Évidemment, il porte des lunettes. C'est bien sûr en premier lieu, et surtout, pour améliorer sa vue. Mais ce n'est pas seulement ça ; ces lunettes qu'il porte, elles sont une partie intégrante de sa personne, elles l'aident, elles l'aident à regarder ce monde tout en préservant une distance nécessaire. Il voit à travers ces lunettes comme à travers une fenêtre, il regarde ce qui l'entoure, et il peut avancer, peut-être en chancelant parfois, mais il avance, toujours, et jamais il ne s'arrête. Comme si ses lunettes en cul-de-bouteille lui donnaient la force nécessaire, peut-être grâce au recul qu'elles lui confèrent ; comme un athlète qui soulève des poids pour entretenir ses muscles. Il en a subi des choses au cours de sa vie, il a subi toutes ces choses sans jamais tomber. Il a vacillé, puis il a retrouvé l'équilibre. Et il a continué à observer le monde à travers ces deux verres épais et solides. Jamais ses deux fenêtres épaisses sur le monde n'ont laissé ses yeux le trahir, trahir les émotions qui se battaient à l'intérieur de lui, même lorsqu'il regarde droit devant, ou qu'il détourne le regard. Il est fort l'homme-lunettes. Il regarde, toujours, et il avance parce qu'il peut voir, parce qu'il sait que rien ne se finit jamais vraiment et que tout peut commencer. L'homme-lunettes trouve toujours l'équilibre, même quand il doit avancer sur ce fil mince suspendu dans le vide, c'est certainement grâce à ces deux verres lourds qui lui permettent de voir. Si vous connaissez un homme semblable, vous vous rendrez compte de la force incroyable qui émane de ses yeux parés de lunettes, comme si des milliers de prophéties permettaient au futur d'advenir malgré les péripéties de la vie.