Un homme dans l'ombre

3 minutes de lecture

Célia
L'après midi du 22 janvier

J'ai laissé Mickaël se reposer chez lui, pour passer un moment en compagnie d'Elia. La décoration de sa maison est vraiment à son image. Elle a une véritable symbiose entre un matériau brut comme le bois et un décors empreint d'une atmosphère zen. Elia paraît être une femme au premier abord froide plutôt distante, mais ensuite on découvre une personne chaleureuse lorsqu'on la connaît mieux. Je remarque que la plupart de ces meubles sont fait à base de matériaux recyclés, cela dénote sûrement un attachement à l'écologie. Son appartement offre une imprenable vue sur la rue, même installé sur le sofa, néanmoins cette vue est certainement à sens unique. Elle ne veut pas que les regards des passants ou qui que ce soit s'immiscent dans son intimité, d'où le fait qu'eux ne puissent pas la voir. Je bavarde avec Elia au sujet d'un élève insolent qui lui cause du tort dans sa classe, et qu'elle essaye inlassablement de discipliner. Cela me rappelle à quel point ma petite soeur était à l'opposé de ce type d'attitude, mais ce comportement l'a conduit à ne jamais vraiment s'imposer, et se laisser docilement maltraiter par son ancien mari. Élia possède le même caractère adorable que ma soeur. Je ne la connais que depuis quelque temps, pourtant notre amitié ne fait que grandir. Toutefois, elle reste évasive concernant son passé, je sais juste qu'elle a emménagé à Paris, il y a seulement un an.

Pendant qu'elle se rend à la cuisine pour inspecter son gâteau à la banane, j'en profite dès lors pour me balader dans le couloir. Je tombe tout de suite sur certaines photos de son enfance. Un jeune homme apparaît beaucoup sur celle-ci, je dirai son frère dont le charme éclipse complètement les autres sans méchanceté. Elle se glisse d'un mouvement derrière moi et me réprimande gentiment pour mon indiscrétion. Elle accepte de m'en expliquer davantage sur sa personne grâce aux photos.

À partir d'une photo, elle me dresse le portrait de son ami d'enfance Benoît. Elle l'appelle à chaque fois qu'elle le peut. Il habite à New York avec sa petite amie ingénieure, Marine, ce qui complique leur communication. Marine est la meilleure amie d'Elia depuis bien longtemps, elles ont d'ailleurs entrepris toutes les deux leurs études à Lyon. Ces amants new-yorkais constituent un couple improbable selon elle, tant leurs caractères paraissent opposés, ce qui créent de nombreuses disputes entre eux. Je suis pour le moment rassuré, j'ai eu peur de ce qu'elle pouvait me cacher, et apparemment rien de gravissime. On arrive à la dernière photo du couloir, cette photographie assez récente représente Elia et un homme dans l'ombre sur une terrasse de café.

À la vue de cela, les yeux d'Elia se vident de toute joie, elle regarde fixement devant elle, comme perdue dans ses pensées. Je tente de la réveiller sans succès, et subitement un son à peine audible sort de sa bouche. Un prénom peut-être, mais je ne discerne pas lequel. J'examine attentivement son regard qui se dirige vers une armoire, je l'ouvre très rapidement et tombe sur des dossiers médicaux cachés sous des vêtements. Je me mets indiscrètement à les lire attentivement : Monsieur nous avons le regret de vous annoncer qu'il ne vous reste que très peu de temps à vivre. Le SIDA se propage à une vitesse où il est difficile de pouvoir.... Je constate avec étonnement que le nom est rayé sur ce document, j'en ai assez lu pour satisfaire mon insolente curiosité. Elia me renvoie immédiatement un regard furieux et me ramène sur-le-champs dehors sans un mot. J'espère ne pas lui avoir fait du mal, je n'ai jamais eu d'amis, connaissances ou réelles fréquentations, je ne sais absolument pas comment il faut agir avec un être humain.

La voix émouvante et déchirante de la Lady Day me vient aux oreilles, elle chante la souffrance des personnes noires. Aux États-Unis, il y a si peu de temps ces êtres humains étaient pendus à des arbres comme un Strange Fruit. Mon esprit est transporté au Café Society en 1939 où j'écoute cette voix perforant mon être. Dois-je me recueillir pour commémorer mes frères qui ont tant souffert et qui subissent encore la haine ? Où applaudir ce sublime organe qui résonnera pour l'éternité dans mon cœur ? Malheureusement ce moment reste éphémère, je suis bien obligé de répondre à cet appel de toute manière. La voix énigmatique d'un certain Samuel m'annonce qu'il veut s'entretenir avec moi sur Mickaël.

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