancier. Je comprends, lâcha enfin son interlocuteur pensif. Que direz-vous d'accepter quinze pourcent des recettes du jour ; trois repas par jour pour vous et votre serviteur ; logement pour vous, votre serviteur et vos bêtes ; et je m'engage à vous fournir des vivres à votre départ. Douze pourcent, insista la naine qui sentis ses paroles lui brûler la langue tandis qu'elle les prononçait.
L'aubergiste pris un air renfrogné comme s'il était celui qui avait fait les mauvaises affaires et maugréa à contre-cœur en lui tendant la main :
Douze pourcent donc.
Loïs se promit d'honorer son hôte et de ne cause aucune esclandre dans sa demeure avant de lui serrer la main pour conclure leur marché. L'aubergiste allait se lever, mais il s'arrêta et reporta son attention vers son interlocutrice. Dîtes moi, maître troubadour, une voix comme la vôtre, vous chantiez dans une cour autrefois, n'est-ce pas ? En effet, hésita la naine ne sachant trop où son interlocuteur voulait en venir.
Le tenancier hésita, puis, le regard plein de compassion il se tourna vers Loïs et déclara : —Au nom de l'art c'est quand même terrible ce que l'on vous as fait petit, vraiment, jamais je n'aurais vendus mes fils, même pour avoir une voix telle que la vôtre, conclu-t-il avant de finalement se lever.
Loïs lui offrit un sourire un peu crispé qui se voulait aimable jusqu'à ce qu'il disparaisse. C'était donc cela le prix juste, de la solidarité masculine pour pleurer une paire de couilles qu'elle n'avait jamais perdus. Ils étaient vraiment agréable dans cette contrée, mais incapable d'imaginer qu'une femme ait quelques talents. Pourtant, tout les hommes d'ici comptait sur au moins une femme de leur famille pour tenir leurs affaires et leur maison, ce ne devrait pas être difficile pour eux d'imaginer que leurs épouses, leurs mères et leurs filles n'étaient pas que des potiches !
Loïs évita soigneusement d'imaginer comment les femmes de cette contrée faisaient pour accepter d'être traitées comme des imbéciles, elle sentait que la réponse allait l'énerver plus encore. Et puis, sa propre mère avait-elle jamais eu son mot à dire dans quoi que ce soit ? Et ses sœurs ? Si elle avait échappé aux mariages arrangés comme elles, c'était uniquement grâce à son handicap. C'est que les musiciens talentueux, ça épousaient d'autres musiciens talentueux, et non des bergers comme elle l'avait fait. Et encore une fois, c'était à son handicap qu'elle se devait de bien s'en sortir. Elle était trop moche et talentueuse pour être une bonne femme, que cela lui fasse une belle jambe, au moins, elle auraient des pièces sonnantes et trébuchantes dans sa poche au réveil !
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