Arrivée en Ville
La ville avait ouvert ses portes au lever du soleil. Elle semblait de loin le giron le plus accueillant qui soit. Je pressais le pas. Je pouvais entendre une musique céleste venir derrière moi et passer au dessus de ma tête. C'était un moyen de transport à sustentation magnétique qui signalait sa présence par une musique. Je vis d'autres cabines voler dans une synchronisation parfaite, passant au dessus des murs de l'Olympe. C'était la première fois que je voyais les magnéto-cabines en pleine action. Et j'oubliais de marcher tout le temps où je contemplais leur ballet musical. Elles se déplaçaient à la même vitesse au point que j'étais persuadé qu'elles arriveraient à destination en même temps. Quand toutes disparurent de ma vue après être entrées en ville, je me secouai et repris mon voyage qui touchait au but.
Il y avait deux gardiens qui encadraient la porte que je franchis. Ils me rendirent mon salut enthousiaste en me souriant et en me souhaitant la bienvenue. J'étais donc le bienvenu ! J'étais enfin en un lieu où ma présence était souhaitée. C'était de bon augure. Je remontais une allée pavée de marbre d'un rose pâle et de stries plus sombres, tirant sur le marron. Mes sandales claquaient sur ce sol dur et froid, mais lisse et brillant de propreté. Sur le bord des allées, des hommes et des femmes achevaient l'indispensable service qui consistait à lustrer ce pavage, lui donnant un aspect si lisse qu'on pouvait se voir dedans.
J'avais l'habitude de voir mon reflet dans l'eau mouvante d'un courant. Ce jour là, mon reflet ne se tordait pas. Je pu me voir comme on me voyait : mes cheveux sombres et bouclés m'arrivaient aux épaules en une tignasse épaisse et léonine. Mes yeux avaient la couleurs du blé en herbe. Je n'étais pas bâti comme un paysan. Mes épaules n'étaient pas très larges et mon visage avait la Lumière de la jeunesse.
Je poursuivais mon chemin et arrivai sur une grande place où se dressait un bâtiment en étoile. Les magnéto-cabines que j'avais aperçues auparavant repartaient vers l'extérieur de la ville. Chaque pointe de ce bâtiment était un quai qui pointait dans la direction du moyen de transport magnétique. Ils volaient plus haut encore, toujours ensemble, et s'éloignaient, chacun dans sa direction spécifique. Les cabines magnétiques repartaient silencieusement, contrairement à leur arrivée.
J'appris des années plus tard, que le ministère des transports avait édité une loi demandant aux magnéto-cabines "entrantes" de jouer de la musique. Cette présence sonore assurait la sécurité des voyageurs, en évitant toute collision avec une cabine volant à une altitude supérieure. Si le conducteur entendait de la musique, c'est qu'il n'était pas autorisé à se poser sur le quai, celui ci étant déjà utilisé par la "Musicale". Combien de décennies s'étaient écoulé pour parvenir à cette organisation sans failles ? Combien de siècles devra t-il se passer avant que les paysans, hors-la-ville, aient la possibilité d'avoir une éducation ? Combien de temps doit s'écouler pour que les mœurs humaines soient en phase avec la perfection de l'Univers ?
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