Jour 17 : demi
Il fait froid dans ce rade pourri. Jack ronchonne. Décidément, sa mauvaise humeur le poursuit depuis le réveil. Dès qu’il a posé un pied sur le sol en sortant de son lit. En étant vraiment conscient, sa sale humeur, il sait qu’il l’a traîne depuis des mois. Jour et nuit.
Le comptoir est collant. Il se frotte machinalement le bras. Il a l’habitude. La barmaid lui dépose un demi devant lui sans un mot. Celle-là ne parle jamais. Son visage est neutre. Pas de sourire, même pas un clignement d’œil. Ses gestes sont mécaniques. On ne peut pas dire qu’il ait choisi le bar le plus chaleureux.
La bière est dégueulasse. Mais, il boit une gorgée, deux gorgées. C’est son troisième demi.
La vieille horloge au-dessus du miroir indique 11 heures.
Dehors, la tempête se déchaîne. Pour venir jusqu’ici, il faut avoir une motivation de tonnerre. Un autre client est assis à une table. Il lit le journal en sirotant un thé. Un monsieur âgé que Jack croise tous les matins. Cependant, il sait qu’une fois le journal replié, le vieil homme se lèvera, réajustera sa cravate et quittera le bar en saluant la fille d’un mouvement de tête en soulevant sa casquette.
Et, ils se retrouveront à trois : la fille, lui et sa bière.
Lui et sa non-motivation.
Lui, dégoûté, depuis qu’il a dû arrêter son activité et vendre son bateau de pêche et tout le matériel à un petit con trop enthousiaste à son goût. Comme il l’était 20 ans auparavant. Avant d’être rattrapé par des crédits qui l’ont englouti. Alors, il a tout largué de peur de finir au fond de la mer.
Son regard croise celui de la barmaid. Elle hoche la tête et lui sert un autre verre à la pression.
Peut-être sait-elle qu’il a plongé dans le liquide ambre malté la tête la première. C’est moins salé que la mer.
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