Chapitre 12 - Sadralbe

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Je devenais fou avec cette petite créature ! Et surtout avec le roi, il faisait tout ce qu’il ne fallait pas avec ce petit monstre. Les Nomades n’avaient pas été une bonne idée, non ! Ils étaient peut-être puissants ou je ne sais quoi, mais cette bête devait se taire et rester enfermée, mais non ! Le roi préférait l’exhiber aux yeux des Nomades. Peut-être que ces vagabonds ne diraient rien, mais rien n’était moins sûr. Il était trop doux à vouloir se faire aimer de son monstre. Il n’y avait que la violence qu’ils comprenaient, j’étais bien placé pour le savoir. La domination par la force était le seul moyen de la plier, quitte à la briser un peu, l’important était qu’elle obéisse ! Je m’assurais qu’elle soit sous la surveillance de trois gardes alors qu’elle étudiait l’histoire avec sa sœur avant de quitter la pièce. Le roi voulait me voir, soit, je n’avais pas à lui demander de me convoquer plus tard, il convoquait : j’obéissais. Mais une seule visite avec les Nomades avait suffi à détruire ce qu’en plus de deux mois j’avais entrepris de lui inculquer avant la chasse royale. Loin qu’elle fût dressée ! Mais elle semblait toujours plus docile qu’avant ! Arrêtant de montrer les crocs à tout bout de champ et évitant même sa langue de barbare, mais une journée avec les nomades et elle parlait à nouveau sa maudite langue de sauvage du nord, se moquait ouvertement de moi et de tout le monde. Enfin cela dit j’apprenais de plus en plus de vocabulaire bien que je sois sûr qu’elle n’utilisait pas qu’un de ces maudits dialectes.


Le valet de pied m’annonça et j’attendis que le roi ait le temps de me recevoir, ce qu’il fit après une quarantaine de minutes à me faire patienter dans cette antichambre que je commençai à connaître avec les portraits de ses ancêtres. Le roi était le roi, il avait juste des obligations sur un territoire immense, tous les jours des messagers des quatre coins du royaume venaient lui porter messages et information. Parfois des messagers venaient des trois autres royaumes et même au-delà, venant des îles ou d’explorateurs des mers. Je m’inclinai profondément devant le puissant monarque, lorsque j’entrai dans le bureau, bien que je n’y connaisse rien dans la gestion de royaume. Nan, moi mon truc c’était la gestion de Monstres. Chacun son truc. Wilkin me fit signe de m’asseoir, j’obéis avec lenteur en soutenant son regard. Il posa sa plume d’un geste vif et me sonda avec attention d’un coup d’œil avant de prendre la parole :


« Alors ? Comment se passent ces premiers mois ?

- En dehors de la fuite ? Relativement mal. J’avais obtenu une certaine obéissance pendant les quelque temps où je l’avais enfermé dans sa chambre. Beaucoup moins d’utilisation de sa langue du nord. Et une journée avec les nomades elle est plus insolente que jamais, j’ai laissé trois gardes avec elle et je ne suis pas sûr que ça suffise à la maintenir calme et concentrée sur ce qu’elle fait. C’est clairement une mauvaise idée de la laisser sortir.

- De sa chambre ou du palais ?

- Les deux. »


Le roi se massa la barbe un instant avant de secouer légèrement la tête. Il ne pouvait accepter qu’on fasse du mal à cette abomination, mais je repris la parole avant lui, l’empêchant de le contredire dans mes idées, mais surtout mon expérience :


« Majesté, je me doute que vous voulez que cette petite vous aime, mais c’est une créature agressive et elle ne cherche pas l’amitié ou l’amour des êtres humains. À la rigueur avec d’autres bêtes oui, mais elle ne vous reconnaîtra jamais comme son père. Par contre, si vous montrez qui est le plus fort, qui domine, peut-être qu’elle ne vous aimera pas, mais elle vous respectera. »


L’homme se leva et se dirigea vers la fenêtre, ses mains croisées dans le dos et le regard vague sur le paysage qui s’étendait devant lui. J’imaginais qu’il ne voyait que sa fille à la place de la bête. Une enfant qui semblait chétive, dont l’épaisse chevelure semblait peser plus lourd qu’elle-même avec des yeux plus clairs encore que le ciel. Mais moi je voyais les yeux rouges luisant dans l’obscurité, des crocs, des griffes, des muscles roulant sous un cuir épais, je pouvais sentir l’odeur fétide de sa gueule caché sous cette apparence qui pouvait sembler fragile. Il fallait juste bien voir :


« Elle a sauvé Liliraele d’une mort certaine. Fit-il avec lenteur.

- Là n’est pas la question. Je ne peux pas affirmer qu’elle l’a sauvé ou qu’elle ait juste attaqué le sanglier par pur instinct, je penche pour la deuxième solution. Elle n’est capable d’amour qu’avec d’autres monstres comme elle, je ne doute pas de votre amour pour elle, mais elle ne le comprendra jamais ! »


Il fallait que j’arrive à le convaincre de céder, de me céder la main, de le laisser gérer cette petite chose immonde comme moi je l’entendais. Le roi resta immobile en silence pendant un temps qui me sembla infini.


« Vous pensez vraiment qu’elle ne pourra jamais saisir que je ne lui veux que du bien ?

- C’est un animal. Affirmais-je. Elle ne comprend que la force, je comprends que vous ayez de l’affection pour elle, mais ce n’est pas réciproque, elle cherchera à vous nuire si vous ne la brisez pas rapidement. »


Donne-moi carte blanche putain… Laisse-moi briser pour toi ce maudit animal, laisse-moi te la rendre docile comme la chienne qu’elle est. Tu me remercieras en me l’offrant comme épouse quand elle en aura l’âge. Animale peut-être, mais elle conservait le titre de princesse bâtarde et sans aucun doute avec une jolie dot à la clé. Il inspira profondément et finit par hocher la tête :


« Gardez Midelia en un seul morceau et joli. Quant au reste… vous avez carte blanche pour son éducation. Je tiens malgré tout qu’elle continue ses cours, mais ses sorties, sa manière de vivre, vous décidez. »


Je souris avant de me lever pour m’incliner profondément devant lui. J’avais enfin presque entièrement les mains libres pour m’occuper de cette petite garce. Les cours l’empêcheraient d’être stupide et de faire honte lorsque je je la sortirais de son antre.


« Il en sera fait selon vos ordres majesté. »


Enfin. Enfin j’avais les mains libres pour m’amuser et briser cette petite chienne. Je quittais vivement le bureau de sa majesté pour me diriger vers la salle de cours. Tout était calme, les deux petites étaient en train d’étudier, même si le petit monstre ne prenait jamais de note. Quoi qu’avec sa mémoire je ne m’en étonnasse pas, et pourtant avec mes punitions elle l’avait courte, la mémoire. Le garde me fit un rapide rapport en quelques mots soufflés au creux de mon oreille : visiblement elle n’avait pas bougé d’un cil, très sage aujourd’hui. Ou le cours l’intéressait ? J’y prêtais enfin attention, géographie. Tu m’étonnais qu’elle fût attentive cette saloperie, mais le roi avait demandé à ce qu’elle suive les cours avec sa sœur, j’obéissais. Je laissais les gardes pour l’instant, rédigeant une demande particulière au roi. Elle voulait savoir qui était le maître ? J’allais lui montrer qui l’était.


Je poussai la louve dans les couloirs, elle montra les dents, mais comme toujours resta silencieuse. Elle pouvait être surprise et inquiète de ce qu’il allait se passer, trois semaines, j’avais mis trois semaines à trouver ce que je voulais pour lui enfoncer dans le crâne que les abominations comme elle n’était pas les bienvenus et j’allais clairement m’assurer qu’elle s’en souvienne. J’ouvris une porte, elle entra dans la pièce en fronçant les sourcils et immédiatement, son visage se ferma : Wilkin était là, ainsi que trois gardes et un malheureux condamné à mort, pour l’instant, attaché avec des chaînes. Oui, condamné à mort. Par qui ? Moi. Pour quel motif ? Être un lycan. Enfin ça il restait à finir de le prouver, je savais personnellement reconnaître des Lycans. Wilkin se tourna vers la chose qu’il considérait comme sa fille et prit la parole d’une voix lente :


« On m’a dit que cet homme était un loup, comme toi, et il a attaqué et tué des hommes sous sa forme de loup.

- C’pas vrai m’doiselle ! J’pas fait ça ! J’ai tué personne ! J’suis pas un loup ! J’suis innocent. »


Elle serra les dents, je le vis, mais elle me dit rien. Et lui innocent ? À d’autre ! Il ne l’était pas, je le savais très bien. Enfin, s’il était innocent des crimes qu’on lui avait collés sur le dos, pas d’être un loup. Ce qui suffisait largement, à mes yeux pas à ceux du roi, de le condamner à mort. Je découvris une barre d’argent pur et la tendis à cette petite chose, Wilkin expliqua :


« Les loups ne se souviennent pas de ce qu’ils font sous leur forme lupin. S’il est un loup, il ne supportera pas de prendre l’argent à pleine main. Donne-lui Midelia. »


Elle aussi serait brûlée, elle le savait très bien, cependant je lui donnai enveloppée d’un tissu, pour ne pas éventer le secret du roi avant de lui ordonner de donner la barre à l’homme. Si elle refusait elle confirmerait qu’il était un loup et si elle lui donnait aussi. Elle était… bloquée. Pas de chance, je lui offris un large sourire plein de dents avant de la pousser vers le futur cadavre. La petite bête s’avança et tendit la barre à l’homme à qui on força la main pour qu’il la prenne. Rien ne se produisit, alors qu’il avait fermé les yeux en attendant la brûlure. Pas une étincelle de douleur, rien. Au contraire, la surprise et le soulagement s’étira sur le visage qui aurait dû vevenir un cadavre Pardon ?! Je n’avais pas pu me tromper ! Je l’avais vu ! Je l’avais vu se changer en loup ! Il saisit la barre à pleine main et la brandit devant le nez du roi et des gardes. Il n’y avait rien


Ivre de rage, je me retournai vers le roi qui me sonda du regard, indéchiffrable et il s’approcha lui-même constaté les mains de l’homme. La saloperie de petit monstre avait repris la barre enveloppée dans le tissu et l’avait reposé à sa place dans un petit coffret en bois. Je l’attrapai par l’épaule pour la tirer sans ménagement contre moi, pour qu’elle ne tente rien. Sa majesté gracia l’homme arguant une mauvaise information. Mauvaise information ?! Cette petite garce haute comme trois pommes avait fait quelque chose surtout ! J’en aurais mis ma main à coupée !


Dès que je pus je la tirais hors de la pièce, la bave presque aux lèvres. Mon regard tomba sur les paumes atrocement brûlées de la gamine. Quoi ?! Elle avait pris la brûlure de l’autre ? Alors là… je m’y attendais pas du tout. Les cloques étaient immondes et le sang commençait déjà à couler à cause de la peau craquelée. Mais un large sourire ourlait ses lèvres vers le haut alors que ses yeux étaient violets. Elle avait usé de son don d’alpha ? Comment ?


« Déçu ? »


Le coup de poing la plia en deux, crachant ses poumons, cherchant son air, alors que je lui attrapai une poignée de cheveux pour la traîner dans sa tanière. Elle roula habilement sur le sol alors que je l’y jetai. Son sang impur tâcha les joncs, je les ferais brûler et lui tiendrais la tête au-dessus des flammes ! Elle mériterait que je lui tranche la gorge pour lui faire passer son envie de se foutre de moi. J’inspirais profondément en la regardant se redresser avant de me jeter sur elle, de prendre ses cheveux à nouveaux et frapper sa tête contre le montant de son lit pour la sonner. C’était le plan, les fluides de vent me propulsèrent contre le mur avec force et je poussais un grondement de douleur, légèrement assommé. Elle n’avait pas bougé d’un pouce, mais je voyais les paumes de ses mains étaient déjà en train de cicatriser comme-ci les brûlures n’avaient jamais existé, ses yeux étaient d’un bleu limpide et parfaitement calme, et elle avait toujours son léger sourire aux lèvres, qui voulaient dire mille et une choses. Je poussai un mugissement de rage avant de me jeter sur elle.


Malgré son pouvoir, autant dire que son sang avait maculé le sol. Mais toujours aucun cri. Putain.

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