Chapitre 8 - disparition
— Tocler ? Tocler ! Vous êtes où ?
Le Colonel, suivi d’une armée de fidèles dont le Lieutenant Walter Haut, porte-parole de la Roswell Army Air Field, faisait les cent pas autour du vaisseau cherchant désespérément le jeune Glover.
— Mais où sont passés ces deux blaireaux, c’est pas possible ? Aidez-moi, vous là !
Il fixa les militaires qui le suivaient et d’un geste nerveux leur fit signe de se dépêcher. Puis, se tournant vers son ami :
— Walt ? Qu’est-ce t’en penses, toi ?
Le Lieutenant Walter maintenant aguerri aux situations de crises extrêmes, avait la responsabilité de transmettre les informations au public dans un langage simple et si possible pas trop révélateur de la vérité. Il s’était particulièrement illustré suite aux 78 jours de bombardement de la ville de Caen en 1944, expliquant aux américains la nécessité impérieuse d’agir au nom de la liberté, de l’égalité, du fromage et de la fraternité, le tout la main sur le cœur et tout le baratin habituel. Ça avait plu à l’État-Major qui avait vu en lui un fin limier.
— Écoute Biggy. Je crois qu’on a affaire à quelque chose de balaise.
— C’est sûr… J’ai deux guignols qu’ont disparu, moi.
— Nan, Pat. La soucoupe. C’est du lourd. Va falloir pondre un truc costaud pour cacher ça. On est déjà une vingtaine à l’avoir vu sans compter tous les péquenauds du coin qui ont dû voir l’objet tomber du ciel.
— Chef ! Chef ! Venez voir par là ! hurla un soldat.
Non loin de là, à un jet de pierre à peine, sous un frêle petit arbre deux corps gris de forme vaguement humaine gisaient là, l’un à côté de l’autre, le regard ovale vers le ciel. On aurait dit des figurines dans une vitrine mal rangée.
— Ne vous approchez pas ! Ce sont les aliens. Ils ont dû être éjectés du vaisseau.
— Chef. Ils sont rangés comme des ‘i’. On dirait qu’on les a posés là.
— Attention… Ne vous approchez pas !
Le Colonel avait serré les dents en parlant à cause de l’imprudence des curieux.
— C’est peut-être encore vivant, s'empressa le soldat.
Le Colonel sortit son arme la pointant vers les deux corps et, du bout de la botte toucha les pieds pour provoquer une éventuelle réaction. À la moindre vibration il aurait de toute façon vidé son chargeur prétextant la légitime défense. Mais rien. Vraiment rien, à part une très mauvaise odeur.
— Équipe médicale ! Emballez-moi ça et faites-le parvenir au Centre au Docteur John Humphreys, 26è sous-sol. Grouillez-vous ! Nom d'un lombric caramélisé !
Le staff resta perplexe devant la difficulté de l’opération. Il fallait faire vite, certes, mais pas n’importe comment. C’est qu’on ne porte pas des aliens comme on livre des patates au McDo. Il ne faudrait pas casser des bouts, en oublier dans la camionnette ou même se prendre un malencontruex coup de griffes et finir contaminé à vie. À cette seule évocation d’ailleurs, la moitié de l’équipe resta tétanisée quelques secondes à l’idée de savoir qui porterait le brancard du côté des bras de l’alien. Ils finirent à la courte paille pour départager les rôles. Après s’être entendu sur la façon dont on porterait les corps, étrangement lourds pour leur petite taille, le bloc Med, comme on l’appelle, embarqua dans une camionnette blanche et disparut dans un épais nuage de poussière en direction du Centre.
— Tout ce qui se passe est tragiquement unique, merveilleusement premier. Ça sera marqué dans l’histoire, pensa le Colonel.
— Ou pas, ajouta Walter qui avait lu dans ses pensées. Il lui tapota sur l’épaule pour le rassurer.
— Incroyable, hein ?
Fixant l’horizon, Challenger ne put s’empêcher de se demander où étaient passé les deux soldats. Le vaisseau était vide. Les traces au sol ne laissaient présager aucune lutte, aucune fuite. Il n’y a rien à moins de 20 kilomètres aux alentours. Impossible par cette chaleur de parvenir à la prochaine ville en si peu de temps.
— Ne t’inquiète pas Biggy. On va les trouver. Il n’en fait aucun doute. Maintenant, faut faire un peu de ménage. Les curieux vont pas tarder à se pointer. Tu m’as amené ce que je t’ai demandé ?
— Oui, oui. Un vieux ballon-sonde stratosphérique, c'est ça ? Tu vas faire quoi avec ça ?
— Une histoire, Biggy... une histoire.
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