Autre part...

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Elia
Le matin du 3 mars

Louise m'a amené avec Cassiopée dans son appartement, où nous attendait Célia. L'amie de Louise, la docteure Aurora, s'est entre temps éclipsée pour nous laisser régler nos soucis entre nous. Louise compresse sa fille contre elle, comme pour se protéger de tout le mal que contient le monde, à travers les bras de ce qui caractérise son innocence. Célia s'entête de son côté à ranger dans tous les ordres possibles une bibliothèque. Tant qu'à elle, Cassiopée tape nerveusement sur sa table à l'aide d'un stylo et me tiens la main avec son sourire attristé.

L'arrivée de la mère d'Antoine rompt le silence ambiant dans la pièce, cette femme m'inspire de profonds ressentiments. Elle se dresse joliment en jeune sexagénaire, arborant ses cheveux blancs, sur ses larges épaules musclées dans son mètre soixante. Mon ami n'a plus entretenu de relations avec elle, à cause de son attirance pour les hommes qu'elle prétendait anormal à la limite de la "déviance". Néanmoins, cette situation l’a affecté quelques parts, je le pense du moins. Lors de sa maladie, il n'a même pas voulu la mettre au courant, la renier définitivement de sa vie était plus simple à vivre pour lui. Il se sentait un poids pour le reste de sa famille et ne supportait plus ses rapports exécrables avec eux, je n'approuve pas le fait qu'il ait refusé de les informer, mais je respecte ses choix. Même, son choix, ce soir-là...

Je suis rentré de mon travail lorsque j'ai entendu cette lointaine musique, je me suis hâté dans la chambre d'Antoine. Je ressentais une inquiétude le concernant, depuis la mort de celui qui représentait son client, ami et amant. Étonnée, je lui ai demandé d'où sort cette musique. Il m'a délivré un discours d'adieu gravé dans ma mémoire mot pour mot.

"Elia, tu te rappelles le jour où je t'ai parlé d'une musique qui me faisait penser à toi. Des idées qui ne devraient jamais exister au cours de cette année fusait en toi, l'impensable s'immisçait au fur et à mesure au plus près de tes pensées. Cette voix d'outre-tombe s'insufflait et te répétait : "rejoins-moi", et je tentais immédiatement de te ramener à moi. J'ai reconnu nos échanges, lorsque j'ai écouté l'envie de Florian Ordonez de se rapprocher d'un autre part, et son frère Olivio en dernier rempart d'une pause qui ne finirait jamais.
Lorsque tu te heurteras de nouveau à ces pages de ta vie, réécoute cette chanson, puisque je ne serais plus présent à chasser ce sommeil éternel. Tu vas devoir être forte chat, je ne pourrai pas honorer la promesse de ce garçon de faire ces courses de vieux dans trente ans. Je souffre tellement, chaque minute est un supplice m'approchant de l'inévitable, je ne guérirai pas Elia. Je t'ai laissé des documents, qui indiquent le peu d'informations en ma possession sur les commanditaires des agressions homophobes à Lyon, dont la mienne et celle de mon ami. Il faut que tu empêches ces individus de nuire, il maîtrise tous les piliers du pouvoir : la justice, la politique... Pour les faire tomber, cela nécessite que tu t'introduises d'une manière ou d'une autre dans leur vie personnelle. Ta force incomparable, ta fidélité à tes valeurs et ceux qui te sont chers dessinent le visage d'une personne exceptionnelle et une amie que ma courte existence m'a permis de croiser. N'oublie jamais cela Elia ! Sache que tu rencontreras forcément un autre homme, mieux que l'ordure de Taylor, qui te fera papillonner à nouveau les yeux. Et je t'en prie que tes futiles complexes désertent ton esprit. Ce que je vais te demander maintenant est injuste et me brise de l'intérieur, mais tu es la seule personne à qui je peux adresser une requête si inacceptable. Je souhaite choisir ma mort, et ne pas attendre que la flamme de la vie se décide à s'éteindre brutalement sans remords. À côté de toi, il y a une aiguille contenant ma délivrance, injecte la moi s'il te plaît, les forces me manquent... Kof kof kof kof... Encore cette toux. Ne parle de ma mort à personne ni ma famille ni mes proches, leur imposer ce deuil est égoïste pour le moment. Quand tu auras fait arrêter mes assassins, alors tu pourras décider de cela. Kof kof kof kof... Excuse-moi Elia, j'exige de toi... Kof kof kof kof... Merci d'avoir été là pour moi, ce que j'ai eu à parcourir, je ne l'ai pas fait seul, grâce à ta présence."

Cette soirée-là, les yeux en larmes de mon ami se sont fermés pour la dernière fois et son cœur a offert un ultime battement à ce monde.

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