Chaleur divinement maternelle

6 minutes de lecture

C'est elle qui finit alors par se taire, me regardant le plus dubitativement possible :
_Ah vraiment? Je ne devrais donc pas m'en faire?

_Aucune raison ! Dis-je souriant de toutes mes dents.

_Si ce n'est que la princesse voudrait se faire la malle sur Terre. Mais sinon, tout baigne majesté.

_Tu en es sûre ? Rajouta mère comme si elle cherchait à m'incriminer.

_Certaine ! Répondis-je.

_Mensonge ! Lança habilement ma conscience.

_Mais, tais toi ! Hurlais-je avec le mauvais volume à cette dernière.

_Qui? Moi? Dit mère un poil trop espiègle à mon goût.

_Attention princesse, tu t'enfonces... Reprit ma conscience dans sa baignoire.

_Ta gueule ! Tu veux? Lui dis-je.

_Pas de grossièreté, dans la bouche d'une princesse. C'est très vilain !

_...

_C'est surprenant la facilité que tu as à mentir toi dernièrement. Tu prends des cours? Me dit ma conscience. Je suis épatée. Tu pourrais bien devenir la déesse des menteurs et des voleurs... Conclut-elle.

_Faux ! Ces rôles sont pris. Apaté et Hermès s'en chargent déjà.

_Je sais, mais ton talent se développe crescendo. Tu pourrais aisément leur reprendre ces rôles ou ils pourraient être tes collaborateurs grecs ! Dit ma conscience.

_...

_Puis ça sonne bien ! Estrella, déesse mérésienne* des menteurs et des voleurs ! Mieux tu serais la déesse barbare des menteurs et des voleurs. Après tout, ce sont les peuples Barbares qui excellent dans les duperies. Dit ma conscience. Les mérésiens eux sont un peuple d'esprit.

L'entité, la plus détestable de moi-même, j'ai nommé "Lady, ma conscience". Dame de tous les reproches et remises en question.

Oui, les dieux ont ça aussi ! Mais, la version extrêmement plus chiante. Vous voyez le genre ? Vous croyez que vous tenez ça d'où ? N'oubliez pas... Vous êtes nos enfants.

_Enfants forts capricieux. Appuie ma conscience.

_Santé ! Dis-je saisissant un verre du vin des vignes célestes de Dionysos*.

_Pas d'alcool pour toi. Ne me regarde pas comme ça. Tu n'as pas encore l'âge. Me rappela-t-elle à l'ordre.

_...

_Rends moi ce verre gamine.

_Je te signale que j'ai 17 ans. Boudais-je.

Elle fait mine de bâiller et me lance un regard lourd de signification. En effet cela ne correspondait qu'à environ 0,017 an en durée céleste. Maintenant voyez mes 17 ans dans les yeux de mère. Vous y êtes ? Alors, vous devez sûrement voir un gros bébé de 2 mois à peine, emmitouflé dans une couverture avec sa tétine dans la bouche.
Évidemment, le temps dans le ciel et sur la terre ne s'écoule pas de la même manière.

_Tu n'aurais pas oublier une chose ? Dit soudain ma conscience.

_Je crois que non.

_Oh si...

Un claquement de doigts sec résonne dans mon esprit, suivi d'une petite décharge qui me traverse la colonne vertébrale. Mon souffle se coupe, et la douceur de ma bulle spectrale est rompue. 

Elle était culottée celle là. Oser me chasser de mon propre espace. La réalité s'impose brutalement : l'air est plus lourd, mes tempes battent, et un frisson désagréable me hérisse la peau. Je devais affronter le mensonge que j'avais raconté à mère et surtout assumer jusqu'au bout.

Pour la petite histoire, les dieux dans leur prétention sont... PARFAITS.
Le mensonge ne fait donc pas partie des attributions de la Reine des dieux.
Mais techniquement parlant, je ne suis pas encore la reine !
Je ne suis qu'une princesse. Alors je...

_Pas d'excuse. Un mensonge est un mensonge quoi qu'on en dise. Renchérit sèchement ma conscience. Et les...

_Dieux ne MENTENT pas, je sais. Conclus-je.

Dans la réalité en dehors de l'esprit d'Estrella :

_Je ne sais pas, mon petit doigt me souffle le contraire. Reprit mère souriant. Tu ne me caches vraiment rien?

Le regard perçant de Mère transperce mon assurance feinte. Mon esprit s'emballe tout d'un coup. Mentir à la Reine des Dieux... Vraiment ?!

Non, impossible. Mais si je dis la vérité, elle m'interdira à jamais de poser le pied sur Terre.

— Pas de panique. Respire. Lance ma conscience avec désinvolture.
Je sens la sueur perler sur ma nuque. Allez, Estrella, c'est maintenant ou jamais...

_Moi?Je bredouille. Mais rien du tout... Absolument rien. Un sourire forcé se colle à mes lèvres, aussi fragile qu'un éclat de lumière prêt à se briser. Rien de rien. Mais vraiment rien. J'en fais trop? Vous dites...

_Vois-tu, je connais bien ma fille. À peine t'avais-je portée dans mes entrailles que déjà je savais tout de toi.

_...

_Et t'aimais très profondément. Conclut-elle.

Sa dernière phrase m'arrache un sourire involontaire. Un instant encore, elle me regarde l'air peu convaincu. Je penche doucement ma tête sur le côté et tente la fameuse "tête d'ange", que Michaël m'avait jadis apprise. Je revois ses yeux opales pétillants de malice quand, petits, nous jouions aux grands héros. Un jour, je devais être la noble souveraine, et lui mon fidèle chevalier.

— L'astuce, c'est de pencher un peu plus la tête, les yeux ronds et la bouche en cœur. Comme ça, dit-il autrefois en exagérant la pose.
Je m'étais écroulée de rire avant de le pousser en déclarant :
— Les princesses ne font pas des têtes de crétin !
Nous avions fini par terre, pliés de rire, avant que mère ne nous attrape par les oreilles pour nous sermonner

_Rectification : "L'Archange Michaël" ! Avec le titre s'il vous plaît, souris-je en y repensant.

C'est bien comme ça qu'il me l'avait annoncé 5 ans auparavant. Fanfaronnant presque, avant d'exhiber ses grandes ailes couleur or. Les souvenirs viennent et me remplissent de nostalgie.
Nous avions grandis depuis le temps. Elle était bien loin l'époque de nos jeux. Lui, était devenu un puissant Archange accompli. Moi une... Une...

Mais, qu'est-ce que je devenais au juste ?

_Beau garçon hein!? Ce Michaël, on dirait un ange. Dit ma conscience, me balançant en mémoire, les images de ce bel archange aux grands yeux opales et ses cheveux auburn.

_HORS SUJET ! Criais-je à mon tour, avant qu'elle n'y mette plus de détails.

_Je n'ai jamais compris pourquoi vous n'étiez pas sorti ensemble tous les deux. Vous étiez si mignons.

_Ça n'a jamais été rien de plus qu'un ami !

_Un ami ambiguë... Lança-t-elle.

_Un ami tout court. Dis-je exaspérée que les gens ne cessent de m'imaginer en couple avec Michaël. À peine hier j'avais dû convaincre Orphée que je n'étais pas amoureuse de Michaël.

_Ok, d'accord... Je te crois. Pas besoin de monter sur tes grands chevaux. Sourit-elle.

Mais, il me manquait. Jadis nous étions inséparables. Jamais l'un sans l'autre. Toujours fourrés ensemble. À mettre le palais royal sans dessus dessous avec nos jeux.

Mère se mit à rire. Ce si joli son cristallin finit par remplir l'espace autour. La regarder, était un de ses spectacles beau à vous en couper le souffle. Comment pouvait-on être aussi belle? N'était-ce pas là un crime?!

Sa longue chevelure argentée fusionnait habilement avec ses traits fins et délicats de poupée. Je ne pouvais cesser de l'admirer, souhaitant être aussi renversante plus tard. Ses yeux bleus-nuit et sa peau laiteuse, presque translucide réaffirmaient son charme. Hypnotique !

Ce n'était donc, que justice qu'elle soit la seule à avoir pu faire fondre le cœur de père. "Amaterasu* avait le cœur de glace jadis. Puis vint Tsukuyomi*, et son cœur fondit un en milliers de flocons de neige. Qui à leur tour se changèrent en étoile."

C'était ainsi que Nikuko, ma nourrice, aimait raconter l'histoire d'amour de mes parents et ma naissance.

Je me tiens perchée sur mère. Enfin, je suis debout sur sa forme astrale bien connue de tous les humains. Dans le ciel, ce soir encore elle brille et illumine tout.

Mérésienne* : personne de Mérésie. (Une petite région inventée pour l'histoire)
Dionysos* : dieu Grec de la vigne et du vin.
Amaterasu, déesse (kami) japonaise du soleil, démiurge, elle est l'une des nombreuses perceptions du dieu Soleil de par le monde.
Tsukuyomi, dieux japonais de la lune. Époux de Amaterasu.

Je veillerai à vous faire le tableau de correspondance des durées dans le ciel et sur la terre. Certainement aussi un glossaire des mots que j'inventerai pour l'histoire.
Au début du chapitre, la déesse Lune en image d'illustration. Je remercie Yvanna Parker pour le dessin.

Annotations

Vous aimez lire Tina Rise ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0