Les jardins aux ovidés

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Je fus soulagé de voir que les "douches" étaient une succession de cabines qui isolaient les individus les uns des autres. Les lieux d'aisance obéissaient à la même structure.

— Chaque section a ses sanitaires, m'expliqua Daphnée. Ainsi, nous pouvons nous laver sans changer de section, dès que le besoin s'en faisait sentir. Ce qui est fréquent pour des guérisseurs : Pour peu qu'une intervention soit difficile, les guérisseurs aiment se doucher avant d'aller en salle de repos, pour ôter la poix de l'intervention encore agglutinée à leur corps magnétique.

Je ne comprenais pas grand chose à son charabia, mais je ne m'en formalisais pas d'avantage. Le peu de sommeil que j’avais eu m’avait calmé les nerfs, mais peut-être était ce aussi l’effet de l'infusion que Daphnée m’avait préparée. Cette boisson avait une saveur subtile et apaisante que je n’aurais su définir, mais elle semblait avoir adouci le tourbillon de pensées qui m’assaillait depuis mon arrivée. Je me disais que je finirais bien par comprendre un jour, qu'il me fallait avancer à mon rythme et que vouloir tout savoir était la pire manière d'apprendre. Chaque chose en son temps… c'était la phrase qui me venait à l'esprit comme une promesse.

Nous visitâmes ensuite les jardins et nous croisâmes une famille de rat. Je reconnu l'un d'eux… c'était le rat que j'avais rajeuni sans le faire exprès.

"Il à l'air de bien se porter". me dit Daphnée. "Je suis sûre qu'avec un peu d'entraînement, tu pourras régénérer un humain.

— Ne précipitons pas les choses, dis-je alors, si les dieux le veulent, j'aurais un jour cette force là, mais en attendant, rajeunir un rat, c'est dans mes cordes."

La famille de rongeurs s'éloignaient, reniflant les parterres de fleurs et grignotant quelques pensées au passage.

Nous passâmes l'après midi à faire le tour des jardins, à admirer les fontaines, à respirer les roses et contempler les arbres majestueux. Je me sentais à ma place, dans cette univers qui me donnait le temps de contempler mon environnement. Je pouvais enfin profiter de la musique des fontaines, du chant des canards et des corbeaux se disputant des feuilles de laitues et des graines de céréales que des mains charitables leur avaient laissé aux bords des bassins. Je frissonnais de bonheur de voir combien ce monde était vivant et habité de nombreuse espèces de formes de vie. Je vis même un groupe de moutons accompagné d'un chien, brouter l'herbe mauve. Des moutons, ici en ville ?

"Ce doit être sans doute des animaux sortis de la section animalière du centre de réparation, me dit Daphnée. Le centre de réparation ne soigne pas que les humains"

Je ne résistais pas à l'envie de m'approcher, et d'enfoncer mes doigts dans la toison douce. L'ovidé bêla doucement et posa ses yeux doux sur moi avec une telle intensité que je me sentis de retour des années en arrière. Sa toison me plongeait dans le souvenir de mon père me battant. Je serrais les dents pour ne pas m'effondrer. Mais Daphné avait l'œil.

"Viens, me dit elle. L'hespéris[1] est déjà là, il faut se doucher et aller au réfectoire pour manger un peu. Tu m'as l'air encore bien trop émotif, mon frère. Si tu as besoin de temps, nous verrons Raphael au réfectoire et tu lui diras que demain est un peu tôt pour commencer…

— Allons, dis-je, vexé. Je suis émotif par la fatigue de cette journée… mais demain, je serais en forme !

— Tu ne te vois pas, mon frère, me dit elle. Tu es d'une pâleur si soudaine…

— Je repensais à ma famille que j'ai quitté… rien de grave, je t'assure… d'où je viens, j'avais des moutons… "

Je ne pensais pas me livrer ainsi… mais cela apaisa Daphnée qui me mena aux sanitaires. Je m'enfermais dans une cabine et laissa couler l'eau tiède sur mon corps fiévreux. Lorsque je me sentis mieux, je me séchais et je me revêtis avant de sortir de ma cabine. Daphnée m'attendait dans le couloir. Elle avait tiré ses cheveux bouclés en un chignon qu'elle maintenait par une épingle d'argent. Elle me souris, rassurée de me voir en forme et me mena au réfectoire.

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[1] Partie du jour : Lorsque le soleil approche de l'horizon pour se coucher.

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