C’était la première fois que je voyais ma sœur aussi excitée, joyeuse et… impatiente, elle s’était précipitée à la porte, plus vive encore que le chasseur qui ne parvient pas à la rattraper alors qu’elle l’ouvrit pour s’échapper. C’était pire qu’avec la chasse. J’étais contente comme elle que les Nomades viennent, c’était si rare qu’ils poussent jusqu’au palais ! Mon père attrapa Saorsa au vol par le bras le temps que le chasseur n’arrive pour la tirer en arrière. Voilà, il l’avait attrapé, mon père fronça les sourcils en regardant ma petite sœur qui resta sur place, trépignant en attendant qu’on lui donne l’autorisation de partir. Mais ce fut mon père qui parla :

« Qu’est-ce que cela veut dire Midelia ?

- Il y a les Nomades qui sont là, Père ! »

Ma voix avait retenti avant celle de Midelia. J’essayais de protéger ma petite-sœur qui gronda de colère en se dégageant du chasseur, mon père nous toisa avec attention avant de soupirer, les Nomades étaient les bienvenus ici, on les respectait profondément, mais mon père secoua la tête avec un certain agacement :

« Ils ne se sont même pas installés. Retournez étudier, nous irons les voir demain, si votre emplois du temps le permet, et pas avant. Ne troublez pas leur installation. Sadralbe, ramenez Midelia dans sa chambre et nettoyez-la. Elle a encore besoin de repos. »

Le chasseur ne se fit pas prier pour traîner ma sœur qui, comme à son habitude, se tortillait pour échapper à sa poigne, je ne pus rien faire, mon père me ramena fermement à ma leçon de maîtrise de fluide. Il était plus que complexe de se concentrer quand on sait que derrière les murs de pierres épais et sculptés il y avait des tentes colorées qui se dressaient, des chants et des danses que je mourais d’envie de voir. Et je savais très bien que ma sœur était dans le même état à vouloir voir et profiter. J’ignorais ce qu’il se passa, mais si Sadralbe vient trouver mon père au dîner, Saorsa ne fut pas présente. J’avouais être particulièrement inquiète pour ma petite sœur, je connaissais ce maudit chasseur de réputation et il n’y avait pas pire que lui. Il avait ramené à mon père des dizaines de corps de Lycan atrocement mutilés et mon père… l’avait payé pour le remercier d’avoir chassé ces créatures de nos terres et pourtant il avait une fille parfaitement à l’aise avec son côté Loup. Elle se désignait plus facilement sous le nom de Loup que d’humaine. Et de ce que j’avais vu, elle savait tenir son côté sauvage, elle m’avait défendu contre le sanglier ! Quand bien même elle s’était surtout empiffrée de sa chair après, mais je pouvais le comprendre après tout, c’était animal… Même si c’était pas vraiment ragoûtant.

Enfin… la nuit tout comme la journée passa à un rythme d’escargot et au matin je grimpai sur le rebord de ma fenêtre sous le soupir exaspéré de ma mère pour voir les plaines autour du château. Les tentes des Nomades étaient dressées et semblaient scintiller sous le soleil de part leurs couleurs chatoyantes, autant dire que le petit déjeuner ne fut pas des plus calmes, même mes frères étaient excités à l’idée de voir pour la première fois les Nomades, c’était un spectacle à ne pas louper après tout ! Leur maîtrise des fluides était telle qu’ils pouvaient les invoquer et ou les rendre visible à l’œil nu ! Sans parler de leur musique et leur danse venant de partout et nulle part à la fois. Le peuple des Nomades était hétéroclite : s’il était impossible d’y rentrer, ou presque, les femmes Nomades ne se gênaient pas pour avoir plusieurs compagnons dans tous les royaumes. Si bien que dans toutes les tributs, tous les royaumes se côtoyaient, peau claire à la peau aussi noire que la nuit, cheveux aussi blanc que la neige et lisse comme la soie, ou noirs comme les onyx et crépus. Et leurs tentes ou leurs habits reflétaient aussi totalement leurs origines de tous les horizons.

Saorsa s’agitait, ayant visiblement envie qu’on se dépêche, mais le chasseur lui tenait fermement le bras pour qu’elle ne s’éloigne pas ou parte en courant. Même à quelques distances on pouvait entendre de la musique, des rires, des chants. Visiblement c’était déjà la fête. Ou alors c’était l’ambiance habituelle ? Absolument aucune idée, je n’y connaissais rien…

« Ils viennent des terres de l’ouest ! Affirma Saorsa en désignant les broderies des tentes. »

Je fronçai les sourcils en regardant les motifs, oui effectivement, les formes simples de teinte moins vives, comparé aux autres motifs des tentes, mais je n’étais pas convaincue qu’ils viennent du Royaume des plaines et des vallées vertes. Ma petite sœur avait l’air convaincue, soit je n’allais pas la détromper, elle semblait vraiment heureuse de les voir, je n’allais pas lui enlever ça quand même ! Un des Nomades sortit du camp qui résonnait toujours de bruits et fronça les sourcils en nous voyant, entouré ainsi de gardes il pouvait se poser question. Est-ce qu’on avait l’air d’ennemis ? Possible… Il avait des tatouages sur les joues qui descendaient le long de sa gorge ressortant très bien sur sa peau foncée :

« Oui ? »

Il avait une voix très grave et mélodieuse, avec un accent indescriptible. Bien qu’il ne fasse pas chaud, l’hiver approchait, il portait une tunique sans manches et était pieds nus, comme-ci tout cela était parfaitement normal et que le froid n’avait pas d’emprise sur lui. Le garde fronça les sourcils :

« Voici le roi Wilkin, seigneur et maître de ce lieu !

- Ah. »

Il semblait ignorer tout cela, ou du moins n’en n’avoir que peu de chose à faire, il haussa même les épaules, attendant simplement la suite des choses. Le soldat s’agaça, mon père leva tranquillement la main pour l’empêcher de commettre une folie.

« Paix, nous voulons juste passer un peu de temps parmi les vôtres. Acceptez-vous ?

- Toute personne qui vient ici en paix et la bienvenue. Mais ne vous attendez pas à des titres. »

Mon père haussa les épaules comme-ci cela ne le dérangeait pas, l’homme se tourna vers ma petite sœur avec un sourire bienveillant au visage :

« Et toi Petite Louve ? Veux-tu venir ? »

Il avait regardé ma cadette droit dans les yeux, il savait ?! Est-ce qu’il la connaissait ? Cela serait étrange, pour toute réponse elle n’eut qu’un large sourire et débita quelque chose que je ne compris pas, l’homme rit, se pencha et la souleva dans les airs, l’arrachant à la poigne du chasseur sans brusquerie aucune :

« Tu as un drôle d’accent Petite Louve ! Mais soit ! »

J’avais comme l’impression que le chasseur avait été forcé… mais le Nomade n’avait rien fait… les fluides ? Mon père fronça les sourcils, mais suivit l’homme dans le camp sans rien trouver à dire, l’ambiance était joyeuse, comme toujours à ce qu’on racontait. Il y avait des enfants courant de droite et de gauche. C’était joyeux ! Un homme était assis à même le sol, il portait d’amples vêtements d’une belle teinte verte comme les feuilles d’un jeune arbre, ses mains étaient cachés dans ses larges manches. Contrairement aux autres qui étaient presque tous en manches courtes, il portait par-dessus un long manteau tout aussi richement brodés, mais toute sa tenue était un camaïeu de vert. Ses yeux étaient laiteux, il était totalement aveugle, il posa son regard sur Saorsa qui… s’inclina avec respect, c’était bien la toute première fois que je la voyais volontairement se courber devant quelqu’un. Qu’est-ce… ? Qui était cet homme pour qu’elle lui montre autant de respect ? Notre guide nous le désigna avec une voix emplie de fierté :

« Voici un Danseur du Vent, vous ne trouverez nulle part ailleurs un homme pouvant aussi bien danser. »

J’observai les broderies complexe de son vêtement aux amples manches. Milles et une broderie aux nuances infinies de verts sembler donner du mouvement au tissu même lorsqu’il était immobile. Il avait son attention fixée sur ma petite sœur qui sourit tout doucement, d’un minuscule geste de la main, il l’invita à s’approcher et la prit délicatement dans ses bras alors qu’elle se nichait contre lui. Elle disparue presque sous le tissu vert et le danseur émit quelques mots que nous traduit notre guide après s’être légèrement incliné :

« Il dit qu’il comprend pourquoi les vents et les fluides lui ont dit de porter du vert.

- Couleur de la forêt ? Avança ma mère.

- Non. De la souffrance et de la maladie. »

Il eut un silence gêné avant que mon père ne reprenne la parole comme-ci tout allait bien :

« Peut-il la guérir de sa malédiction ? c’était presque une affirmation dans la bouche de mon père. »

Notre guide fronça les sourcils et interrogea le danseur qui imita l’interprète qui finit par revenir par nous, son ton était légèrement agacé :

« Si vous parlez du don de Tungl, il n’est nullement une malédiction. Surtout pour une petite nordiste comme elle. Le chasseur n’est pas le bienvenu, il doit quitter le camp immédiatement. Vous devriez profiter du camp pour discuter avec d’autres Nomades et profiter des danses et chants. Les enfants sont les enfants que les vôtres jouent avec les nôtres. La petite louve va rester un peu avec notre danseur du vent, je crois qu’il n’a pas envie qu’elle parte. »

J’avais comme l’impression que le chasseur avait été forcé… mais le Nomade n’avait rien fait… les fluides ? Mon père fronça les sourcils, mais suivit l’homme dans le camp sans rien trouver à dire, l’ambiance était joyeuse, comme toujours à ce qu’on racontait. Il y avait des enfants courant de droite et de gauche. C’était joyeux ! Un homme était assis à même le sol, il portait d’amples vêtements d’une belle teinte verte comme les feuilles d’un jeune arbre, ses mains étaient cachés dans ses larges manches. Contrairement aux autres qui étaient presque tous en manches courtes, il portait par-dessus un long manteau tout aussi richement brodés, mais toute sa tenue était un camaïeu de vert. Ses yeux étaient laiteux, il était totalement aveugle, il posa son regard sur Saorsa qui… s’inclina avec respect, c’était bien la toute première fois que je la voyais volontairement se courber devant quelqu’un. Qu’est-ce… ? Qui était cet homme pour qu’elle lui montre autant de respect ? Notre guide nous le désigna avec une voix emplie de fierté :

Après un moment j’entendis une musique s’élever et tous les Nomades arrêtèrent leurs activités pour courir rejoindre le centre de leur campement et je rejoignis le mouvement. Ma sœur était assise devant le Danseur du vent qui lui passait délicatement une paire de chaussure que je n’avais jamais vu. Ma sœur souriait largement en le regardant attacher ses chaussures. L’homme se redressa et glissa ses mains dans ses longues manches avec un fin sourire aux lèvres, les musiciens étaient là en train de se préparer sérieusement, je sursautais : notre guide venait brusquement de réapparaître, le danseur lança quelque chose aux musiciens que le guide traduit :

« Ils vont jouer des mélodies du Nord. Pour la Petite Louve.

- Comment savez-vous que ma petite sœur est une louve ? »

Il m’observa avec attention et sourit sans rien révéler, mon père posa ses mains sur mes épaules et son regard fixé sur ma petite sœur qui se tenait debout au centre du camp, elle attendait les musiciens. Dès qu’ils se mirent à jouer, Saorsa se mit à virevolter sur la terre, elle dansait extrêmement bien ! Surtout que je ne l’avais jamais vu danser ainsi, une danse du nord ? Elle se hissait sur la pointe de ses pieds pour tourner sur elle-même en étendant les bras, la jambe… Sa longue chevelure s’élevait autour d’elle comme une cape sombre. C’était la première fois que je me rendais compte que ma petite sœur était aussi gracieuse. La musique se finit, mais pas une seule goutte de sueur ne salissait sa peau, elle pouvait encore danser et c’est ce qu’elle fit sur un autre morceau, puis un troisième, un quatrième et un cinquième. Là, elle respirait très vite et elle était luisante d’une pellicule de sueur. Le Danseur du Vent s’approcha d’elle et ils discutèrent un peu avant qu’elle ne quitte le centre et qu’il ne prenne sa place. Elle s’assit à même le sol et je viens la recouvrir de ma cape pour qu’elle n’attrape pas froid avant de m’installer près d’elle. Je compris pourquoi il fallait s’asseoir pour le regarder danser. L’homme était d’une souplesse et d’une agilité incroyable. Il virevoltait avec grâce, vivacité et précision, le moindre de ses mouvements était d’une grâce divine, ses habits amples l’accompagnaient dans chacun de ses gestes le rendant presque irréel, il était même enveloppé d’une aura presque dorée qui s’étendait autour de lui en mince filament. Les fluides. Il dansait avec les Fluides. Je crois que je me souviendrais de ce spectacle toute ma vie.