La tiare de l'orgueil

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 La fête battait son plein et Miranda dansait avec ses frères. L’ondulation des jupons fins et légers de sa robe attirait le regard des invités qui l’observaient se mouvoir et tournoyer d’un bras fraternel à un autre. Chacun de ses rires était location d’offrir aux spectateurs un échantillon de sa joie de vivre légendaire. Elle sublimait la piste de danse, émerveillait bien des jeunes gens, ouvrait à la jalousie bien d’autres.

— Un jour, ma sœur, je voudrais vous voir diriger notre cité. Avec vous au pouvoir chaque loi serait respectée. Votre superbe éradiquerait les criminels qui, en vous observant, vous donneraient leur esprit à refaçonner. Un ordre de vous et le monde ne serait plus que beauté, lui confia l’aîné.

— Vous me flattez et me donnez plus d’importance que je n’en ai.

 Les pierres de sa tiare miroitaient attrapant toute l’admiration des convives. Le père en avait été le plus dépendant et avait embrassé mille fois sa fille en la remerciant d’être si belle. La jeune femme qui n’avait connu que les compliments depuis sa plus tendre enfance écoutaient ceux-là comme on laisse le vent se répandre dans une chevelure, sans y faire une très grande attention et toutefois en l’appréciant.

 Tous s’amusaient au son de l’orchestre et des ménestrelles qui arpentaient les allées de bancs à la recherche d’oreilles attentives. On sirotait des cocktails exotiques, se goinfrait de mets partant de la viande faisandée aux fruits les plus sucrés. Les réjouissances s’élevaient vers les hautes voûtes et entre les lourds piliers de pierres, quand dans la salle de réception le son d’un ocarina se joignit aux tambours, aux flûtes, aux lyres. Il fila dans les airs comme un oiseau en chasse, perça chaque conscience égale au chant d’un pinson prit de désespoir. Pourtant, personne ne l’entendit ou ne vit le marchand dans ses habits sombres. Au fond de la salle, alors qu’il négociait le mariage de sa fille avec un riche homme, Giles se leva soudain et monta sur la table réclamant du silence. Ses yeux vermeils piqués d’une folie grandissante cherchaient Miranda. Elle était là, plus belle qu’un joyau dans sa robe de satin. Il l’appela en agitant frénétiquement sa main, un mouvement d’inquiétude crispa son visage. Elle quitta ses frères et accourut vers ce père qui l’adorait. En contrebas, elle lui sourit. Sa tiare brillait encore et le son de l’ocarina poursuivit sa mélodie rythmant les paroles de Giles Hourlt dont le regard se vida d’émotions.

— J’ai à me confesser, dit-il surprenant les convives et sa fille.

Elle le fixait avec tant de naïveté qu'elle aurait bien pu briser cette muraille érigée autour du cœur d'Avenant. Mais l’homme sentait la créature qui habitait son cœur, son âme. Pas de pitié !

— Il y a trente ans, j’ai accusé une innocente d’avoir assassiné le roi Grabon. J’ai fait pendre la reine Célestéa et j’ai tué la domestique qui avait elle, sans le savoir, éliminé le roi. Je savais de sa confession que la reine n’avait rien à se reprocher, mais j’étais obnubilé par la jalousie. J’avais tant fait pour Grabon, j’attendais qu’il honore ses promesses qui ne venaient pas. La faute à Célestéa et sa beauté. La faute à Avenant qu’il appréciait plus que quiconque. J’étais fou de rage et je n’étais pas le seul. J’ai lancé le coup d’État et ai mené moi-même la reine à la corde. Il me faut me faire pardonner.

 Il sauta de la table. Les semelles de ses bottes claquèrent sur les dalles.

— Et pour cela ! dit-il, perdu dans un lieu lointain.

Les mains lui tremblaient et un geste lui échappa.

— Je laisse à cette histoire mon plus beau trésor.

 Miranda cria. Ses mains vinrent protéger son visage du coup qui l’acheva. Dans les bras de son père, elle tomba.

 Du sang jaillit maculant sa robe de satin blanc, tandis que les hurlements de la foule se déchaînaient.

 L’ocarina cessa et la lucidité revint à Giles.

 Il regarda sa fille et le couteau qu’il tenait en main, sans comprendre pleinement ce qu’il avait fait.

 Ses fils se ruèrent sur lui. La mère tomba à genoux devant la pâleur de sa fille qu’elle tentait vainement de réanimer.

 Et le marchand s’éclipsa en murmurant :

— Un meurtre pour un meurtre. Le préjudice a été payé par le sang.

 Dans l’antre de son esprit, Célestéa cingla.

— Est-ce assez ?! La voilà plus belle sur sa nappe de vie !

— Est-ce d’elle que nous devions nous venger ? Crois-moi que Giles patira de cette image. La belle et pure Miranda, tuée par son ogre de père. Ils crieront bientôt : « qu’on lui mette les chaînes ».

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