CHAPITRE 4 (2/2)
Gérard semblait énervé en quittant la chambre d'hôpital de Serge. Il n'aimait pas quand une personne cachait des éléments essentiels à une enquête. Pourquoi dissimuler quand on savait qu'à un moment ou un autre, ça finirait par se savoir. C'était une telle perte de temps !
D'une démarche assurée, il se dirigea vers le secrétariat et demanda à parler au médecin légiste sur place à l'arrivée de Serge. Celui-ci se trouvait dans la salle de repos, mettant justement ses notes au propre pour le commissaire.
- Gérard, quel plaisir de te revoir ! lui dit-il en se levant et lui serrant la main.
- Guillaume, s'écria Gérard, heureux d'apercevoir le docteur. Tu as repris le travail depuis longtemps ?
- Depuis la semaine dernière seulement.
- Tu vas bien ? s'inquiéta le commissaire.
- Je vais mieux. Avec Nino, on a mis en place une certaine routine. Je ne te cache pas que ça a été dur, mais on s'en est sorti.
- J'en suis extrêmement heureux !
Gérard était réellement content pour son ami. Guillaume Bardat avait vécu une véritable tragédie, ce qui l'avait éloigné de son métier de docteur pendant un peu moins d'un an. Sa femme se mourrait d'un cancer généralisé. Guillaume avait alors décidé de prendre un congé pour s'occuper des derniers instants de son épouse. Ils avaient voyagé, lui, sa femme et leur fils Nino. Ils avaient fait tout ce qu'ils pouvaient pour que les derniers mois de vie d'Audrey soient heureux. Le retour à la vie sans elle avait, par contre, été plus dur. Heureusement que Guillaume et Nino étaient très proches, cela avait adouci leur perte.
- J'imagine que tu viens pour Serge Alis ! déclara Guillaume.
- Effectivement. C'est toi qui l'as pris en charge à son arrivée ?
- Oui. La balle n'a pas fait de gros dégâts à l'épaule de la victime. Il n'y avait aucun fragment dans la blessure, qui était assez propre. Pas d'os touché non plus, même si à quelques millimètres plus bas, ça touchait la clavicule. Ce qui aurait été plus gênant. Serge s'en remettra assez vite. Il a eu beaucoup de chance vu que le coup était quasiment à bout portant. Il a eu des points de suture et il devra laisser son bras en écharpe quelque temps.
- Parfait, dit-il en prenant les documents du compte-rendu de Serge Alis. Ce serait sympa que vous veniez, Nino et toi, manger à la maison un de ces soirs.
- Ce serait avec plaisir. Je te téléphone dès que j'ai un soir de libre. L'hôpital me séquestre autant qu'il peut depuis mon retour, plaisanta-t-il.
Après une dernière accolade amicale, ils se séparèrent.
Gérard se dirigea vers le rez-de-chaussée pour prendre un café et passer des coups de téléphone. Avant de pouvoir arriver à destination, il vit Chance et Ron qui s'avançaient vers lui.
- J'espère que vous m'apportez des réponses... Et un café ! déclara Gérard.
Ron lui tendit une tasse fumante, le sourire aux lèvres. Ron, connaissant son chef par cœur, s'était douté de son manque de caféine. Il lui tendit sa tasse fumante puis ils s'installèrent sur une des tables de la petite restauration de l'hôpital.
- J'ai interrogé tous les policiers qui étaient présents lors de la mort de Claude Lacroix, expliqua Ron. Personne n'a rien vu, personne n'a rien entendu avant le coup de feu.
- On aurait pu croire, qu'avec autant de policiers sur place, l'un d'entre eux aurait pu... Je ne sais pas moi... Surveiller le coin et faire son foutu de boulot ! cria Gérard de colère. Pourquoi, je ne suis entouré que d'incapables ?
- Sympa.... murmura Chance.
Gérard lui lança un regard noir. Puis il prit son téléphone et vérifia ses mails. Un opérateur de télésurveillance, Drew Keating, lui avait envoyé le fichier vidéo du parc, au moment de la tentative de meurtre. Il le regarda rapidement mais ne remarqua rien d'anormal. A part que Claude Lacroix semblait attendre qu'on l'arrête à peine il avait blessé Serge. Mais pourquoi son employeur n'avait voulu que blesser Serge Alis ? Quel but cherchait-il ?
- Ron, tu as eu le temps d'enquêter sur Claude Lacroix ?
- Oui, chef. Il était âgé de vingt-quatre ans et il a été recruté dans une entreprise qui se nomme « Débarras de gêneurs » et son directeur est Mr X.
- Mr X ? répéta Gérard.
- Oui, c'est cela qu'il y a marqué dans le registre du commerce. Je continue. Cette entreprise n'a pas d'adresse car elle a été rasée, il y a deux ans. Des inspecteurs avaient trouvé de la drogue. Sinon, ils vendaient des produits pour éliminer les rats, les puces, les guêpes et autres nuisibles. Cependant, elle vient de refaire surface mais son adresse est toujours visible nulle part. Claude, quant à lui, est un garçon seul qui n'avait pas un seul sous en poche. L'adresse de sa carte d'identité est celle de ses parents. Ces-derniers ne veulent plus entendre parler de leur fils. Drogué, il leur volait de l'argent pour se payer ses doses. A mon avis, c'est sûrement à cause du manque de pognon qu'il a dû accepter de travailler pour cette entreprise et le reste vous le savez.
- Il y a une liste des salariés pour cette entreprise ?
- Un seul, à part Mr X, Kanu Lillard.
- Intéressant, déclara Gérard.
- Autre chose ?
- Il y a un numéro de téléphone pour les joindre, mais personne ne répond. J'ai demandé à un agent de tenter de les appeler toutes les trente minutes. À voir si ça amènera quelque part.
- Ok... Tu as appris quelque chose sur Kanu Lillard, Chance ?
- Il est le sous-directeur de « Débarras de gêneurs » et travaille sous les ordres de Mr X, répondit Chance en feuilletant son carnet. Ancien trafiquant de drogue, il vient de Californie où il a été arrêté pour différents délits. Il aurait assassiné des politiciens, des acteurs, des réalisateurs et même des agents du FBI. Kanu Lillard a été acquitté à chaque fois pour faute de preuves... Ou disparition de celles qui l'incriminaient. Il s'est exilé en Australie quelque temps avant de venir s'installer en France. Il est âgé de cinquante cinq ans et se félicite de sa réinsertion sociale. J'ai essayé de trouver une adresse valable, en vain. Pour notre pays, il n'existe pas, même s'il est le sous-directeur d'une entreprise.
- Merci vous deux. Bon travail. Même si finalement, les résultats soulèvent plus de questions que de réponse.
- Une dernière chose : Kanu a raté plusieurs fois ces meurtres. Mais, quand il avait décidé de tuer quelqu'un, il avait sa peau. Pas un seul de ses contrats n'a été annulé !
- Ses contrats ?
- Oui. Le FBI n'a pas voulu m'en dire plus mais il paraît que Kanu Lillard est en quelques sorte un « nettoyeur ». Il tue les personnes qu'on lui dit d'assassiner pour une certaine somme d'argent. Et il ne rate jamais un contrat.
- Ca va rassurer Serge Alis, ce détail, c'est sûr ! grommela le chef de police.
Son téléphone se mit à sonner. Tout en s'éloignant de la table et de ses deux agents, il répondit.
- Commissaire Hernandez ? C'est Drew Keating.
- J'ai reçu votre fichier vidéo du parc. Je n'ai rien remarqué d'anormal, et vous ?
- Tout semble comme décrit par la victime. Mais j'ai remarqué un petit détail.
- Lequel ?
- Un homme qui regarde de loin alors que tous les autres personnes présentes à ce moment-là, courent pour se mettre à l'abri. Lui est resté stoïque, regardant avec intérêt. Il n'est parti que quand les sirènes se sont fait entendre.
- On voit son visage? demanda Gérard.
- Non. Il est de dos et il porte un sweat à capuche.De plus, il est à l'ombre des arbres et sa cache dans le feuillage. Dans la vidéo, rien ne peut nous aider à savoir son identité.
- Je m'en doutais, ça aurait été trop facile sinon.
- J'ai aussi regardé les bandes de surveillance de la rue où a été tué Claude Lacroix, commença Drew.
- Et ?
- Les bandes ont toutes été effacées...
Le choc d'une telle révélation coupa la parole à Gérard. Pourquoi ça arrivait maintenant ? Dans cette enquête particulièrement ?
- Piratage des caméras des rues ? demanda Gérard, une boule dans le ventre.
- Je ne pense pas. Je dirais plutôt que les bandes ont été en contact avec un aimant assez puissant pour que le contenu de certaines bandes soit effacé.
- Génial ! Il manquerait plus que ce soit un policier qui ait tué Claude Lacroix et mon bonheur serait complet !
- Malgré tout, j'ai visionné toutes les bandes. Sur l'une des cassettes, avant la coupure, on voit un homme à sweat s'éloigner des voitures de police alors qu'on allait boucler tout le périmètre.
- Le même que dans le parc ?
- Je ne saurais dire, mais je crois rarement aux coïncidences.
- Merde.
Gérard laissa planer le silence quelques instants avant de poser la question qui lui trottait dans la tête depuis le début de la conversation. Question dont il craignait la réponse.
- Les bandes ont été touchées par d'autres avant qu'un des policiers vous l'amène ?
- Je ne crois pas. Il faudrait demander à Ron Murat.
- Ron ?
- C'est lui qui m'a apporté les enregistrements.
- Oui... réfléchit Gérard. Donc il est possible que Ron ait effacé les bandes...
- Tout à fait. À voir, si quelqu'un d'autre les a touché avant.
- Il est à l'hôpital avec moi, je vais donc voir avec lui les détails. Autre chose ?
- J'ai demandé qu'on aille me chercher les bandes d'un distributeur qui était un peu plus loin. J'espère que l'homme au sweat est passé devant.
- D'accord. Tenez-moi au courant.
Gérard raccrocha. Il commençait à détester cette enquête. Il aurait mieux fait de partir en vacance avec sa femme comme c'était prévu au départ.
Annotations