Combattre ses craintes

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La décision prise par Killian aujourd'hui n'était pas anodine. Il savait très bien ce qu'il faisait, mais ce qu'il ignorait, c'était comment allaient réagir ses parents en le voyant devant chez eux après plus de dix années d'absence. Voilà pourquoi Virginie avait eu quelques doutes pour contacter ces derniers. D'autant qu'ils n'habitaient pas à côté, Killian avait dû entreprendre près de quatre heures de route pour les rejoindre.

Le trajet avait paru interminable lorsque le jeune homme sortit enfin de sa voiture et se retrouva face à la maison familiale, l'endroit où il avait grandi. Ça lui fit étrange de se retrouver là de nouveau, lui qui n'y avait plus mis les pieds depuis plus de dix ans. Cependant, aujourd'hui il avait une raison de revenir et de surmonter sa crainte, de faire face à ses parents. Ces derniers, qui avaient reçu l'appel de Virginie, n'étaient pas surpris de le voir ; cela se voyait lorsqu'ils ouvrirent la porte.

— Tu aurais peut-être pu prendre la peine de téléphoner toi-même, Killian.

Son père croisa les bras sur son torse en regardant le jeune homme qui se trouvait en bas des petites marches menant à l'entrée. Killian prit une profonde inspiration pour se donner du courage. Il savait que cette entrevue avec ses parents ne serait pas facile.

— Bonjour, père. Est-ce que je peux entrer ? souffla-t-il en levant les yeux vers ce dernier.

Il savait pertinemment que repartir chez lui bredouille n'était en aucun cas une option, pas tant qu'il n'aurait pas trouvé une solution pour ramener son ami auprès de lui. Un simple geste de son père suffit pour l'inviter à entrer dans la grande demeure, qui n'avait strictement pas changé ces dernières années. Tout était à la même place : chaque bibelot, chaque cadre, chaque peinture aux murs.

— Killian... c'est bon de te revoir...

L'étreinte que lui offrit sa mère n'était pas hésitante. Elle le prit dans ses bras avec force, profitant de la présence bien trop rare de son fils. Une mère restait une mère, peu importe les conflits familiaux. Déposant une main sur l'épaule de sa maman, le jeune homme esquissa un léger sourire.

— Moi aussi, je suis content de te voir, répondit-il tandis que son père, silencieux, se dirigeait vers le salon.

La femme l'invita à s'asseoir à table, autour de laquelle ils mangeaient en famille, il y a bien longtemps.

— Quel bon vent t'amène, Killian ?

Son père prit la parole, s'asseyant de manière déjà renfermée. Cela se voyait sur son corps, il était fermé à toute discussion, sans même savoir quel serait le sujet abordé. Un regard de Mme Olson envers son mari tenta de détendre l'atmosphère, sans succès. Les mains du jeune homme se posèrent nerveusement sur la table. Il jouait avec ses doigts en posant les yeux sur sa mère, pensant qu'il serait peut-être plus facile de commencer avec elle.

— Je... je sais que ça fait très longtemps que l'on ne s'est pas vus et...

— Ça, on peut le dire ! Dix ans et trente-deux jours très exactement, coupa alors son père d'une voix tranchante.

Killian se racla la gorge, conscient de la situation et de la colère de son père. Mais chaque minute passée à tergiverser était une minute de perdue pour son ami, prisonnier de Mr Old. Une main nerveuse traversa ses cheveux tandis qu'il posait les yeux sur son père.

— Je suis conscient de ta colère... mais si je suis là, c'est parce que j'ai besoin d'aide.

Il connaissait l'enjeu : aider son ami.

— Que t'arrive-t-il ? demanda alors sa mère, préférant ne pas laisser son mari répondre.

— Je... c'est compliqué. J’ai besoin de... Deux millions.

Il savait que cette somme n'était pas négligeable et que c'était de sa faute s'il en avait besoin. Il avait proposé ce prix à Mr Old sans même avoir cet argent en poche. Les yeux de ses parents devinrent aussi ronds que des billes.

— Ah ! Je crois que tu rêves, fiston. On t'a déjà bien assez donné, pour quel résultat ?

Son père se leva de table, en ayant sûrement bien assez entendu pour aujourd'hui. Killian savait à quoi cela ressemblait : disparaître pendant dix ans et revenir tout à coup pour demander de l'argent. Il se détestait de devoir le faire, mais aujourd'hui, c'était différent ; cet argent, il ne le voulait pas pour lui. Se levant à son tour, il attrapa le bras de son père.

— Écoute-moi ! J'en ai vraiment besoin ! Ça n'a rien à voir avec ce que j'ai déjà pu te demander ! C'est pour un ami, il est en danger... ! J'ai besoin de cet argent, papa !

Son regard était désespéré parce qu'il le savait, la seule chance qu'il avait de récupérer une telle somme était avec ses parents. Ils le pouvaient, Killian le savait.

— Lâche-moi, grogna son père en repoussant le jeune homme avant de reprendre. Ce n'est jamais comme les autres fois avec toi. Tu veux que je te rafraîchisse la mémoire ?

Killian passa nerveusement ses mains dans ses cheveux, les serrant doucement entre ses doigts tandis que sa mère tentait de calmer son mari d'un geste affectueux. Échec.

— À chaque fois, c'est pareil ! Tu es incapable de te débrouiller seul ! Tu as besoin d'argent ? Trouve-toi un vrai travail et débrouille-toi tout seul, Killian !

Son père avait raison, il ne pouvait pas le nier. Pendant un moment, après avoir quitté la maison familiale, ses parents l'avaient beaucoup aidé et Killian ne s'était pas rendu compte de la chance qu'il avait ni de la valeur de l'argent qu'il recevait. Il en faisait n'importe quoi, se disant que de toute façon, ses parents paieraient toujours. Mais du jour au lendemain, c'était terminé. Plus d'héritage, plus de virement, plus rien. Ils avaient raison de le faire et Killian le savait au fond de lui.

La vie... Ce n'est pas ça. Ce n'est pas compter sur ses parents pour tout obtenir en ne craignant pas un seul instant la pauvreté. La vraie vie, ce sont les difficultés pour tout un tas de choses qu'il faut vivre afin de comprendre véritablement la misère, dans tous ses sens.

Alors voilà... c'était pourquoi aujourd'hui, il croulait sous les dettes, faisant mine d'être un homme riche alors que ce n'étaient pas ses biens, mais ceux de ses parents.

— Rentre chez toi.

La porte claqua derrière son père qui venait de quitter la maison, le laissant seul avec sa mère. Il n'y avait plus d'espoir et il le savait. Quand son père avait décidé quelque chose, c'en était fini. Son regard croisa celui de sa mère, désolée. Elle ne pouvait pas aller à l'encontre de ce que son mari disait et il le savait. Même si elle avait voulu aider son fils, c'était impossible.

— Ce garçon ne mérite pas ce qui lui arrive... Et je ne peux rien faire… murmura-t-il plus à lui-même qu'à sa mère.

C'était une réelle constatation : il ne pouvait rien faire. Rapidement, il se dirigea vers la sortie en comprenant que rester ici était inutile.

— Kilian, attends... !

La tristesse de sa mère, il lui était impossible de ne pas l'entendre dans le ton de sa voix. Mais à quoi servait-il d'attendre ? Elle ne pouvait rien faire de plus et puis, c'était trop tard, Killian était déjà sorti, regagnant sa voiture avant de quitter le terrain familial sous les yeux de la femme qui l'avait mis au monde et qui était incapable de lui venir en aide aujourd'hui.

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