junkie
Elle soupira, une vague de plaisir la submergeant. Allongée dans son lit, elle ferma délicatement ses yeux, se laissant totalement aller. Plus rien n'existait autour d'elle, il ne restait qu'elle. Du bonheur à l'état pur, brut. Volcanique. Mieux que tout, que de se souvenir de lui, d'eux. D'elle. Mieux que le rock qu'elle écoutait à longueur de journée, que ces souvenirs flous de leur couple, que de ces photos qui restent, que ces souvenirs qui flottent. Mieux que tout ce qu'elle avait pu connaître, l'amour, la haine, le sexe. Mieux que la liberté.
Elle tenta de rouvrir ses yeux chocolat, lentement. Savourant ce moment unique, elle leva son bras droit, comme si elle voulait toucher les étoiles, et le laissa retomber lourdement. Un gémissement de plaisir s'échappa de ses lèvres légèrement entrouvertes tandis qu'elle se retourna doucement sur le côté gauche. Elle se passa la langue sur les lèvres, la main sur le front, avant de se laisser tomber de son lit. Elle perdait les pédales, ça se voyait, mais qui aurait pu la voir ? Seule dans ce minuscule studio dans lequel étaient posés un lit et une table basse en verre, personne ne faisait attention à elle. Plus personne ne faisait attention à rien. La chute la réveilla un peu plus, mais la jeune fille était sur le point de partir. Partir dans un monde où rien ne la ferait plus jamais pleurer, où tout ne serait que bonheur et espérance. Où personne ne mourrait, personne ne souffrirait, personne ne connaîtrait la douleur, cette torture que l'homme n'avait d'autre choix que d'endurer. Un monde où les tourments actuels n'existaient pas, où les peines se transformaient en joies, éclairant les visages de sourires plus éblouissants les uns des autres. Où personne ne jugerait personne, où tout le monde serait accepté. Où les morts étaient paisibles, les suicides inexistants, les maladies éradiquées.
Etait-ce trop demander, dans ce monde où tout ceci était banalisé ? Meurtres, viols, suicides. Haine. Accidents, braquages, abus. Désespoir. On se foutait des morts, on se foutait des autres, on se foutait de tout. On se foutait de la vie.
La jeune fille sourit tristement, une unique larme coula sur sa joue, laissant une traînée noire de mascara. Couchée sur le parquet froid de son appartement, elle ne put réprimer un frisson. Ses lèvres s'entrouvrirent à nouveau, sèches, abîmées.
« Ne pas dormir... »
Mais ses paupières paraissaient lourdes, tellement lourdes. Si elle les fermait, pourrait-elle oublier tout ce qui s'était passé avant ce jour ? Y arriverait-elle seulement ? Ses forces la quittaient. Elle ne tiendrait plus, non. Tiendrait-elle ? Son cœur se serra, elle refoula ses larmes en secouant la tête. Elle n'y arriverait jamais. Pourquoi les choses se passaient-elles ainsi ? Pourquoi rencontrait-elle une telle douleur ? Un frisson la parcourut a nouveau, tandis qu'elle essuyait ses yeux larmoyants du revers de sa manche. Elle replia ses genoux sur son ventre, se mit en position fœtale, fit du mieux qu'elle put pour retenir les sanglots qui la secouait tout en reniflant bruyamment.
Pourquoi n'avait-elle plus la force qu'elle possédait avant .
« Se battre... »
Elle ne pouvait pas abandonner maintenant, alors qu'elle avait tant à voir, à faire. Mais en avait-elle le courage ? Ce courage qui lui manquait depuis près d'un an maintenant, manque qui la tuait à petit feu. C'était une véritable autodestruction qui s'effectuait, elle le savait bien. Pourquoi ne laissait-elle pas tomber cette aiguille ? Elle la serrait tellement fort dans sa paume moite, comme si sa vie en dépendait. Au final, n'était-ce pas le cas ? Ses yeux roulèrent tandis qu'une nouvelle vague de plaisir la saisissait. Sans cette petite aiguille, qu'aurait-elle fait ? Elle ne serait probablement plus là. Sa tête tomba mollement sur le côté tandis qu'une dernière pensée lui traversait l'esprit.
« Ne pas mourir. »
Sauf qu'elle n'avait plus de raison de rester. Elle était encore vivante, mais qu'était un vivant sans raison de vivre ? Elle n'était plus rien, qu'une enveloppe vide, vide de sentiments, de sensations, d'envies. Seuls ses souvenirs l'empêchaient de sombrer. Ces souvenirs d'une vie qui n'avait pas été que souffrance, mais bonheur. Une vie qu'elle vivait vraiment, un sourire étincelant collé aux lèvres.
Ses yeux se fermèrent tandis qu'elle sombrait dans les méandres de ces stigmates auxquels elle se raccrochait avec l'énergie du désespoir.
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