1.
La première image de sa nièce qui lui reviendrait à l’esprit, c’était celle-ci, toujours vivace même dix ans après : la pluie s’abattant à grosses gouttes sur la voiture garée devant le garage, Patrick se précipitant dans la maison pour récupérer un fichu parapluie « au cas où » malgré ses propres récrimination, arguant non sans raison que cet objet s’avèrerait encombrant et inutile entre le parking et le cinéma. Et cette Élodie de quatorze ans. Élodie. Élodie, Élodie...
« Je veux rentrer chez moi... »
Elle se souvint encore de s’être retournée, surprise par cette remarque incongrue, alors même qu’ils étaient stationnés devant la maison, pas encore partis, même qu’ils finiraient par rater le début de la séance si ça continuait ainsi.
Élodie scrutait le décor évanescent, fantomatique, qui s’esquissait difficilement derrière la vitre arrière. Morose la Lolo, plus du tout aussi enthousiaste par la perspective de voir un film qu’elle avait pourtant défendu bec et ongles, tannant ses parents, se reportant sur son oncle et sa tante qui avaient fini par céder, en bonnes poires sans enfant qu’ils étaient.
« Et où est-ce, chez toi ? », avait –elle demandé, se prenant au jeu – à ce qu’elle croyait être un jeu, à l’époque – de l’adolescente.
Elle l’avait regardé d’un air perdu et hagard avant d’écraser son petit nez retroussé contre la vitre, scrutant la pluie glaciale, un lointain ailleurs dans l’obscurité qu’elle n’atteindrait sans doute jamais.
« Je ne sais pas... J’aurais bien aimé le savoir... », avait-elle murmuré dans le chuchotis de la pluie.
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