Un nouveau contrat
En nous regardant nous éloigner, Killian soupira lourdement avant de poser ses yeux clairs sur Mr. Old qui se trouvait en face de lui.
— La politesse et la gentillesse, vous ne connaissez donc pas ?
Son visage venait de se fermer subitement. Il est vrai qu'il y avait clairement une différence de comportement entre les deux hommes, mais il semblait que cela ne fasse ni chaud ni froid à Mr. Old.
— Je ne pense pas que ce soit le sujet de ma présence ici, haussait-il les épaules.
En effet, ce n'était pas la question, mais c'était plus fort que lui, le jeune homme devait remettre en place cet homme mal élevé.
— Je ne signerai rien venant de vous et je ne vous donnerai en aucun cas mon argent. Si cela ne vous convient pas, vous pouvez toujours sortir, la porte n'est pas loin, rétorqua Mr. Olson, afin que cela entre bien dans la tête de son “invité”.
— Un enfant modèle à ce que je vois. Vous êtes bien sûr de vous ? s'avança Mr. Old vers le propriétaire des lieux.
— Sûr et certain.
Le jeune homme âgé d’une trentaine d'années croisa les bras contre son torse en soutenant le regard de celui qui se trouvait face à lui. Il ne céderait pas, c’était évident.
— Très bien, pesta presque le cinquantenaire en passant à côté du jeune homme en prenant la direction de la porte d’entrée.
— Darren !
Sa voix, je l'entendis depuis la cuisine et, au vu de son ton, je savais que j'allais passer une très mauvaise journée. Je n'avais d'autre choix que de le rejoindre rapidement. Trop rapidement. Dans la précipitation, je me pris les pieds dans le tapis se trouvant dans l'entrée et tombai au sol comme une vulgaire crêpe.
— Non mais, quel empoté tu fais ! Relève-toi, et plus vite que ça !
Aïe… Oh non… je l'ai encore plus énervé maintenant !
— Est-ce que ça va ?
Une main venait se placer devant mon champ de vision alors que je relevais le visage vers cette dernière. C'était celle de ce jeune homme… Face à ce visage, ce sourire et cette gentillesse qui émanaient de lui, je sentis les larmes remplir mes yeux et luttais pour ne pas les laisser s’échapper.
— Il va bien ! Ne vous embêtez pas à lui parler, il est muet et stupide, par-dessus le marché, grogna mon bourreau, agacé par cette perte de temps.
Je décidai de ne pas saisir la main de ce garçon, m'excusant mille fois pour le désagrément de la seule manière dont j'étais capable de le faire, sans aucun mot. Très vite, je me relevai et rejoignis Mr. Old dans l'entrée. Sa main me saisit soudainement par la nuque en me poussant à l'extérieur de la maison.
— Dépêche-toi un peu !
J'en tombai presque de nouveau, sur les gravillons se trouvant dehors, mais je me rattrapai in extremis.
Il est vraiment en colère…
Face à une telle vision de cruauté, un comportement vraiment détestable envers un être humain, Mr. Olson sentait la colère monter en lui. On pouvait aisément le voir à ses poings qui se serraient, même s’il tentait de rester à sa place et de garder son calme. C'était plus facile à dire qu’à faire lorsque l’on se retrouvait témoin de scènes de maltraitance.
— Eh !
Alors que Mr. Old était sur le départ, le trentenaire l'interpella en lui attrapant l'épaule, ce qui le fit bien évidemment réagir et se retourner vers lui.
— Je vous propose un autre contrat.
— Vous pensez que c’est comme ça que ça marche ? Il n’y a pas d’autre contrat, rétorqua le cinquantenaire du tac au tac.
Le regard du détenteur des lieux était sûr de lui et déterminé alors qu’il posa les yeux sur ma personne se trouvant dehors, silencieuse.
Qu’est-ce qu’il se passe… ?
— Deux millions pour le garçon. C'est plus que ce que vous vouliez.
Le visage de Mr. Old changea du tout au tout car, en effet, le premier contrat s'élevait à hauteur d'un million, ce qui voulait dire que le jeune homme proposait le double du prix convenu pour une toute autre affaire que Mr. Olson ne signerait jamais, quoi qu’il arrive.
— Et pourquoi j'accepterais ? pencha-t-il la tête sur le côté en esquissant un sourire presque mauvais.
— Pas de Darren, pas d'argent. C'est à prendre ou à laisser, croisa-t-il les bras contre son torse, déterminé.
C’est… de moi dont on parle, n’est-ce pas ? Pourquoi ai-je subitement l’impression d'être considéré comme un vulgaire objet que l’on achète et revend au premier venu ?
Mon maître tourna la tête vers moi, me regardant longuement, en pleine réflexion. Cela dura plusieurs secondes avant qu’un sourire ne fasse éclaircir son visage.
— Marché conclu. Deux millions, il est à vous.
J'aperçus la main de mon bourreau se tendre vers le jeune homme qui la serra le temps d'un instant. La seconde d'après, un chèque se trouva dans les mains de Mr. Old, très satisfait de cet échange qui lui rapportait un bon paquet d’argent, comme il l’aimait tant.
— Ravi de faire affaire avec vous, Killian Olson.
Sur ces paroles, il quitta la propriété sans même un regard en ma direction.
Qu'est-ce que… mais, qu'est-ce qu'il se passe… ?
Je restai debout, dehors, dans l'incompréhension la plus totale. Il… il venait de m'abandonner là, auprès d’un homme que je ne connaissais pas, dans une propriété qui m'était inconnue. Une boule se forma dans mon ventre alors que je me rendis compte que la seule “famille” que je possédais venait de me… vendre ?
C’est vraiment ce qu’il s’est passé… ? Qu’est-ce que… qu’est-ce que je vais devenir, maintenant ?
Mon regard s'était perdu au loin, là où la voiture de Mr. Old avait disparu depuis de longues secondes maintenant. Soudainement, une main chaleureuse vint se poser sur mon épaule et lorsque je relevai les yeux vers cette dernière, ce fut ce jeune homme que j'aperçus.
— Tout va bien ?
Je… je ne sais pas… je ne sais plus.
Je gardai le silence, puisque je ne savais faire que ça. Je ne comprenais pas pourquoi, mais je me sentais vide. Cela me faisait presque de la peine d’avoir vu cet homme pourtant si cruel avec moi, me laisser après avoir passé quinze ans à ses côtés. La main de Mr. Olson se resserra doucement sur mon épaule alors que je baissais les yeux.
— Hey… Darren, c'est ça ? Tu seras mieux ici, crois-moi.
Et sur quoi se basait-il pour dire cela… ? Au fond, peut-être avait-il raison, sûrement même. Après tout, cet homme avait l’air bien plus gentil que mon bourreau.
— Allez, viens, me glissa-t-il sa main dans le dos afin de me faire regagner l'intérieur de la maison.
C’est ici désormais que je vais vivre… ?
— Au fait, moi, c’est Killian, souriait le jeune homme en me regardant.
Killian…
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