Retour de bâton
Je restais bouche bée face à de telles paroles tandis qu'il me regardait, avançant même son visage très lentement. Mes yeux s'écarquillèrent alors que le bout de nos nez se touchait.
— Hey !
D'un geste de panique, je lui collai mon cahier sur le visage. Un claquement se fit entendre alors que je le repoussai sur le côté, la couverture lui écrasant le visage.
— Ça… ça va… pas… ! m’exclamai-je d'une voix rauque et endormie depuis bien trop longtemps.
Mr Killian, échoué sur le côté tel un déchet, esquissait un sourire amusé.
— Tu as parlé… ! rigola-t-il.
Je réalisai alors ce que je venais de faire ; prononcer de vrais mots. Je n'avais même pas le temps de m'en réjouir, car la vision du jeune homme comateux au sol était… Mon Dieu. J'usai d'une certaine force pour le relever et l'accompagner jusqu'à sa chambre.
— Tu sais que t’es très sympa comme garçon… ?
Je poussai sa tête de la mienne afin qu'il se taise. Il disait n'importe quoi et je ne souhaitais pas qu'il regrette ses actes ou paroles en se levant demain matin. Un soupir quitta mes lèvres lorsque, enfin, en arrivant dans sa chambre, je le laissai tomber dans son lit.
C'est qu'il est lourd en plus !
Je remontai la couverture sur son corps puis, lui tournait le dos pour quitter la pièce ; je n'aurais même pas dû y pénétrer.
— Attends…
Je sentis une main saisir ma manche. Mon corps se retourna vers l'homme allongé dans son lit, les yeux à peine ouverts. Pourquoi se mettait-il dans un tel état ? J'avais encore du mal à comprendre.
— Je le pensais, tu sais…
Mes sourcils se froncèrent de nouveau à l'entente de ses mots. Il le pensait… ? Il fallut quelques secondes avant que l'information ne me parvienne, et lorsque ce fut le cas, mon visage s’empourpra. Je secouai la tête, lui collant mon cahier ouvert sur le visage.
"Dormez… !"
Et surtout arrêtez de dire n'importe quoi ! Il repoussa mon cahier d'un geste totalement ivre avant que je ne me recule. Un rire franchit ses lèvres, puis je crus entendre quelques mots incompréhensibles sortir de sa bouche avant que je ne quitte la chambre, non sans un dernier regard vers lui. Je n'en revenais pas que cette soirée ait pris une telle tournure…
Le lendemain matin.
Je n'avais que très peu dormi avec les événements de la veille, quatre heures tout au plus, mais peu importe. En arrivant dans le salon, je fus étonné de trouver Mr Killian déjà debout devant un café. Nerveusement et pour des raisons évidentes, je le rejoignis tout de même.
— Bonjour.
Bonjour… ? Je le saluai en me penchant en avant en guise de réponse, tout en inspectant discrètement les traits de son visage. Il ne semblait pas des plus frais ce matin. La sonnette de la porte d'entrée nous sortit de notre réveil difficile. Qui pouvait bien venir de si bonne heure ?
— Tu peux aller voir ?
Moi ? En posant les yeux sur lui, je compris très vite pourquoi. Ses doigts venaient masser ses tempes alors qu'il semblait souffrir de maux de tête assez violents. La faute à qui, on se le demande ! Je compris donc qu'il ne souhaitait pas vraiment discuter ce matin et décidais d'obéir. Je me dirigeai vers l'entrée, cahier en main, afin de me faire comprendre si jamais je devais avoir une discussion avec la personne se trouvant derrière la porte. Lorsque je l'ouvris, je tombai nez à nez avec… mon pires cauchemar. Mon cahier me glissa des mains et le cœur battant, je reculais de quelques pas.
— Darren. Quel plaisir de te revoir.
Mr Old. Pourquoi… Comment… ? Son pied écrasa volontairement le cahier que j'avais laissé tomber, alors qu'un échange de regards se produisait entre nous. Il avait toujours ce même regard malsain, tandis que dans les miens se lisait de manière évidente la peur. J'aurais voulu fuir… mais j'en étais incapable, même s'il ne pouvait plus m'atteindre aujourd'hui, je le craignais toujours autant.
— Darren, qui est-ce ?
J'entendais la voix de Mr Killian me parvenir du salon, mais aucun mot ne sortait de ma bouche, tandis que l'homme face à moi esquissait un sourire mauvais. N'ayant pas de réponse de ma part, une chaise bougea et les pas du propriétaire des lieux s'approchèrent de nous. En apercevant Mr Old face à moi, il s'arrêta.
— Vous… ? Que faites-vous là ? demandait le jeune homme d'une voix plutôt froide.
— Oh, vous le savez très bien, Mr Olson.
Mon regard passait de l'un à l'autre. Mr Killian s'avança lentement pour se placer à mes côtés.
— Darren, tu peux y aller.
Je… Bien… Si c'était ce qu'il voulait et que ça m'évitait de me retrouver face à Mr Old, je ne pouvais pas refuser.
— Non, je crois plutôt qu'il va rester, répondit presque du tac au tac l'homme se trouvant devant la porte.
Fronçant les sourcils, je n'étais pas sûr de comprendre ce qui se passait entre les deux hommes. Mon regard, rempli de doutes, se posa sur Mr Killian et je perçus alors un tic nerveux au niveau de sa jambe.
— Écoutez, je vais vous payer, laissez-moi juste quelques jours.
Quoi… ? Payer quoi ? Qu'est ce qu'il se passe ?
— Vous vous êtes bien moqué de moi, n'est ce pas ? Je ne bougerais pas d'ici tant que je n'aurais pas eu ces deux millions, en liquide.
Mes lèvres s'entrouvrirent de stupeur. Qu'est-ce que… ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Il n'avait pas réglé ce qu'il devait à Mr Old ? Il aurait dû le faire il y a plusieurs jours déjà ! Ses mains se placèrent dans son dos tandis qu'il jouait nerveusement avec ses doigts.
— Je… Je ne les ai pas, pour le moment. Écoutez, je vais trouver une…
— Alors notre marché n'est plus valable, le coupa Mr. Old en faisant un pas dans la maison.
J'avais l'impression que le sol allait se dérober sous mes pieds. Comment ça… Il n'a pas cet argent ?! C'est impossible, voyons ! Cela voulait dire que… ? Non… Je comprenais soudainement les paroles de Mr Killian quelques jours auparavant quand il m'avait dit qu'il… n'était pas mon maître.
— J'imagine que vous ne verrez aucun inconvénient à ce que je récupère ce qui m'appartient.
La rapidité avec laquelle la main de mon bourreau saisit mon poignet était impressionnante. Non ! Non, je ne veux pas ! Secouant le bras, je tentai de me défaire de son emprise, si forte. Mes pieds essayaient de rester ancrés dans le sol alors qu'il me tirait avec lui. Faites quelque chose ! Je ne veux pas retourner là-bas !
— Laissez le ! Vous n'avez aucun droit de faire ce que vous faites !
La main de Mr Killian venait de saisir le bras de Mr Old afin de l'arrêter dans ses intentions.
— Vous voulez voir ? menaça-t-il soudainement Mr Killian d'un regard à en faire pâlir plus d'un.
C'était sûrement pour cela que… sa main finit par lâcher le bras de Mr Old.
Quoi… ? Non ! Aidez-moi !
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