CHAPITRE 9
Tandis que le soleil commençait à se cacher derrière les arbres du ranch, les discussions se succédaient autour de l'apéritif dans le salon. John questionnait Serge sur son travail d'informaticien pendant que Matt et Drew parlaient de leurs souvenirs de vacances. Les deux jeunes hommes avaient le même âge et se connaissaient depuis de très longues années. Matt était le plus vieil ami de Drew. Ils s'étaient connu dès l'arrivée de John et Drew à Bilyonet et avaient tout de suite sympathisé. Tandis que Matt avait fait des études pour devenir coach sportif, Drew s'était éloigné pour entrer dans la police. Mais leur amitié n'avait jamais faibli et ils avaient su garder contact malgré l'éloignement. Et ils étaient toujours ravis de se revoir.
- Désolé de vous déranger, mes beaux messieurs, mais le repas va être servi, les interrompit Rose, la cuisinière du ranch.
- Nous venons, répondit calmement John en posant son verre sur la table basse. Je vous présente Rose, la patronne de ma cuisine. Si vous avez le moindre souhait culinaire, c'est à elle qu'il vous faut vous adresser. En cas de pique-nique, vous pouvez lui demander de vous préparer sandwiches et bentos pour vous faciliter la vie. Vous ne trouverez nulle part ailleurs une cuisinière si belle, douce et douée qu'elle.
Rose se mit à rougir mais accepta les compliments de son patron avec bonheur. Elle adorait son travail et encore plus depuis qu'elle cuisinait dans le ranch pour John et les vacanciers. Agée de cinquante-deux ans, elle travaillait depuis de longues années pour le centre de loisirs. Elle appréciait de loger dans la grande demeure avec son mari, Jean-Louis, comptable de John. De corpulence normale, elle faisait toujours attention aux aliments qu'elle cuisinait et aimait tester de nouvelles recettes. Toujours habillée en robe, elle ne quittait que rarement son tablier. Ses yeux marron respiraient la bonté et elle portait ses cheveux châtains courts pour éviter d'avoir à les attacher tous les jours.
- Pas la peine de me complimenter, répondit-elle à John en souriant. Je vous ai déjà fait votre gâteau au chocolat hier... Pas question de vous en refaire un sinon votre balance va exploser !
- J'aurais au moins essayé, souffla-t-il dépité.
Drew se mit à rire de bon cœur, tout en allant enlacer la cuisinière qu'il appréciait beaucoup.
- Par contre Drew, je t'ai fait le crumble aux pommes que tu affectionnes tant, lui chuchota-t-elle dans l'oreille durant l'étreinte.
- Tu es la meilleure, Rose ! lui répondit-il en lui posant un baiser bruyant sur la joue.
Après le départ de Rose vers sa cuisine, toute la joyeuse troupe se leva des canapés pour rejoindre la salle à manger. Le bruit de la porte d'entrée les fit tous lever les yeux vers la nouvelle venue. John présenta rapidement Mathilda aux amis de son fils avant d'aller s'installer à table.
- Rose ! appela Mathilda.
- Oui ? demanda-t-elle en arrivant rapidement.
- Qu'est-ce qu'il y a pour le diner ?
- Des lasagnes végétariennes. Super, grommela Mathilda.
En voyant Matt lever les yeux au ciel et souffler d'exaspération, Mathilda s'avança vers lui, les mains sur les hanches.
- Quoi ? cria-t-elle presque en s'asseyant aux côtés de Drew à table.
- T'es jamais contente, c'est gonflant à force !
- Et je t'ai demandé ton avis peut-être ?
- Non effectivement. Je vais arrêter de te parler, ça me coupe l'appétit de te regarder trop longtemps, répliqua Matt en allant s'asseoir à contrecoeur à côté d'elle.
John, assis en bout de table, appréciait d'avoir Drew à sa gauche. A sa droite, il y avait Serge, Ron et Chance.
- Je sers les hors-d'oeuvres maintenant, monsieur ? demanda Rose, en posant sur la table, les pichets d'eau et de vin.
- Non, nous allons attendre nos autres employés.
- Bien, monsieur.
- Vos employés mangent toujours avec vous dans cette salle ? s'étonne Serge, curieux.
- Pratiquement toujours oui. Le ranch est un endroit que je souhaite le plus convivial et familial que possible. Mes employés font partie de la vie du ranch et je les respecte autant qu'ils peuvent me respecter. Enfin, je l'espère ! expliqua John.
- Heureusement, continua Matt sur le ton de la confidence, il ignore tout ce que l'on peut dire sur lui quand nous sommes entre nous.
- Fais attention Matt ou tu vas bientôt aller pointer au chômage !
Tout le monde se retourna vers l'endroit d'où venait la voix. Drew reconnut de suite les cheveux roux et la grâce naturelle qui émanait d'elle. Il eut le souffle coupé par tant que beauté lorsqu'elle sortit de l'ombre et s'avança dans la salle à manger. Les cheveux arrivant au milieu du dos, la coupe était dégradée et dégageait parfaitement son visage lisse et harmonieux. L'éclat de ses yeux vers brillait de mille feux et une note malicieuse les rendait encore plus magnifiques. Le sourire qu'elle affichait faisait entrevoir des dents blanches bien alignées tandis que deux fossettes se creusaient sur ses joues. Légèrement bronzée, elle semblait mesurer plus que son mètre soixante dix tellement elle se tenait droite. Habillé d'un pantalon militaire kaki, d'un tee-shirt à manches longues noir moulant et de basket, ses formes étaient particulièrement mises en valeur.
- Bonsoir tout le monde. J'espère que je n'interromps pas les bêtises de Matt !
- Non pas du tout ! déclara John. Prends place à côté du fanfaron que je te présente nos invités.
John attendit patiemment qu'elle se soit installée pour reprendre la parole.
- Je te présente mon neveu, Drew ainsi que ses trois amis : Serge, Ron et Chance. Voici Lyanna Pocan, notre professeur d'équitation.
- Je vous ai vu chevaucher un magnifique étalon cet après-midi, dit Drew en avançant son visage vers la table pour capter le regard de Lyanna. Il a l'air assez sauvage encore, non ?
- Je le dresse depuis de nombreux années mais il a son petit caractère. Malgré cela, il est très doux et affectueux.
- Tu parles, l'interrompit Matt. Une fois, Jump a failli m'envoyer à l'hôpital. Il est aussi doux que sa maitresse, ça c'est sûr !
- Pauvre petit, le railla l'intéressée en lui pinçant la joue.
- Vous voyez ! Elle me martyrise.
Trois autres employés arrivèrent en même temps sur ces entrefaites. Andy, une fille brune à la beauté simple mais naturelle, adorait surprendre son monde. Arrivant au dîner avec des mèches rouges éparses dans sa chevelure brune et courte, coupée au carré, elle s'assit aux côtés de Chance, avec qui le courant passa de suite. Odile et Etienne Smith étaient mariés depuis leurs dix-neuf ans et travaillaient pour John depuis l'ouverture du ranch de loisir. Agés tous les deux de quarante-cinq ans, ils ne comptaient pas travailler ailleurs car ils adoraient vivre dans un endroit si agréable. Odile faisait le ménage dans la demeure principale tandis qu'Etienne s'occupait principalement de l'entretien du ranch.
Quand Rose apporta les lasagnes végétariennes, elle envoya un clin d'oeil imperceptible à Lyanna. Celle-ci lui avait acheté récemment un livre de cuisine végétarien pour varier un peu plus ses menus. Mais c'était surtout un acte égoïste, vu que Lyanna était végétarienne elle-même depuis quelques années. Mathilda râla quand elle découvrit qu'effectivement, il n'y avait pas la moindre trace de viande dans ses lasagnes et qu'il y avait beaucoup trop de brocolis et d'épinards dedans. Mais à part ce détail, le repas fut très agréable.
- Tu es libre demain soir ? demanda Matt à Lyanna.
- Ca dépend. Tu veux m'emmener où ?
- Si je te le dis, ce ne sera pas une surprise.
- Je n'aime pas les surprises, tu le sais non ?
- Oui, je sais. Et c'est pour ça que j'aime bien t'en faire. Alors tu es libre ?
- Toujours pour toi, déclara-t-elle.
- Donc je vais t'emmener dans un endroit spécial.
- Où exactement ? demanda tout de même Lyanna.
Rose interrompit la discussion en venant dans la salle à manger. Elle se dirigea vers Lyanna et lui murmura quelque chose dans l'oreille. Celle-ci perdit son air insouciant et devint soudainement sérieuse.
- Je vais le prendre dans l'entrée, merci Rose, dit Lyanna, en se levant et s'excusant de devoir prendre un appel téléphonique.
Drew la regarda partir, soudain suspicieux. Il y avait quelque chose chez cette femme qui le dérangeait mais il n'arrivait pas encore à mettre le doigt dessus. Une enquête approfondie sur la demoiselle lui apprendrait peut-être ce qui l'ennuyait.
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