CHAPITRE 1
Il était treize heures passé. Pour une fin de mois de mai, le temps semblait très agréable. Le soleil, présent, ne chauffait pas trop et le mince filet de vent se montrait agréablement tiède. On entendait les oiseaux, qui profitaient aussi de cette douce journée. Leurs chants sonnaient joyeusement aux oreilles des promeneurs, même si les aboiements des chiens tentaient de les masquer.
C'était une journée comme tant d'autres. D'un côté il y avait les travailleurs et travailleuses qui semblaient toujours pressés ; mais aussi, il y avait ceux qui prenaient le temps d'apprécier le temps qui passait. Il y avait les adeptes du sport, qui faisaient leur jogging ou du fitness dans le parc ; et les passionnés de lecture qui s'allongeaient sur une serviette, à l'ombre d'un chêne, pour lire tranquillement. On pouvait aussi voir, un peu plus loin, les gens qui se bousculaient à l'entrée des brasseries pour manger un morceau rapidement avant de reprendre le travail.
Comme tout mercredi, le parc était surtout envahi par les enfants. Les mères (et parfois les pères) discutaient entre eux, heureux de partager les mésaventures de leurs progénitures. Rien ne semblait pouvoir obscurcir cette journée idéale.
Assis confortablement sur un banc, le journal entre les mains, un homme parcourait distraitement les faits divers. Il portait un costume noir qui semblait lui tenir trop chaud. Mais c'était son habit de travail, à lui, l'informaticien qui s'ennuyait dans son métier. Il détestait les entreprises avec un code vestimentaire strict. Mais les factures n'allaient pas se payer toutes seules et il avait besoin d'un emploi. Il en cherchait un autre depuis quelques semaines. La ville de Mont-Ferrande était trop petite. Ou trop grande, il ne parvenait pas à se décider. Ce besoin de changer d'air devenait une nécessité pour lui. Il avait envoyé des candidatures dans divers lieux. Il verrait bien où il atterrirait. Et si cela ne lui convenait pas non plus, il changerait de nouveau de localité et de boulot. Peut-être faire une formation pour changer de métier, qui sait. Il reprit sa lecture et lut avec passion un article sur la randonnée. Il aimait la marche, les promenades, mais seul, cela le dérangeait. Depuis son divorce, il était désespérément seul. Ses amis, il ne les voyait plus que occasionnellement. Et de toute façon, ils étaient surtout les amis de Nicole, son ex-femme. Il n'avait aucun point commun avec eux, il ne les appréciait même pas. Mais il avait du mal à se lier avec les autres. Du coup, il passait son temps en solitaire, à lire et à regarder la télévision.
Les pleurs d'un enfant lui fit lever les yeux. Leurs chahuts rendaient le silence du parc moins pesant. L'homme se sentit soudainement épié. Son regard vola de droite à gauche, cherchant s'il était effectivement observé ou s'il était paranoïaque. Ne voyant rien d'anormal, il reprit sa lecture. Mais la sensation d'être surveillé ne le quittait pas. Son regard quitta de nouveau son journal pour aller se poser vers un coin sombre du parc. Des feuilles encore humides de la pluie de la veille recouvraient une pelouse fraichement coupée. Il entendit un mince bruit derrière les arbustes. Pourtant, il avait beau fixer l'endroit, rien ne lui paraissait différent. Il releva légèrement ses lunettes, se frotta les yeux et nettoya ses verres un peu embuées. En relevant le regard vers les arbustes, il sursauta en voyant la silhouette d'un jeune homme qui avançait lentement vers lui. Il semblait jeune mais usé, fatigué. Ses cheveux, rasés sur la nuque et mi-longs sur le devant, tombaient sur son visage aux yeux tristes et vaseux. Des mèches verte parsemaient sa chevelure brune et lui donnait un air encore plus hagard. Ses yeux se posèrent sur l'informaticien.
Serge ne sut pas pourquoi, mais tout à coup, il eut peur. Ce jeune homme lui donnait des frissons dans tout le corps. Un éclat brillant lui fit détourner le regard. Ses yeux se posèrent alors sur le pistolet que le jeune homme tenait dans sa main droite. Surprit, Serge se leva brusquement tandis que la personne menaçante continuait de s'avancer vers lui. L'informaticien entendit le déclic de l'arme et sentit tout à coup son épaule partir en arrière. Il perdit son équilibre et tomba lourdement sur le sol. Il baissa les yeux vers sa blessure et paniqua en la voyant saigner abondamment.
En un instant l'ambiance du parc, calme et enjouée, changea complètement. Les gens, affolés, se mirent à courir dans tous les sens. Les parents prenaient leurs enfants sous les bras, laissant sacs et poussettes, pour s'enfuir le plus loin d'un possible attentat. Certaines personnes, tout en s'éloignant, appelaient les secours ; d'autres se filmaient en courant. En une seconde, le parc ne fut plus q'une abondance de cris, de piétinements et, en même temps, pour Serge, tout était étrangement calme. Au lieu des hurlements, il entendait les oiseaux qui s'envolaient des arbres et les chiens qui aboyaient encore plus fort. Le sang battait à ses tempes, il avait le souffle court et de la sueur lui embrouillait la vue. A moins que ce ne soit des larmes. La douleur était lancinante ; son bras n'était que souffrance et sang. Allait-il mourir aujourd'hui ? S'essuyant les yeux, il leva son regard vers le jeune déséquilibré. Ce dernier était toujours devant lui, le bras tendu, l'arme toujours dans sa main. Serge sentit la panique monter. Difficilement, il se releva tout en grimaçant à cause de l'élancement dû à sa blessure. Au lieu de s'enfuir, comme il en avait l'intention, il sentit ses jambes l'emmener plus près du tueur. Il lui sauta dessus avec violence, ce qui accentua sa douleur à l'épaule. D'un coup de pied, il se débarrassa de l'arme afin de l'éloigner le plus possible. Souffrant le martyre, Serge tenta d'attraper son téléphone portable tout en maintenant le jeune homme au sol, quand il entendit les sirènes de la police.
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