Plus aussi seul

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Un son était bel et bien sorti de ma bouche. Un son... qui m'appartenait. Cela faisait si longtemps que je n'avais plus entendu ma voix... Au loin, M. Kilian souriait sans que je puisse le voir ; ma voix lui était parvenue, son objectif était atteint.

— Tu as réussi... se parlait-il lui-même, satisfait.

Je finis par le rejoindre, encore sous le choc de ce qui venait de se passer.

— Qu'est-ce que ça fait ?

Mon sourire en disait long. Ce que ça fait ? Tellement de choses ! J'attrapai le cahier, commençant à écrire alors que sa main se posa contre la feuille.

— Maintenant, tu sais que tu en es capable.

J'en suis peut-être capable mais... ce n'est pas parce qu'un cri m'a échappé que je peux parler comme tout le monde.

Je baissai les yeux vers le cahier, hochant doucement la tête. J'allais avoir besoin de temps, je le savais.

— On marche un peu ?

Je rangeai mon cahier, acquiesçant avant d'entreprendre une marche à ses côtés. J'avais des questions... et c'était plus facile, plus rapide aussi, de les poser à l'écrit, ce que je fis donc.

"Pourquoi est-ce si important pour vous que je parle... ?" écrivis-je en relevant les yeux vers lui.

— Parce que je suis sûr que tu as plein de choses à raconter, souriait le jeune homme.

Il avait raison. Je lui rendis ce sourire, profitant du calme de la campagne qui était également un vrai plaisir pour les yeux.

— Quand tu en auras envie, j'aimerais que tu me parles de toi.

C'est vrai, il ne connaissait strictement rien de moi, tout comme je ne connaissais rien de lui. J'imagine que tout cela se fera avec le temps. Après tout, j'avais toute une vie à passer à ses côtés maintenant, n'est-ce pas ?

"Parlez-moi de vous..." écrivis-je alors en lui montrant le papier.

Je voulais en apprendre plus moi aussi. Le jeune homme haussa les épaules, mains toujours dans les poches.

— Il n'y a pas grand-chose à dire. Je ne vois jamais mes parents, n'ai aucun frère et sœur. Je suis riche et seul.

Seul... Est-ce vraiment possible avec la vie qu'il mène ? Je pensais que les gens riches étaient heureux, alors... pourquoi ce n'était pas le cas sur ce visage ? Je mordillai l'intérieur de ma joue tout en jouant avec le bout du stylo sur le papier... jusqu'à écrire de nouveau.

"Plus maintenant..."

Je relevai les yeux vers lui. Puisque j'étais là... il n'était plus seul et moi non plus d'ailleurs. Un léger sourire vint éclaircir son visage avant que je ne sente une main ébouriffer mes cheveux.

— C'est vrai, oui. Tu as raison.

Peut-être que je n'étais qu'un domestique mais ça ne voulait pas dire que l'on ne pouvait pas s'entendre, n'est-ce pas ?

Nous avions marché pendant une bonne heure, parfois silencieusement, d'autres fois en discutant de choses sans importance, ça faisait du bien. Le simple fait d'un échange sain était agréable. Je fus bien triste de retourner à la maison mais je savais aussi qu'il avait des impératifs, alors une fois de retour, je le laissai à son travail et faisait le mien.

Après cette matinée ensemble, je ne l'avais pas revu avant que le soleil ne se couche. Je le croisai alors dans un couloir à l'étage.

— Darren, je dois m'absenter ce soir, ne prévois rien pour moi.

S'absenter ? J'aurais voulu le questionner mais... non. Hochant la tête, je le regardai s'éloigner rapidement dans les escaliers qui menaient au rez-de-chaussée avant qu'il ne disparût de mon champ de vision. J'entendis sa voiture démarrer et quitter la propriété. Où... allait-il ? Conclure une affaire ? Était-ce pour le travail ou tout autre chose ?

Je profitai de son absence pour visiter un peu plus en profondeur la maison et je finis par arriver dans une grande salle remplie de livres rangés dans des étagères immenses. Wow... ça en fais de la lecture. Touchant du bout des doigts plusieurs bouquins, je jetai mon dévolu sur un en particulier.

"Le garçon venu d'ailleurs"

Titre intéressant. Je décidais donc de partir entamer la lecture dans ma chambre en attendant son retour.

Un moment plus tard…

Un regard en direction de la table de chevet, il était près de trois heures du matin quand je décrochai du livre et M. Kilian n'était toujours pas rentré. Devrais-je m'inquiéter ? Fermant le livre, je me levai en me dirigeant vers la fenêtre. Où êtes-vous... ? Faisant les cent pas dans la pièce en m'imaginant les pires scénarios, un bruit de moteur m'immobilisa.

Accourant de nouveau vers la fenêtre, j'aperçus une voiture entrer dans la propriété mais... ce n'était pas la sienne. Un homme en sortit, faisant le tour pour venir ouvrir du côté passager. Ce fut à ce moment que j'aperçus M. Kilian et ce que je voyais... ne me plaisait pas.

Quittant la chambre en dévalant les escaliers, je rejoignis l'entrée où M. Kilian était soutenu par cet autre homme. Je lui venais immédiatement en aide tout en récupérant mon cahier rapidement pour y écrire comme je le pouvais.

"Que s'est-il passé ? Il est blessé ?!"

C'était tout de suite ce qui me traversait l'esprit.

— Il va bien... mais il a abusé de la bouteille, soupira l'homme d'un air blasé.

M. Kilian... avait trop bu ? Avec l'aide de cet inconnu, je le fis s’asseoir dans un des fauteuils du salon. Je n'en revenais pas. Il était parti se soûler ?

— Je ne peux pas rester, je suis obligé de partir, ça va aller ?

Que... quoi ? Non, mais restez ! Je n'avais même pas eu le temps de lui répondre que ce type avait pris la fuite en me laissant seul avec M. Kilian, qui penchait dans son fauteuil. Qu'étais-je censé faire maintenant ? J’Attrapais mon cahier et, ne sachant pas s'il serait capable de lire, je tentai quand même le coup en le poussant au niveau de l'épaule mais sa main repoussa lourdement le cahier.

— C'est bon... je vais bien...

Oui, super bien même, hein ? Je secouai la tête, replaçant le cahier devant son visage en insistant cette fois.

"Pourquoi vous êtes-vous mis dans cet état ?"

C'est vrai, tout allait bien et puis voilà que je le retrouvais ainsi. Que s'était-il passé ? Sa main se posa contre mon torse, me repoussant de nouveau.

— Oh ça va... ! Je ne suis plus un gamin, j'ai trente ans je te signale !

Super, j'en apprenais un peu plus sur lui mais pas dans les conditions que je voudrais. Secouant la tête, je compris qu'il était impossible de discuter avec lui ce soir alors mieux valait le mettre au lit, ce que je tentai de faire en le sortant de son siège.

— Je pense que... je vais vomir...

Non ! Son visage avait changé de couleur. Alerte rouge ! Cherchant des yeux quelque chose sur la table, je ne trouvai rien d'autre qu'un vase vide que je tentai de saisir mais... dans un faux mouvement et avec le poids de son corps, je chutai au sol avec lui. Lorsque je rouvris les yeux, c'était sur son visage au-dessus du mien. Je crois qu'il en oubliait ses nausées, c'était quoi ce regard ?

— J'ai très envie de t'embrasser...

Quoi ?!

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