Edward-2 (version 0.6)

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« Bon, vous pouvez ranger vos affaires, je vais vous remettre votre travail de maths. »

Aïe. Le moment fatidique que tout le monde attend, dont moi. Monsieur Gilltot sort de sa mallette un paquet de feuilles et la première de la pile, bien visible de tous, est un échec. Comme il commence par la gauche de la classe, j’en profite pour me regarder dans le reflet de la vitre. Mes cheveux verts sont désaturés et cassants. Faudra que je me refasse bientôt une teinture. Marrant ! La première fois que je me les suis colorés, j’étais en panique totale. Aujourd’hui, je ne pourrais faire sans.

En fait, j’avais peur des réactions des autres. Et si cela ne plaisait pas à la direction de l’école ? Et si on me demandait de me raser la tête ?

Puis un jour, Lalye est arrivée en bleu, je crois (elle change d’apparence comme elle change de vêtements) et j’ai été impressionné par son audace. J’aurais imaginé qu’elle serait renvoyée, ou au moins se retrouverait devant le conseiller pédagogique. Mais non ! Personne ne lui fit de remarque, que du contraire !

« Fais-le demain », qu’elle m’avait suggéré lorsque je lui demandai pourquoi.

« Tiens, je te note les produits que j’utilise. Puis comme cela on sera deux dans l’école. Par contre, ne choisis pas le bleu… faut te différencier un peu. »

Bien sûr, la liste des produits coûtait extrêmement cher, c’est Lalye après tout, mais en rentrant chez moi, je me décidai. Moi, cela serait le vert.

Le lendemain, toute la classe me regardait avec curiosité, jusqu’à ce que Lalye me saute dans les bras pour me féliciter d’avoir franchi le pas, et tout le monde l’a accepté. Bizarre que mon coming-out fut plus simple à annoncer que ma teinture de cheveux. L’époque, je suppose.

« Tiens Ed, ta copie. Félicitations. »

Je sors de mon apnée, pensif, et prends ma feuille de résultat : seize sur vingt, pas mal. Mon sujet était sur les suites mathématiques (suite de Syracuse, suite de Fibonnaci, etc.) et surtout leurs représentations. J’ai pour cela installé un programme (nommé « R ») et refais nombre de graphes. Il semblerait que cela ait plu au jeune prof qu’est monsieur Gilltot.

« Ouiiiii »

Tiens ! Aline a réussi aussi. Je regarde un peu autour de moi et il semblerait que la majorité des gens de la classe ont réussi : Fred, Aline, moi, Haha. Pour les loosers, ce sont aussi toujours les mêmes : Max, Mathilde… Par contre, je suis étonné pour Sean, c’est pas un bon élève, mais ce n’est pas un mauvais non plus. En plus, je sais qu’il tenait à avoir la moyenne. C’est fou le nombre de questions qu’il m’avait posées ; dommage qu’il ait eu un problème avec son ordinateur et qu’il ait tout perdu. Honnêtement, cela me fait un peu de peine.

À la fin du cours, nous sortons tous retrouver nos parents, nos bus et autres moyens pour rentrer chez soi. Je range mes affaires et prends la tangente par les bois en pensant à ce que je voudrais faire ce soir. J’irai bien fragger toute la nuit… J’ai en plus une revanche à prendre.

Sean me rejoint, ce qui me surprend, j’imaginais qu’il irait discuter avec Haha du voyage.

« Pas Haha aujourd’hui ?

— Non… Mais on n’est pas toujours ensemble, tu sais.

— Mmm… OK. »

Silence.

« Ça a été, le travail de maths ? lui demandé-je alors que je connais la réponse.

— Non. J’ai raté à cause de cette application que je n’ai jamais réussi à installer. J’ai rien su rendre.

— Ouais, je sais. T’aurais dû me demander, j’aurais pu aider.

— Je sais. Tant pis. »

Silence.

« Tu sais, je te l’ai jamais demandé mais… pourquoi tu veux partir avec Haha ? La photo t’intéresse pas, à ce que je sache. Sans dire qu’il y a des jours où on se demande si vous êtes ensemble.

— Mais on est ensemble.

— Je le sais mais… je vous ai jamais vu vous embrasser par exemple, ou même vous tenir la main.

— Ah ça, c’est clair qu’on n’est pas Mathilde et Max. Heureusement, d’ailleurs.

— OK, mais y a un juste milieu. »

Silence.

Je le vois prendre sa respiration. Je me demande si je ne suis pas allé trop loin. Après tout, cela ne me regarde pas…

« Je veux justement partir avec elle… pour… pour… ben pour voir si on est bien ensemble. C’est notre dernière année avant les études supérieures et… je ne sais pas siiii…

— D’accord, mais y a d’autres moyens de savoir que de partir avec elle en Grèce pendant plusieurs semaines ? Vous pouvez discuter.

— Oui mais Haha, elle est… enfin tu vois.

— Bizarre ?

— Oui.

— OK. »

Silence.

« Pfff, fais chier ce travail, et cela me fait encore plus chier de devoir être présent en août simplement pour présenter un bête examen. Heureusement que j’ai globalement réussi tout le reste.

— Oui et non. T’as discuté avec monsieur Gilltot ? »

Sean me regarde bizarrement.

« C’est-à-dire ?

— Comme tu as eu un problème de PC, demande-lui si tu peux compléter ton travail et le rendre en juin ou même en juillet. Comme cela, pas d’exam, seulement un travail. Je suis sûr qu’il dira oui, il l’a accepté pour un autre élève dans une autre classe qui lui aussi avait eu un problème d’ordinateur.

— Tu crois que cela marcherait ?

— J’en sais rien, mais si tu n’essaies pas, tu ne le sauras pas.

— Pas faux.

— Bon après, il te manquera toujours 1600 euros.

— Oui mais pour l’argent, j’avais un plan.

— Quoi, tes parents ?

— Non, ce sont des rats pour ça. »

Nous arrivons au bas du chemin où l’unique arrêt de bus de la rue est déjà bondé. Si nous venons ici, ce n’est pas par plaisir mais parce que notre ligne est la seule à ne pas s’arrêter au dépôt. J’avoue que cela m’emmerde, mais que peut-on y faire à part attendre que les autorités compétentes se bougent ? Ils ont promis de changer cela pour l’année prochaine… quand on ne sera plus à l’école.

Je continue.

« Dommage que tu ne puisses les prendre à Lalye.

— Mmm… »

J’escomptais une réponse franche, mais j’avais bien l’impression qu’il y avait déjà pensé.

« Tu ne vas pas les lui voler quand même ? lui dis-je en le regardant dans les yeux.

— Non, bien sûr. Mais j’avais dans l’idée qu’elle me les prête d’une façon ou d’une autre.

— Pour quelle raison ferait-elle cela ?

— C’est pas la question.

— Tu devras lui rembourser.

— Pas obligatoirement, on se voit plus l’année prochaine.

— Cela s’appelle du vol.

— Pas pour Lalye, elle est tellement pétée de tunes qu’elle pensera avoir perdu un billet. »

C’est vrai que Lalye est très riche, ou plutôt fille de très riches, mais n’empêche.

BRRRR.

Un bus nous dépasse, nous rappelant que nous avions pris un peu de retard pour sortir de la classe et descendre. Heureusement pour moi, c’est celui de Sean et ce faisant, son expression passe de la joie à la décontenance. Il s’empresse de me dire au revoir et court vers le véhicule, me laissant seul sur le trottoir.

Il est bizarre ce gars, à se chercher, mais je l’aime bien. C’est clair qu’il a ses bons et ses mauvais côtés (en particulier faire chier Aline, qui en fait est une chouette fille),  mais quand on connait l’éducation étrange de ses parents, il s’en sort plutôt bien.

Le weekend arriva assez vite sans que je puisse comprendre quoi que ce soit aux combines de Sean. Surtout qu’il a eu des hauts et des bas, et même si c’est dans son caractère, cela ne facilite pas la conversation. Pour savoir dans quel état il est, il suffit de l’observer sur le temps de midi. S’il mange avec Haha, c’est bon signe. Mardi, il était enjoué, mercredi morose, jeudi et vendredi neutre. Ces changements d’humeur m’ont toujours fait imaginer qu’il avait un frère jumeau caché avec qui ils se répartissaient les cours d’école.

Quand le long weekend de trois jours arrive enfin, je le passe à swapper les beaux mecs sur une application de rencontre gay, quand ce n’est carrément pas me branler en regardant certaines photos. Y a jamais rien à faire lorsqu’on est seul et dimanche soir, je vais voir un matching du nom de Jacob qui m’a invité dans un resto du centre-ville gay-friendly. On ment tous, on est d’accord, car si on mettait nos vraies descriptions, jamais nous ne nous rencontrerions, cela fait partie du jeu. Donc quand je vais à un rendez-vous, je m’attends à quelque chose d’un peu différent.

Jacob est à l’école professionnelle de l’autre côté de la gare, et a décidé faire l’école buissonnière demain. Il est grand, a une mèche dans les cheveux et porte des lunettes. Il est branché voiture et se voit mécano plus tard.

Sur son profil, tout cela n’y était pas. Beaucoup d’élèves de cette école ont honte d’y être et je ne comprends pas pourquoi. Par dessous tout, sa photo date un peu. Il a pris du muscle depuis, ce qui me fait dire qu’il a probablement plus de choses en commun avec Max qu’avec moi.

J’hésite à interrompre la rencontre. Il n’est pas mon type, mais d’un autre côté, je n’ai rien de prévu aujourd’hui et demain.

Pour finir, nous sortons ensemble au Mimbania-club, et après il me ramène chez lui.

Lorsque je rouvre les yeux le lendemain, le soleil m’indique qu’il est à peu près 11 heures. J’essaie de me barrer de chez Jacob sans qu’il me voie, mais c’est peine perdue. Je n’ai jamais été très discret. Je lui prétexte une excuse bidon et lui écris mon numéro de GSM sur un bout de papier, espérant qu’il ne m’appelle pas. Enfin, je rentre chez moi en pensant au sens que je souhaite donner à mon existence. Ce serait chouette de se poser un peu, avec quelqu’un de stable. L’année passée, j’étais avec Jeffrey, un gars de 5e. Malheureusement, il a doublé et nos vies se sont séparées. Pour être exact, je me suis juste bien fait larguer parce qu’il voulait aller voir autre part. Et depuis… rien de sérieux. Dieu, qu’il est difficile de se mettre en couple en ce bas monde.

Comme tous les mardis matins, les élèves de la classe forment des groupes sporadiques dans le couloir. Au loin et appuyé contre le mur, Haha regarde son GSM, écouteurs dans les oreilles. Quant à Aline, elle se sent perdue, un peu comme un chaton apeuré car de grand matin, soit Sean se fout de sa gueule, soit elle reste près de Fred et comme ni l’un ni l’autre ne sont encore arrivés… Enfin et comme d’hab j’ai envie de dire, Mathilde et Max accaparent la discussion. Je ne comprends pas tout, mais cela parle du weekend et de ce qu’ils vont faire ; entre soirées, amis et salle de sport, les deux jet-setters en herbe planifient leur agenda ; mais chose curieuse, toutes leurs idées sont commentées par Lalye de manière négative.

J’écoute d’une oreille en regardant mes messages, espérant que Jacob ne m’appelle pas, jusqu’à ce que Sean m’interrompe en arrivant.

« Salut, me dit-il.

— Salut, lui demandai-je. Ça va ?

— Quoi ? Oui, oui. Tu pourrais m’aider ?

— Pour ?

— Regarder ce problème informatique. »

Il me montre une mallette d’ordinateur.

« J’ai envoyé un mail au prof ce weekend et il m’a demandé de venir en discuter avec lui après le cours, donc si tu pouvais regarder…

— Oui, mais je ne suis pas sûr de pouvoir t’aider ici. D’après ce que j’ai compris, t’as bousillé certains fichiers système. Faut que je regarde un peu plus en profondeur.

— Ah ? »

Sean est déçu et cela me fait de la peine. Il est tellement dans la satisfaction à court terme que casser tous ses espoirs me touche ; alors, grand cœur, je lui dis :

« Je regarderai à midi et si je ne sais rien faire ici, viens chez moi après l’école, on regardera ensemble. Dans le pire des cas, je le reformate et te le rends nickel. J’en profiterai pour te montrer le programme de maths.

— Sûr ? Cela ne te dérange pas ?

— Certain.

— Cool, merci. »

Et nous rentrons tous les deux en classe, une fois la prof de chimie arrivée. On ne verra pas Fred avant deux bonnes heures. Il prétextera que son chien a avalé ses clés… n’importe quoi.

Le reste de la journée est nul, heureusement que les cours s’enchainent assez vite. Sur le temps de midi, je regarde le PC et me dis que je me suis peut-être engagé trop rapidement ; il y aura pas mal de boulot mais bon, si cela peut aider un ami…

« Au moins, ça s’allume !

— Oui, mais rien ne se lance. »

Lalye, avant de partir manger, nous interrompt.

« Sean, des nouvelles du marrainage ?

— Quoi ? Non, pas encore. Cela prendra du temps, alors sois patiente, OK ? »

Lalye ne répond pas. En lieu et place, elle cligne des yeux bizarrement (mais c’est Lalye), se retourne et s’en va.

Je regarde Sean et… il a du mal à faire de même.

« Quoi ? me dit-il.

— Me dis pas que…

— Tu ne veux pas savoir.

— OK, lui dis-je », mais je n’en pensais pas moins.

Le cours de maths arrive et avec lui le début de la fin de la journée. Mais pour la première fois depuis le début de l’année, monsieur Gilltot, qui d’habitude rentre en classe à peine le cours de géo fini, nous offre ici un long quart d’heure académique puis entre telle une fusée, nous surprenant tous. Le temps de prendre de quoi écrire qu’il remplit le tableau d’équations sans se soucier de nous. Sean, Aline, et même Haha sont comme moi, un peu circonspects.

Après quelques instants, les formules mises au tableau me parlent. Je parcours mes anciennes notes et bingo ! Ce qu’il y a d’écrit a déjà été vu au premier semestre. Il s’agit de certains concepts culturels comme le nombre d’or ou bien l’élégance mathématique. Nous arrêtons tous de noter et le regardons, interloqués.

Monsieur Gilltot se retourne, il est étonné mais pas autant que nous qui n’avons toujours pas entendu le son de sa voix depuis le début du cours. Il prend un paquet de feuilles dans sa mallette et les distribue aux élèves, dont certains semblent avoir peur de ce Mister Hyde.

Arrivé au banc de Max et Mathilde, il a un sursaut et accélère, comme si Mathilde avait la peste. Mais je remarque qu’il a surtout peur du GSM bien placé en évidence, ouvert à l’application de l’école. Pourquoi ? Je ne sais pas. Seule chose dont je suis sûr : si Mathilde continue comme cela, son GSM va tomber.

Quand il arrive à mon bureau, il me tend une feuille… blanche, totalement. Je veux le rappeler, me disant qu’il s’agit d’une erreur, mais les autres élèves ont reçu pareil. Je n’ai pas le temps de trouver une explication cohérente que monsieur Gilltot décide sur un coup de tête que le cours est terminé. Je regarde ma montre, il reste normalement au moins un quart d’heure.

De nouveau un long silence, et de nouveau, nos regards se croisent.

Sean me fixe, incrédule, et je lui rends l’appareil. Lui qui voulait avoir une discussion avec le prof, il est obligé de s’élancer derrière l’enseignant dans le couloir, et je ne peux m’empêcher de l’imiter.

« Monsieur Gilltot, dit Sean

— Oui ?

— Vous auriez un instant ? Concernant mon mail de ce weekend. »

Il se retourne et voyant Sean le poursuivre, consent à s’arrêter. J’entends un bruit derrière moi. C’est Mathilde qui attend. Je rejoins la conversation pour mieux comprendre.

« … Vous comprenez, c’est pour cela que j’aimerais savoir s’il est possible de le rendre plus tôt que pour la seconde session. Et comme j’ai entendu que vous avez proposé cette solution à un autre élève…

— Oui, c’est vrai que tu m’avais dit que ton PC avait un problème. Écoute, pas de problème. Si tu me le rends avant la fin, de toute façon, je comptais proposer d’améliorer le travail à tous ceux qui ont raté. »

Monsieur Gilltot me jette un regard gêné. Ou alors, c’est à Mathilde qui se tient un peu plus loin derrière ? Les autres élèves sortent de la classe, en commençant par Haha qui fait un signe de la main à son mec pour lui dire au revoir.

« Euh… Viens me voir quand ton travail sera fini et… on avisera à ce moment-là. »

Sean sourit et je suis content pour lui. Nous laissons le professeur s’enfuir vers son prochain cours tandis que la cloche sonne et que le couloir se remplit des élèves des autres classes. En rentrant dans la nôtre, Sean me dit :

« Donc voilà, si tu m’aides et que je finis le travail rapidement, je pourrai aller en Grèce avec Haha.

— À condition que tu trouves mille six cents euros… à moins que tu ne les aies déjà trouvés…

— Tu m’as déjà dit que tu ne voulais pas savoir… »

Je reste impassible mais intérieurement, je veux savoir car j’ai toujours été curieux de nature. Nous rangeons nos affaires et prenons la direction du bus pour aller à ma maison.

Il est un peu plus de 17 heures 30 quand le bus nous dépose à deux pas de chez moi.

Ma rue est une rue très silencieuse où il ne se passe jamais rien. Faut dire que le clos dans lequel j’habite ne compte que trois résidences.

Tout en marchant, j’essaie de me souvenir si Sean est déjà venu ici auparavant, mais je ne pense pas. Pourtant, il n’a pas l’air impressionné par ma maison (bon, elle n’a rien d’impressionnant non plus), mais j’aurais cru que l’effet « nouveauté » changerait l’expression de son visage.

À peine passés la porte d’entrée, nous montons au salon (qui se situe au premier).

« Maman, Papa ? »

Personne.

« Il semblerait qu’on soit seuls, lui dis-je.

— Pas grave. »

Nous déposons nos affaires et allons chercher un truc à grignoter dans la cuisine. Après quelques instants, je prends le paquet de biscuits et invite Sean à me suivre dans ma chambre située un étage plus haut.

Ma « casa » est assez rectangulaire, avec un lit simple qui occupe tout le mur droit. Exceptionnellement la couette y est bien mise, mais c’est un coup de bol, disons que le karma a bien fait les choses. Mon bureau Ikea contreplaqué est près des petites fenêtres carrées donnant sur le jardin. J’ouvre les volets extérieurs pour faire entrer la lumière. Sean, qui a posé son sac dans un coin, regarde ma collection de livres de SF.

« Mmmm… Dune, La Horde, Nécromancien… T’aimes les classiques, toi ? »

Je suis très étonné. Comment connait-il tout cela ? Il n’a jamais manifesté un quelconque intérêt pour la SF, il n’a jamais montré un quelconque intérêt pour rien, en fait…

« Tu les as lus ?

— Oui, on a une bibliothèque publique à côté de chez moi. J’y passe de temps en temps.

— OK, fis-je surpris.

— Quoi, cela t’étonne ?

— Non… enfin, si, un peu. T’as jamais… enfin, je t’ai jamais vu avec un livre en main.

— Comme quoi… Bon, on regarde mon PC ? Que je ne t’embête pas toute la nuit ! »

Tu pourrais, pensais-je par humour.

Son PC a au moins 5 ans d’âge et porte un code-barres collé sur l’arrière.

« PC d’entreprise ?

— Oui, c’est l’ancien de mon père. Il l’a gardé après qu’il a été viré, il y a quelques mois.

— Aie… Et il a retrouvé quelque chose ?

— Je crois, oui.

— Tu crois ?

— C’est compliqué. »

La bête s’allume et, à nouveau, je clique un peu partout pour faire un état des lieux, en espérant que tout serait rentré dans l’ordre comme par magie. Mais c’est loin d’être le cas. Au lancement de certains programmes, un message bizarre apparait dans un pop-up, message que je n’avais jamais vu avant.

Je cherche sur internet, mais rien de probant. Et tout doucement, je me fais à l’idée qu’il va falloir tout formater, et que je vais y passer ma nuit. Mais heureusement, après avoir visité moult web sites, je découvre qu’un fichier important est manquant (une dll dans le system directory de Windows). Je démarre le téléchargement d’un patch informatique complet ainsi que la mise à jour de la bécane, espérant que cela corrige tout. Windows me dit qu’il y en a pour 30 à 40 minutes.

« Voilà, c’est parti. Tu veux encore quelque chose à boire ?

— Non, cela ira. »

J’hésite à lui parler de ce que j’ai entendu sur Lalye. Lui aurait-il volé l’argent ? Je ne pense pas, il n’est pas comme cela.

Silence dans la pièce.

J’essaie de trouver un sujet de conversation et je remarque alors sur son PC qu’il utilise un très vieux browser « Gafam-Explorer ».

« Tiens, tu utilises encore ce brol ?

— Quoi donc ?

— GE

— Euh… je sais pas.

— C’est surtout pour toi. Il n’efface rien, même pas l’historique.

— Quoi ? »

Sean se lève et je sens qu’il est intéressé. Dans un geste fluide, je navigue via les menus et son historique apparait.

Je regarde vite fait la liste : des sites de jeux, d’achats, de livres et de vêtements. Rien de bien folichon, la mienne est probablement bien pire.

Sean souffle. Il est content, mais je ne m’arrête pas là, par fierté et pouvoir.

« Mais on peut en savoir encore plus, lui dis-je, si je vais ici et que je rajoute le caractère spécial “`” à cet endroit, et que j’appuie sur Enter…

— Non non non…

— Tadam ! »

Silence.

Sean a le bras tendu vers moi, il aurait voulu m’arrêter, mais trop tard ; son historique complet est affiché, et surtout celui du mode « Privacy » qu’on appelle surtout le mode « porn » car tout le monde l’emploie uniquement pour cela, moi le premier.

Je m’attendais à voir des sites de cul plein la fenêtre mais ce que je découvre est un peu plus gênant… pour lui. La plupart des sites, je les connais… parce que je visite les mêmes quand je souhaite me branler.

Silence.

Je me retourne vers Sean, il a buggé net. Il me regarde mais ne sait quoi me dire. Et moi, je ne sais pas quoi faire.

Après quelques instants de mutisme, il se rapproche pour fermer son PC. Je pense qu’il veut s’en aller vite… ce que je ne désire pas.

Je me lève, il est surpris.

Je l’embrasse, il se contracte… mais ne me repousse pas. Mieux, il se laisse tomber au sol avec moi. Mes mains sont sous son polo, touchant sa frêle peau douce pendant que les siennes me tiennent les cheveux, un peu gênés. Je continue plus bas, arrache les boutons de son pantalon et… Son caleçon est vert, comme ma tignasse… Le bonheur.

Il n’y a ni musique, ni paroles, ni mots, juste des respirations rapides et des touchés saccadés. Si je devais résumer ces longues minutes en un mot, je dirais… fougueux.

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