Un garçon pas comme les autres
L'obscurité était mon quotidien, tout comme la solitude. J'avais du mal à me souvenir de mon enfance, là où les sourires, les rires et la famille faisaient partie de ma vie. Aujourd'hui, c'était la solitude que je ressentais le plus.
Le cliquetis de la porte qui se déverrouillait me fit ouvrir les yeux en me redressant, une main contre le sol froid sur lequel je me trouvais. Cette cave glaciale, humide et sombre était l'endroit où je passais la plupart de mon temps. La lumière arrivant du rez-de-chaussée me permettait de déceler la personne qui descendait les escaliers lentement.
— Je crois que tu as suffisamment dormi. Bouge-toi, Darren.
Rien qu'à l'entente de cette voix, mon corps se raidit avant que je ne reçoive quelque chose qui se heurta à mon corps.
Des… vêtements ?
Je les récupérai au sol en levant les yeux vers l'homme en face de moi.
— Qu'est-ce que tu fous ? Dépêche-toi !
Face à mon manque de réaction, je me retrouvai attrapé par le col de mon haut troué et poussé vers les escaliers avec précipitation.
— Habille-toi, tu as une minute, pas une de plus.
M’habiller… ? Avec ces vêtements… ?
Quand l’homme d'une cinquantaine d'années s'éloigna, je posai les yeux sur ce que j'avais dans les mains. Ces vêtements étaient beaux… trop grands pour moi, mais beaux. Secouant la tête, je décidai de me dépêcher de les enfiler alors que j'avais vais bien plus l'habitude des tenues trouées et sales.
— Darren !
Je sursautai en entendant Mr. Old s'impatienter, alors je pressai le pas en finissant de mettre mon pantalon sur la route. Je n'avais jamais rien fait d'autre de ma vie que de me mettre à son service et je m'y étais finalement habitué. En arrivant dans le salon, j'aperçus mon maître en compagnie de ses servantes et immédiatement, mon regard se posa sur la fenêtre qui donnait sur l'extérieur.
La première chose qui me parvint fût la beauté de ce monde, hors de ces murs. J'aimerais tant le découvrir, quitter ce lieu… mais pour aller où ? J'étais incapable de partir d'ici.
— Marlene ! Tout est prêt ? s'adressait le cinquantenaire à une de ses domestiques.
L'agitation était de mise autour de moi tandis que je restais fidèle à moi-même, debout dans un coin, rêvassant en attendant de recevoir des ordres, incapable de prendre une décision par moi-même.
— Bon sang, mais c'est pas possible ! Bougez-moi cet abruti de là, il va finir par me mettre en retard !
Saisi par le bras, je finis par me faire traîner hors de la maison, dans une incompréhension totale.
Mais… qu'est-ce qu'il se passe ?! Où m'emmène-t-il ?
J'étais perdu car je sortais rarement de cette maison et surtout de la cave. Néanmoins, aujourd'hui, Mr. Old avait décidé de m'emmener avec lui sans me dire pourquoi. Connaissant le personnage, je savais que ce n'était pas dans mon intérêt mais plutôt pour le sien.
À travers la fenêtre de la voiture, j'étais toujours autant émerveillé par l'extérieur, toutes ces couleurs, ces arbres parfois gigantesques. Et puis les gens, ils semblaient si… libres. Mes lèvres s'entrouvraient mais j'étais incapable de prononcer le moindre mot. Je n’y parvenais plus car avec le temps, j'avais fini par perdre le don de la parole.
— Un geste de travers de ta part et tu sais ce qu’il t'attend. Tiens-toi à carreaux, compris ?
La voix de mon bourreau me ramena à la réalité quand je constatai que nous étions arrêtés devant une grande propriété, vraiment élégante, avec des jardins remplis de fleurs et d'arbustes taillés à la perfection. Je hochai la tête avant de descendre de la voiture en suivant de près la seule personne qui représentait une famille, pour moi.
Je ne parvenais pas à détourner les yeux de toutes ces couleurs tant c'était nouveau pour moi, mais le bruit de la grande porte s'ouvrant et le coup de coude de Mr. Old dans mon bras me fit me concentrer sur…
Cet homme… est d'une beauté incroyable…
C'était la première chose qui me venait en tête quand mon regard se posa dans des yeux d'un bleu à couper le souffle, des cheveux châtain parfaitement bien coiffés dans une très légère longueur et une tenue des plus classes.
— Mr. Old. Que faites-vous là ? Je vous ai pourtant dit que je n'étais pas intéressé.
En levant les yeux vers mon maître, je remarquai ce sourire que je connaissais si bien. Il avait une idée derrière la tête mais j'ignorais de quoi il s'agissait.
— Si vous me le permettez, Mr Olson, j'aimerais réitérer ma demande. Vous permettez ?
J'en restai bouche bée en voyant mon bourreau pénétrer chez cet homme sans même y avoir été invité, le bousculant légèrement au passage.
Est-ce que… je dois rentrer, moi aussi… ?
Le regard de ce fameux Olson se posa alors sur moi et je crois qu'il me remarquait seulement maintenant. Face à de tels yeux, j'en restai incapable de bouger, cet homme m’intimidait de par son charisme. Je fus étonné de voir un sourire se dessiner sur ce si beau visage, ce qui changeait drastiquement son allure.
Il… me sourit… ? À moi… ?
— Je ne savais pas que vous aviez un fils, se tournait-il vers Mr. Old après m'avoir invité à entrer en effleurant mon dos de sa main.
— Pardon ? Oh, non. Darren n'est certainement pas mon fils.
Évidemment que non… je ne suis le fils de personne.
Je baissai la tête, silencieux face au regard de Mr Olson qui se posait sur moi. Tout pouvait se lire sur ma personne, il était difficile pour moi de cacher quoi que ce soit.
— Pour tout vous dire, puisque vous semblez curieux, c'est mon serviteur.
Quoi… ? Pourquoi dit-il cela à cet homme ? Il n'a donc vraiment peur de rien… il se fiche vraiment de tout.
Un silence de mort s'empara de la maison alors que nous nous trouvions toujours dans l'entrée.
— Bien, discutons de ce contrat, reprit Mr. Old en posant une main contre la rampe d’escaliers.
— Je vous l'ai déjà dit, je ne vous donnerai pas cet argent.
Mr Olson semblait camper sur ses positions et je devais avouer ne rien comprendre à leur discussion. Pourquoi me trouvais-je ici, d'ailleurs ? Je sentais que mon maître était piqué dans son ego face à ce refus.
— Et toi, qu'est-ce que tu fiches encore là, planté comme un abruti ? Disparaît de ma vue ! s'énerva Mr. Old contre moi.
Je baissai les yeux, ne sachant pas où est-ce que je pourrais aller puisque j'ignorais déjà pourquoi je me trouvais là.
— Virginie !
Je fronçai les sourcils en entendant Mr Olson appeler une femme, qui ne tarda pas à pointer le bout de son nez.
— Monsieur, que puis-je pour vous ? demanda-t-elle en souriant.
Pourquoi… sourit-elle ? Si elle est comme moi, elle ne devrait pas sourire…
— Peux-tu, s'il te plaît, emmener ce jeune homme avec toi et faire un peu de café ?
Mais… c'est demandé si gentiment… Je n'en reviens pas d'un ton si bienveillant.
— Bien sûr. Si vous voulez bien me suivre, s'adressait-elle à moi en quittant l'entrée.
Je la suivis en jetant un coup d'œil désolé à mon maître.
Je ne suis vraiment qu'un bon à rien...
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