L'Êpuisêtre
Des épaules si basses, ça réduit un corps. Sans parler de ses petits yeux. Et de ses lèvres si serrées qu'elles en deviennent blanches, invisibles sur ce visage déjà très pâle. Il portait sur tout son corps le poids d'un fatigue presque ancestrale. Il a acquis au fur et à mesure des années cette faculté de vivre malgré l'épuisement, survivant à chaque heure, bougeant au ralenti, les yeux mi-clos et le cœur en veille. Il s'économise en permanence, craignant le moment où, oui, la fatigue l'emportera sans prévenir, le terrassant d'un sommeil profond. Cependant, une question restait en suspens : fuyait-il le sommeil ? Ou le sommeil jouait-il avec lui, faisant de ses nerfs une pelote inanimée le laissant dans un état éternellement entre deux ? Entre l'éveil et la somnolence, les nerfs à vif et indifférent à tout, ému d'un rien ou énervé de tout, trop las ou trop gai... L'épuisêtre, contenant sa fatigue dans la moindre cellule de son corps vit dans un monde entre les mondes, un état de flottement permanent, qu'il contrôlait ou non, qu'il voulait ou non, un monde au ralenti, un monde où tout va pourtant trop vite... Il fuit le sommeil, et le sommeil joue avec lui, les raisons sont diverses, et les théories variées, mais il est un être en équilibre. Surveillez-le, si un jour il tombe, il ne pourra peut-être pas se relever seul.
Annotations
Versions