La femme papier-bulles. Avec son tout petit corps un peu tordu, elle ressemble à une brindille couleur chair. Je n'ai jamais pu dire si elle était jeune, vieille, peut-être même les deux, tout compte fait. En fait, elle est très difficile à reconnaître, elle se fond un peu dans le décor puis, petite comme elle est, lorsqu'il y a du monde, elle devient soudainement invisible dans cette forêt de jambes. Mais il y a ce quelque chose de particulier chez elle ; elle bouge très lentement. Je pensais au début que c'était à cause de son physique de délicate branche, elle avait peur de se casser en morceaux. Puis un jour, dans le bus, je l'ai entendu : un petit plop, le même que lorsqu'on explose du papier-bulle qu'on a acheté en rouleau pour notre déménagement. J'ai un peu regardé autour , la petite femme se tortillait, gênée. Un nouveau plop un peu aigu, suivi de plusieurs. C'était elle. A chaque mouvement un peu trop brusque, ses os bougeaient, ils éclataient le papier à bulles qui les entourait et protégeait ses articulations. Elle qui avait si peur de déranger, de faire trop de bruit et de se faire remarquer, chaque petit plop de son corps était une torture. Alors elle passait sa vie au ralenti pour éviter de faire trop de bruit.