Regrets

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Je n'aurais jamais pensé que des mots aussi méchants pourraient sortir d'une bouche aussi belle. Après avoir fui la pièce où se trouvaient Mr Killian et ses invités pour me réfugier dans ma chambre, il m'était impossible d'arrêter les larmes qui coulaient sur mes joues. J'avais été bien trop naïf… Finalement, il était comme tous les autres, qu'avais-je imaginé ?

En bas, je pouvais entendre des voix s'élever et se diriger vers la porte d'entrée. Je m'en voulais, tout était ma faute.

— Mme Scofield ! Je suis sincèrement navré pour ce désagrément, restez !

Je le savais, elle ne resterait pas. J'entendis leur voiture s'éloigner quelques minutes plus tard. Elle était là, la différence entre nous. Je n'aurais jamais réagi de la sorte face à une tâche de gâteau sur mes vêtements.

Quelques instants plus tard, j'entendis les escaliers grincer fortement, preuve qu'une personne les montait quatre à quatre. Puis, différemment de la veille, la porte s'ouvrit précipitamment sans aucune politesse.

— Qu'est-ce qui t'a pris, bordel ?! À cause de toi, ils se sont tirés ! Tu te rends compte de ce que tu as fait, Darren ?!

Recroquevillé sur le lit, je ne parvenais même pas à regarder l'homme qui déchaînait sa colère sur moi.

— Regarde-moi au moins quand je te parle !

Il haussait encore plus le ton. Je fermai promptement les yeux, car je ne supportais pas les hurlements, même si je comprenais sa colère. Lorsque mes yeux se rouvrirent, ce fut parce que je sentis une main me saisir le bras. Mon corps n'émit aucune résistance, ne s'attendant pas à se retrouver sur le sol. Il m'avait littéralement jeté du lit.

— Je devais signer un énorme contrat aujourd'hui ! Tu sais ce que ça veut dire ? Réponds !

Répondre... Il savait pourtant que j'en étais incapable. Il perdait patience et alors que mes yeux humides se levèrent en sa direction, j'aperçus sa main levée. J'eus seulement le temps de détourner le regard en attendant ma sentence... qui n'arriva jamais.

— Fait chier ! Tu n'es vraiment qu'un incapable !

Son poing se resserra alors qu'il ramena sa main vers lui avant de quitter la chambre en claquant la porte.

Il… ne m'a pas frappé…

Mais ses mots avaient été encore plus douloureux qu’un coup.

Durant le reste de la journée, j'avais été incapable de sortir de cette chambre. J'étais envahi par le sentiment d'avoir de nouveau cinq ans et de me retrouver puni, sauf que c'était bien pire que ça. S'il souhaitait que je lui fasse confiance… c'était trop tard, je n'y arriverais sûrement plus.

La confiance… ça se gagne, ça se mérite. Je n'ai jamais gagné celle de personne et inversement.

Un silence pesant régnait dans toute la maison et lorsque le soleil se coucha, je n'étais toujours pas sorti de ma chambre. Debout devant la fenêtre que j'ouvris, je glissai mes bras en avant, posant ma tête contre ceux-ci en regardant dehors. Un soupir quitta mes lèvres alors que je penchais la tête sur le côté. Je ne serais jamais libre… Nous avions tous des objectifs de vie… le mien était celui d'avoir une vie normale. Le regard perdu sur les oiseaux volant paisiblement dans le ciel, je sursautai en entendant frapper à la porte. En me tournant, je pus apercevoir Mr Killian, un regard bien plus adouci et… un plateau en main. Je fronçai les sourcils face à cette vision : mon maître qui m'apportait à manger. Je n'aurais jamais cru voir ça un jour.

— Je peux entrer… ?

Pourquoi cette question puisqu'il était déjà dans la chambre ? Toujours sur la défensive, je hochai doucement la tête sans bouger de la fenêtre. Il déposa le plateau sur le petit bureau dans le coin de la pièce avant de s'avancer vers moi. J'aurais voulu reculer… mais la fenêtre m'en empêchait.

— Écoute... je suis désolé.

Désolé… ? Où est le piège ?

— J'ai mal réagi, j'en suis conscient… je n'aurais pas dû te parler comme je l'ai fait.

Depuis quand ces gens-là se remettaient en question et s'excusaient de leurs comportements ? Que cherchait-il à obtenir de moi ? Mon regard se tourna vers le cahier qui se trouvait sur la table de chevet.

— Tu n'es pas obligé de me répondre, dit-il, ayant probablement aperçu mon regard hésitant envers le cahier.

Je jouais nerveusement avec mes doigts avant de me décider à avancer d'un pas en posant les yeux sur le plateau repas. Qu'est-ce que… c'est que ça ? Mes sourcils se froncèrent. Est-ce que ça se mange vraiment ? Il captait de nouveau mon regard et se mordait l'intérieur de la joue.

— C'était censé être des spaghettis… je n'ai jamais été bon cuisinier.

C'était lui qui avait préparé ça ? Pourquoi pas Virginie ? Pourquoi aurait-il pris la peine de cuisiner quelque chose pour moi ? Face à tant d’absurdités, un sourire que je ne parvenais pas à retenir apparut sur mes lèvres.

— Ne te moque pas… !

Oh si... je me moque ! Si ça avait le goût de son aspect, alors ça serait clairement infect. La tension redescendit dans la pièce alors que le jeune homme lâcha un léger rire en haussant les épaules.

— Nous ne sommes pas tous aussi bons cuisiniers que toi.

Alors… ça veut dire qu'il a aimé mes plats ?

Un rictus apparaissait sur mes lèvres avant que je récupère mon cahier. Son regard me suivait, ses doigts glissant nerveusement dans sa chevelure châtaine.

— Tu... me pardonnes ?

Pardonner, ça, je sais faire... mais combien de fois allais-je devoir le faire ?

J'ouvris le cahier en revenant à ses côtés et écrivis quelques mots.

"Je te pardonne."

Je levai les yeux vers lui avec un sourire bien plus lumineux. Je n'étais pas un homme rancunier, je laissais des chances aux gens... Il était venu s'excuser, m'avait préparé à manger, comment aurais-je pu rester fâché ? Un soulagement fut facilement détectable sur son visage.

— Merci…

Après ces mots, le silence revint dans la pièce. Je n'avais rien à écrire, il n'avait rien à dire… nous restâmes là à nous regarder avant qu'il ne se racle la gorge en reculant vers la porte.

— Demain, j'aimerais t'emmener quelque part, alors ne traîne pas au lit.

Comme ce matin, voulait-il dire ? Je mordais nerveusement ma lèvre en hochant la tête alors qu'il quittait la chambre, me laissant avec plein de questionnements.

M'emmener quelque part demain… ? Où ? Pour faire quoi ?

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