Une fois au poste de police, Gérard demanda à voir la brève déposition que les policiers avaient réussie à prendre avant la mort de Claude. Succincte, elle ne lui apprit que l'âge et la situation de Claude. Agé de vingt-quatre ans, Claude était visiblement un drogué. Du moins, il l'avait admis devant les agents. L'examen du légiste préciserait ce détail lors de la prise de sang. Il n'avait pas voulu dire si l'adresse de sa carte d'identité était toujours la sienne et s'il avait un emploi. Il n'apprit rien de plus et cela lui fit monter la colère. Il se leva pour boire un café, histoire de calmer ses nerfs en faisant autre chose que réfléchir à cette affaire. Mais c'était peine perdue. Demain, les journaux diraient que le suspect d'un homicide raté avait été tué... Peut-être même accuserait-on les policiers de bavure, comme souvent.

- J'aurais mieux fait de ne pas annuler mes vacances avec Nina ! déclara-t-il en s'éloignant de son bureau.

La sonnerie du téléphone de son bureau interrompit ses pensées. La légiste lui proposait de se voir avant de commencer son travail au café du coin. Il estimait et appréciait beaucoup Lisa Narcisse. Elle était professionnelle et donc cela lui convenait parfaitement qu'elle soit la personne qui doive autopsier Claude Lacroix. Si cela ne tenait qu'à lui, elle se ne reposerait jamais et elle serait la seule légiste de la ville. Il avait une confiance aveugle en elle et ne contredisait jamais ses résultats. Professionnellement, elle était irréprochable et en privé, elle était une amie formidable. Pour lui et pour sa femme. Ils faisaient souvent des sorties à quatre, Nina, Gérard, Lisa et son mari Thomas. Bien avant qu'elle devienne légiste, ils se connaissaient et, depuis de longues années, leur relation amicale semblait très forte.

    Installé au bar, sa part de tarte aux pommes devant lui, Gérard sourit largement en voyant arriver Lisa. Malgré le fait qu'elle prenait juste son service, elle était déjà habillée de son éternelle blouse blanche. Agée de quarante-deux ans, la légiste était assez petite et rehaussait son mètre soixante-deux par des hauts talons. De corpulence normale, elle avait la peau aussi blanche que sa blouse. Ses cheveux blonds étaient simplement coiffés. Lisa les portait depuis de nombreuses années courts, arrangés au carré avec une frange. Ses yeux gris se cachaient sous une paire de lunettes de vue tandis que ses lèvres portaient la même couleur rouge que ses ongles.

- J'arrive à peine et déjà un cadavre m'attend sur la table d'autopsie, il paraît ? demanda-t-elle en prenant place à ses côtés.

- Bonjour à toi aussi Lisa.

- Tu ne devais pas partie en vacances avec Nina ?

- M'en parle pas. La location du bungalow a été annulée à la dernière minute...Un arbre est tombé dessus et le toit a des fuites à présent. Et comme aucun autre bungalow était disponible à la location, on a dû se faire une idée et annuler nos vacances. On prendra du bon temps en septembre finalement... Sauf si une autre catastrophe nous tombe dessus !

- Et donc, au lieu de passer ton temps à jouer à la pétanque, tu as une nouvelle affaire qui t'arrive dessus.

- On aurait mieux fait de décider de partir en tente. Je sens que cette affaire pue !

- Je ne sais pas pour l'odeur actuelle mais quand j'aurais découpé Claude Lacroix en petits morceaux, sur il ne sentira plus aussi bon.

- Je mange Lisa ! lui reprocha Gérard.

- Je sais. Mais il faudra bien que je lui ouvre la poitrine pour savoir si le projectile est fragmenté ou s'il s'est logé dans un os.

Gérard reposa sa cuillère et fit une grimace. Il détestait ce genre de conversation pendant qu'il mangeait. Lisa le savait pertinemment mais le faisait tout de même pour le taquiner.

- Je savais que c'était une mauvaise idée de manger en même temps que je te parlerais. Tu arriverais à me faire perdre des kilos rien qu'en discutant avec toi.

- Et c'est peut-être mieux pour toi. Je vois tu as repris un peu de gras au niveau des hanches, le taquina-t-elle en lui pinçant ses petits bourrelets.

- Comment va Samuel ?

- Il prépare sa rentrée pour octobre en première année de médecine.

- Déjà la rentrée ?

- Il a dix-neuf ans ! On s'était mis d'accord qu'après le bac, il pourrait avoir une année sabbatique avant de reprendre les études qu'il choisirait. Il a beaucoup réfléchi ses douze derniers mois, il a fait quelques boulots et son choix s'est posé sur la médecine. Il ne sait pas encore quelle spécialité mais qu'il termine déjà sa première année et on verra après.

- Et Thomas ? Il va bien, cela fait un moment que je ne l'ai pas croisé.

- Il bosse, il bosse, il bosse. Avec Luc, ils sont en plein dans l'écriture du troisième tome de leur BD.

- Génial ! s'exclama Gérard. Nina va adorer savoir que le troisième tome de sa BD fétiche sortira bientôt.

- Bientôt c'est vite dit. Ils en sont encore à la phase recherche. Luc bosse sur les détails des dialogues tandis que Thomas fait les premiers croquis.

- Thomas a un tel talent, déclara Gérard en pensant à cet illustrateur qu'il admirait tant.

- C'est certain que ce n'est pas moi qui pourrais faire des dessins à sa hauteur. J'en suis encore à faire un rond et des traits pour faire un personnage alors imagine le niveau !

- J'imagine bien, j'ai le même niveau que toi !

- Allez, je dois filer. J'ai besoin de parler au légiste qui a récupéré le corps de Claude Lacroix avant de faire l'autopsie. Je t'appelle plus tard pour les résultats.

- Ok.

    Tandis que Gérard prenait la route pour l'hôpital, Ron rejoignit le service des opérateurs de télésurveillance. Il était le coéquipier de Chance depuis longtemps maintenant, et même s'ils s'entendaient bien, ils étaient très différent. Ron Murat était plus du genre impulsif et irréfléchi. Il n'aimait pas la perfection, d'où ce côté mal rasé qu'il affectionnait tant. Plutôt bien bâti, il n'était ni trop musclé ni pas assez. Il aimait passer du temps à la salle de sports mais il aimait aussi beaucoup trop manger pour avoir la ligne irréprochable. Blanc de peau, il s'habillait principalement avec du noir et du bleu marine. Présentement, il portait un jean noir et un simple tee shirt de la même couleur. Avec ses cheveux blonds un peu trop longs, il ressemblait plus à un surfer qu'à un lieutenant de police. Sa fossette au menton s'accentuait quand il souriait et ses yeux marron semblaient légèrement ternes. Malgré ses trente-deux ans, il avait des petites rides au coin des yeux et sur le front. Il s'intéressa aux agents présents puis marcha droit vers le bureau de Drew Keating. Il avait brièvement travaillé avec lui, deux semaines auparavant et le contact était de suite bien passé.

- Salut ! lui dit-il.

- Lieutenant Murat, s'exclama Drew. Que me vaut le plaisir ?

- J'ai besoin que tu étudies cette vidéo, expliqua Ron en lui tendant la cassette de surveillance du parc. Il y a eu une tentative de meurtre au parc et j'ai besoin de vérifier si la victime a bien dit toute la vérité.

- J'ai entendu parler de ce qui s'est passé. Je vais regarder ça immédiatement. Je donne ma conclusion à toi ou au chef ?

- Au chef. J'ai aussi les cassettes de la rue principale où le détenu a été descendu. J'ai besoin que tu me dises si on peut voir d'où vient le tir et surtout qui est le tireur.

- Ok, je m'y mets.

- A plus', dit Ron, en s'éloignant rapidement.