2.
Tout lui semblait plus sombre. Les lieux qui lui étaient familiers étaient devenus menaçants et étendaient leurs ombres ténébreuses sur sa silhouette tandis qu’elle se hâtait, le diable à ses trousses. Les couples et familles qu’elle croisait dans le noir au détour d’une rue paraissaient glisser vers elle en un chaos tapageur et sournois, autant d’ennemis potentiels qui n’existaient que dans sa tête. Même le froid était de la partie ce soir-là, plus glacial et plus insinuant que jamais, s’infiltrant dans ses os, cabrant ses pieds dans ses bottes. La jeune fille accéléra le pas, consciente de cette peur irraisonnée qu’elle ne parvenait à chasser malgré ses résolutions.
Elle n’avait plus rien à craindre. On était le 29 décembre, les festivités de Noël commençaient tout juste à s’atténuer en vue du nouvel An. Elle n’avait plus rien à craindre. Du moins jusqu’à l’année prochaine. Pour sa part, elle avait rempli sa mission, elle n’avait plus de souci à se faire. Alors d’où venait cette angoisse qui sourdait en elle, aussi violente que spontanée ?
Tu n’es plus une enfant, voyons. C’est fini le temps des cauchemars. Il s’agirait de grandir.
Peut-être bien que le décor ambiant était propice à sa panique passagère. Si c’était compréhensible à cette période de l’année, elle aurait déjà dû être considérée comme une affaire classée. Le quartier dans lequel elle avait choisi de poser ses bagages cette année était de loin le plus excentré qu’elle avait pu trouver mais l’acclimatation commençait à lui peser. Comme chaque année, elle avait à nouveau la bougeotte. Autant pour ses promesses de se fixer enfin, ne serait-ce que pour une raison de fiabilité.
"Je changerai de coin et d’appartement s’il le faut" décida-t-elle sans préambule. Autant faire peau neuve avec la nouvelle année pour être d’attaque pour les prochaines festivités. Sa promotion impliquait en conséquence de nouvelles responsabilités, des charges plus importantes et davantage d’exigences. On ne lui laisserait rien passer et le travail préparatoire commencerait beaucoup plus tôt dans l’année, peut-être bien dès la mi-mars. Tout ça combiné avec ses études, une joyeuse année en perspective ! Mais cela en vaudrait la chandelle.
"C’est décidé, je déménage ! se dit la jeune fille à présent requinquée. Et pourquoi pas dans une résidence étudiante, pour me mettre enfin au diapason ? Ce serait une excellente couverture. En tout cas, Moran n’y trouverait rien à redire cette fois !"
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