Dans cette cave où Mr. Old m'avait laissé, je fus étonné mais surtout soulagé qu'il ne s'en soit pas pris à moi physiquement, comme à son habitude. Lorsque cet homme était en colère, il valait mieux ne pas se trouver sur son chemin. Alors, durant ces quelques heures de répit où je pouvais me retrouver seul avec moi-même, énormément de choses tournaient en rond dans mon esprit. Que faisait Mr. Killian ? Est-ce que les quelques jours que nous avions passés ensemble comptaient pour lui ? Parce que pour moi, ils avaient de l'importance. Il avait donné de lui-même pour que je me sente bien, essayant même de me faire parler de nouveau. Je n'aurais pas cru que quelques jours pouvaient suffire pour éprouver une certaine affection envers quelqu'un.

Mes pensées furent interrompues par l'ouverture de la porte de la cave, laissant apparaître Mr. Old. Je me redressai, le suivant du regard tandis qu'il marchait silencieusement dans la pièce. Que cherchait-il ? Je refermai les pans de ma veste contre mon torse, nerveux.

— C'est quoi cet accoutrement ? Regarde-toi, c'est pathétique.

Quoi ? Je posai les yeux sur mes vêtements. Non, ils sont très bien. Ils appartiennent à Mr. Killian. Il essayait de me blesser avec ses paroles, et je savais que je ne devais pas le laisser m'atteindre. En fronçant les sourcils, je relevai le regard vers lui. Je ne l'avais jamais regardé ainsi ; cela ne passa évidemment pas inaperçu.

— Hm ?

Une certaine surprise se lisait sur son visage. Il s'attendait sûrement à ce que je baisse les yeux, ce que je ne fis pas. Cet homme est un monstre, véritablement. Un sourire finit par changer l'expression de son visage, avant qu'un rire ne le transforme totalement.

— Alors c'est comme ça ? Quelques jours avec cet imposteur et le petit Darren a gagné en courage ?

La main qui s'abattit avec violence sur mon visage me fit reculer de quelques pas. Je... Imposteur ? Pourquoi dit-il cela ? Ça n'a aucun sens... Il ne le connaît pas ! Il est vrai que je n'en savais pas beaucoup plus concernant Mr. Killian, mais je refusais d'entendre cela.

— Vous...

Un son tenta de s'échapper de ma gorge alors que je relevai les yeux vers lui.

— Vous ne lui arrivez pas à la cheville...

L'expression sur son visage à cet instant méritait une photo souvenir. Il fut surpris de m'entendre parler clairement après quatorze années entières sans que je prononce un mot.

— Waouh, mais c'est qu'il parle maintenant ? Alors allons-y, discutons.

Il croisa les bras contre son torse, ignorant les paroles plus que déplacées que j'avais eues à son égard. Il n'arrivait pas à la cheville de Mr. Killian, je le savais. Même si ce dernier avait usé d'une certaine violence envers moi une fois, il avait su se remettre en question et s'excuser. Cela montrait son côté humain, chose que Mr. Old n'avait pas.

— Tu te plaisais là-bas ? Tu as envie d'y retourner ? Mais vas-y, je t'en prie !

Quoi ? Son bras s'ouvrit vers la porte de la cave alors que je ne bougeais pas de ma place. Il y avait un piège et je le savais. Je ne comprenais pas... Fronçant les sourcils, je voyais ce sourire sur ses lèvres. Ce type est tellement sûr de lui.

— Laisse-moi te dire une chose, pour que ça soit clair dans ta petite tête. Ce type est un charlatan, il est fauché comme les blés !

Comment ça, fauché ? Impossible. J'ai vu ce qu'il avait, toutes ces choses qui valent une fortune. Il ment. Je secouai la tête, refusant de croire à ses paroles. Je savais très bien ce qu'il essayait de faire.

— Tu ne me prends pas au sérieux ? Alors, pourquoi penses-tu qu'il t'ait laissé partir ?

Je...

— Les menaces, ça fonctionne très bien. Il a compris que je connaissais sa situation ; en plus d'être fauché, il est lâche !

J'essayais de me refaire la scène de ce matin... Il avait essayé de me défendre, mais soudainement... Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que Mr. Old avait pu trouver quelque chose pour faire pression sur le jeune homme ?

— Je... je ne vous crois pas...

Je refusais de le croire, car il fallait bien qu'il me reste quelque chose en quoi avoir foi ! Si je n'avais plus rien, plus d'espoir, alors... c'en serait fini de moi. Un soupir d'impatience quitta les lèvres du cinquantenaire.

— Tu sais quoi ? J'en ai strictement rien à foutre. Retire-moi ces fringues.

Quoi ? Non, ils sont à Mr. Killian ! Je les aime bien, ça me fait me sentir... différent ! Je refuse. J'en secouai la tête ; c'était la première fois que je désobéissais à un de ses ordres. Je voyais qu'il perdait son calme ; tout sur lui le montrait, commençant par ses poings qui se serraient.

— Très bien.

Ses pas s'avancèrent vers moi jusqu’à ce qu'il se retrouve bien trop près. Mon corps tremblait. Quinze ans de souffrance, ça ne s'effaçait pas ainsi. Pourquoi ne bougeait-il pas ? Les secondes étaient bien trop longues, faisant monter une pression infernale en moi.

— Je n'aime pas ton regard. N'inverse pas les rôles, ici, c'est moi qui commande.

Sa main me poussa fortement au niveau du torse, me faisant reculer contre le mur. Il se sentait puissant parce qu'il savait que jamais je ne rétorquerais ; j'en étais incapable. À partir de là, je ne pouvais que sentir la douleur parcourir l'entièreté de mon corps. Il se défoulait sur moi avec ses poings, jusqu'à ce que j’en tombe au sol. De là, ce furent ses pieds que je sentis. Mon ventre se contractait tellement que je crus en vomir.

— C'est bon ? Ça rentre bien dans ta petite tête ?!

Sa main saisit l'arrière de mon crâne, me collant le visage contre le sol poussiéreux de la cave.

— C'est là qu'est ta place !

Je fermai les yeux, ne résistant pas car je savais que si je le faisais, ça serait encore pire. Une fois ses nerfs redescendus, il me regarda de toute sa hauteur, moi qui étais allongé sur le sol.

— Ne t'avise jamais de me désobéir de nouveau, Darren.

Il me cracha dessus avant de s'en aller en claquant la porte. Plié en deux sur le flanc, je tentais de reprendre ma respiration, mais les sanglots qui s'y mêlaient rendaient la tâche difficile.