CHAPITRE 6

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    Dès qu'il mit un pied dans son petit appartement, Drew décida d'appeler son oncle pour l'avertir du changement de programme. Mais il tomba de nouveau sur la messagerie. Il souffla d'exaspération, puis tenta de remettre la main sur la brochure du ranch. Il ricana doucement en lisant le slogan très accrocheur qui y était inscrit : "Le paradis sur Terre est enfin accessible. Et il se trouve au Ranch Heaven !". Il trouva rapidement le numéro de téléphone de l'accueil du ranch, puis le composa dans la foulée.

- Ranch Heaven, bonjour ! déclara la voix accueillante et enjouée de la standardiste.

- Bonjour. Je voudrais parler à John Bois, s'il vous plait.

- De la part de qui, je vous prie ?

- Drew Keating.

- Je ne sais pas s'il va accepter de prendre la communication, il est très occupé avec l'arrivée des premiers vacanciers de juin.

- J'en fais justement parti, mademoiselle... ?

- Bounda. Mathilda Bounda. Je vais voir s'il accepte de vous parler, patientez quelques instants.

- Merci Mathilda.

Un silence suivit dans le combiné puis de la musique country se fit ensuite entendre. La musique d'attente était bien plus sympa quand lorsque l'on devait patienter que les services de téléphonie, de gaz ou d'électricité nous répondent. Un sourire se dessina sur les lèvres de Drew. Un de ces passe-temps favori, durant l'attente au téléphone, était de s'imaginer le physique de ses interlocuteurs. Cette Mathilda avait une voix enjouée mais assez ferme. Elle devait avoir la trentaine. Il se l'imaginait aussi célibataire et d'une timidité maladive. Côté coiffure, elle portait un chignon serré où quelques mèches ondulées s'échappaient. Ses yeux bleus devaient être cachés par une jolie paire de lunettes. Peut-être même portait-elle un collier de perles, collier qui lui venait de sa grand-mère.

- Monsieur Bois va prendre cette communication, reprit la voix de Mathilda.

- Merci beaucoup.

Et elle avait des longues jambes, qu'elle cachait avec des collants noirs opaques...

- Bonjour fiston ! déclara la voix joviale de son oncle John.

- Salut le vieux ! déclara Drew sur le même ton.

- Attention à tes paroles, petit. Sinon tes vacances gratuites vont devenir payante !

- Oups... Je me tais. Surtout que finalement je ne viendrais pas seul mais avec trois copains.

- J'espère qu'ils ne profitent pas de toi pour avoir des vacances gratuites.

- Si, dit Drew en ricanant. Je les connais depuis longtemps et j'ai dû leur forcer la main pour venir s'enterrer dans un petit village.

- Bilyonet compte quand même huit mille habitants, ce n'est pas un village où il y a plus de vaches que d'habitants tout de même.

- Je ne faisais que les citer, tonton. Tu n'as pas à t'en faire sur mes relations. Je suis un grand garçon maintenant.

- Tu resteras toujours mon petit Drew. D'ailleurs, qui m'a appelé il y a une semaine pour me demander si une chemise verte convenait si on portait un pantalon bleu ?

- OK, je te laisse, je passe sous un tunnel...

Et Drew raccrocha tout en rigolant. Il adorait son oncle plus que tout. Il était sa seule famille encore vivante. C'est lui qui l'avait élevé, c'est lui qui s'était saigné au travail pour lui payer ses études. Ce que Drew voulait, John lui achetait ou faisait en sorte qu'il puisse l'obtenir. Le jour où John viendrait à disparaitre, c'est son point de repère, sa famille qui disparaîtrait. Cette pensée rendit Drew mélancolique pendant qu'il bouclait ses bagages. Même s'il pensait que ce serait chouette de passer ses vacances au ranch comme prévu tout en travaillant. Il espérait juste qu'il serait à la hauteur et que rien de fâcheux n'arriverait à Serge Alis.

    Deux jours plus tard, Serge Alis sortit d'hôpital. Il avait toujours l'épaule bandée mais elle ne lui faisait plus qu'occasionnellement mal. Il était accompagné de Ron et de Chance. Ensemble, ils rejoignirent Drew, qui les attendait avec ses propres bagages. La voiture, louée pour l'occasion, fut rapidement remplie de valises. Puis, ils se mirent en route pour deux heures de trajet jusqu'à la ville de Bilyonet.

   Le trajet fut assez plaisant. Les futurs amis se mirent d'accord sur leurs rencontres, sur leurs souvenirs communs. puis, ils se racontèrent brièvement leurs vies, s'échangèrent des détails sur leurs couleurs préférées, leur travail, leurs qualités et même leurs défauts. Ils partagèrent quelques anecdotes marrantes et l'ambiance était très chaleureuse. Heureusement pour eux, malgré leur rencontre très récente, ils devinèrent rapidement qu'ils pourraient être amis sans faire trop semblant.

   Malgré le professionnalisme des deux policiers, ils ne virent à aucun moment le fourgon bleu qui les suivait depuis l'appartement de Drew. Au volant, un homme d'une cinquantaine d'années parlait au téléphone. Son crâne chauve était recouvert d'une capuche et sa moustache se mit à frémir quand sa bouche esquissa un sourire de satisfaction. Il venait de voir le panneau "Ranch Heaven" se dessiner devant lui. Tandis que Drew et ses amis attendaient que le portail s'ouvre après une vérification d'identité, le fourgon disparu dans le sens inverse, certain qu'il venait de découvrir où se cachait la personne qu'ils recherchaient depuis longtemps. Voilà une affaire où il aurait l'occasion d'éliminer deux personnes en même temps.

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