Les loups ?! J’entendais ce cri répercuter de garde en garde. Un large tambour sonna brusquement, deux coups brefs avant que toutes les personnes présentes ne frappent dans leurs mains, ou ne frappent leur bouclier, en cœur. Qu’est-ce que c’était que cette connerie ?! Les loups, ça se chassait ! Ça ne s’applaudissait pas ! Je n’eus pas le temps de plus me pencher sur cela, Midelia venait d’ouvrir la porte et de s’élancer en courant dans les couloirs. Elle se faufilait vivement alors que la drôle de cérémonie, si on pouvait dire ça ?, continuait. À l’extérieur. Personne ne semblait l’arrêter et on s’écartait même de son passage pour la laisser passer. Je la coursai et elle jaillit dans la cours. Le silence s’était fait et une troupe d’une vingtaine de personnes venaient d’arriver. Des loups. Plusieurs petits chevaux, ils étaient tous plus tôt grands et massif, cheveux longs, tatouages visibles ou non, haches, épées, lances, boucliers. Quasiment tous les hommes portaient une barbe plus ou moins longue et ils avaient des perles de métal et de bois dans les cheveux ou la barbe ainsi que des broches et ils étaient vêtus de cuirs, de lin et de fourrure.

« Père ! »

Midelia couru vers la troupe et mon regard se porta sur un homme immense, aux cheveux longs, barbu, avec une mâchoire carrée, quelques cicatrices sur le visage, la peau tannée par le soleil et la vie au grand air, et sa broche qui tenait sa fourrure sur ses épaules était dorée. Il ouvrit les bras et Midelia se jeta dans ses bras, aussitôt des guerriers empêchèrent tout autres personne d’avancer, glaives au clair, pointé sur moi. L’homme avait soulevé la louve dans ses bras, elle semblait minuscule comparé à lui. J’entendis des pas derrières moi.

« Alpha Caenar, cela faisait bien longtemps qu’on ne vous a pas vu. »

Caenar ? Fit un signe de main en lâchant Saorsa, qui resta près d’elle, et ses hommes rangèrent leur glaive. Il s’avança entre les deux gardes qu’il dépassait largement en taille. Même Aalrika était plus petite que lui.

« Reine Aalrika. »

Il avait une voix grave, très grave, et son regard était… profond, aussi bleu que celui de Saorsa. Quel âge pouvait-il bien avoir ? Aucune idée, mais il semblait plus âgé que la reine, qui devait approcher des quarante ans. Ou qui les avait dépassés. Je me tournai vers Wilkin et une grande partie de la cours qui était là. Merde… Chacun des nordiens salua avec en étrange respect Caenar, alors que les miens le regardèrent avec suspicion. Caenar reprit la parole, en langue compréhensible, en regardant tous les visages :

« Je suis venu, ici, quand on m’a informé que la délégation du sud était arrivée à destination. Et surtout, quand on m’a bien confirmé que ma fille était avec.

- Votre fille ?! Qui êtes-vous pour prétendre que Midelia est votre fille Alpha Caenar ! »

Le loup tourna le regard vers le roi et Midelia lui souffla quelque chose à l’oreille. Il grogna et écarta sa fourrure, elle posa à nouveau une main sur son bras pour lui souffler quelque chose encore. À nouveau il grogna un peu avant de reprendre la parole.

« Oncle de sang, Père de cœur. Ma sœur, Isean, était sa mère, j’ai été désigné comme son père de cœur si elle mourait. Et toi, comment peux-tu prouver que Saorsa est ta fille ? »

Il était aveugle ? Midelia lui ressemblait beaucoup, Wilkin fronça les sourcils et s’avança, un autre loup s’interposa aussitôt une main sur le pommeau de son glaive, je m’avançais également, imitant son geste, qu’il n’ose même pas tirer sa lame, Aalrika s’interposa brusquement.

« Paix. Alpha Caenar, cela fait onze ans que nous vous avons pas vu, ne faites pas couler le sang alors que vous venez de retrouver votre nièce. Roi Wilkin, Caenar est le frère d’Isean, la mère de Saorsa. C’est marqué sur leur lignée.

- Je ne viens pas retrouver uniquement ma nièce Aalrika, je viens aussi réclamer justice pour ma sœur assassinée il y a onze ans. »

L’alpha fit un signe de main et les autres loups s’écartèrent pour laisser passer un poney qui portait un… un corps enveloppé dans des tissus. Ils avaient gardé le corps ?! Midelia agrippa la main de son « oncle » qui fit signe pour qu’on le dépose au sol. D’un signe, il autorisa la gamine à s’approcher, je vis ses mains trembler quand elle défit lentement les cordes. Qu’est-ce qu’on allait voir ? Un squelette ? Non, je fis une chevelure blonde cendrée sortir du sac et la louve leva les yeux vers son oncle.

« Qu’est-ce que vous avez fait ?

- La conservation du sang. À tour de rôle pour avoir justice et vengeance quand tout cela serait fait »

Aalrika expliqua brièvement à Liliraele, ou à Wilkin, je ne savais pas vraiment :

« Il s’agit de sacrifier un an de sa vie pour conserver un corps. »

Magie impie. Je crachai par terre avant de voir Midelia finir d’ouvrir le linceul. Sa mère avait été belle, même si sa peau était très pâle, ses traits étaient très fins, très harmonieux, elle semblait faible, mince, fragile… je ne voyais que le haut de son corps. Sa pierre noire pendait autour de son cou. La louve ferma les yeux et enfouit son visage dans ses mains, à nouveau un hurlement de douleur jaillit de sa gorge, Itham s’approcha vivement d’elle pour poser deux mains sur ses épaules, et l’Autre Albinos était là aussi. Il s’agenouilla près d’elle, prenant doucement sa main dans la sienne. Aalrika s’avança et les loups la laissèrent s’approcher, je vis les larmes coulèrent doucement sur son visage alors qu’elle regardait un corps sans vie. Caenar finit par s’approcher pour défaire les derniers liens qui retenaient le tissu et je vis les blessures. Liliraele eut un mouvement de recul et les nordiens eurent des grimaces. Il fallait dire que ceux qui l’avaient tué n’avaient pas fait dans la dentelle. Le loup se tourna vers Wilkin :

« Est-ce ainsi qu’on t’a appris à tuer de par chez toi ? Massacrer un corps ?

- Je n’ai pas tué Isean.

- De tes mains non, mais tu as commandité pour la tuer et voler ma fille.

- J’en suis son père ! Prouve-le que ce n’est pas vrai ! »

Caenar eut un rire rauque et caressa sa barbe, ses yeux étincelaient de colère avant de répondre :

« Oh mais… tu es le donneur de graine, à part cela… tu n’es rien pour ma fille. Je suis celui qui la mit au monde et qui l’a élevé avec mes autres enfants. Quand bien même par le sang je ne suis que son oncle, par le cœur je suis son père. C’est tatoué sur ma lignée. »

Il écarta sa fourrure et ouvrit sa chemise révélant une série de marques et de runes sur sa peau. Aalrika s’avança pour lire et hocha la tête, confirmant ses dires. Ils avaient marqué leur ligné sur la peau ?! Cela devait être pratique pour identifier les corps. Mais cela avait totalement sujet à interprétation… C’était à peine fiable ! Mon roi dû le comprendre :

« Ce ne sont que des tatouages ! On peut mentir facilement. »

Aalrika se tourna et baissa son regard vers lui en secouant tout doucement la tête :

« Falsifier une marque et une lignée est passible de mort et c’est également une insulte à Lycanos et aux dieux et encore plus au Phénix. Alors non, personne ne s’y risquerait sous peine d’être maudit. Donc non, ces lignées sont particulièrement fiables. »

Ah oui… Ça plaisantait pas du tout. Elle ordonna quelque chose à Midelia, toujours à genoux devant le cadavre de sa mère qui eut du mal à se relever, soutenu par l’albinos et l’autre prince. La reine dénoua les cordons du haut de sa tunique, révélant sa lignée donc, des runes, je ne savais pas les lire et c’était particulièrement handicapant.

« C’est Isean qui a noté la lignée de Saorsa ?

- Oui. Répondit simplement Caenar.

- Je vois. Approchez Wilkin. »

Je suivis de près moi roi pour observer les marques avec attention. Ce n’était pas la première fois que je les voyais d’aussi près, mais c’était la première fois que j’avais une véritable explication, la reine posa son doigt un peu au-dessus du pectoral de Midelia, là où quelques runes étaient tatouées.

« Cela indique le prénom de Saorsa, ainsi que son nom de meute. Juste ici c’est le prénom de sa mère avec son surnom. »

Elle glissa son doigt plus vers la poitrine de la louve qui ne bougeait pas, le regard dans le vague. Donc plus on allait vers sa poitrine et ses pieds, plus il s’agissait de ses ancêtres et plus on s’élevait plus c’était sa famille proche et ses enfants. Et c’était sans doute pour ça que beaucoup de nordiste avait des lignées qui descendaient bas et remontaient haut. Aalrika fronça les sourcils en lisant les runes.

« Il est inscrit comme père, je cite, « De cœur » : Caenar. Mais aucune indication de père de sang. »

Il eut un instant de flottement. Le mensonge n’était pas répandu dans la culture du Nord… Wilkin serra les mâchoires, il n’avait pas l’intention de lâcher sa fille.

« Qui a autorité sur son enfant ? Chez moi, l’homme a autorité. Et ici ?

- La mère. Répliqua Aalrika en refermant la tunique de Midelia. Et elle est née en plus ici, si cela avait été sur vos terres je ne dis pas, mais Isean était nordiste, et vivait sur nos terres. Donc, nos lois s’appliquent, vous n’avez aucun droit sur Saorsa. Cependant. Caenar a lancé des accusations graves à votre encontre, enlèvement et meurtres. Sans compter les tortures que Saorsa a subit de votre fait ou de celui de votre chien. Le mariage aura lieu demain et jusqu’au procès Saorsa sera sous ma garde. »

Procès ?! On allait pas juger un roi quand même. Wilkin ouvrit la bouche et Caenar avança d’un pas, le dominant largement.

« Tout homme et toute femme peuvent être jugés, si vous n’avez rien à vous reprocher, vous n’aurez rien à craindre. Dans le cas inverse… »

Il cracha par terre et Aalrika secoua la tête, les portes se refermèrent, prit au piège. Midelia leva les yeux vers la reine :

« Je veux rendre hommage à ma mère. Ce soir.

- Alors je ferais en sorte que cela ait lieu. Caenar ?

- Je ferais un bûcher qui monte jusqu’aux étoiles. »

Il inclina légèrement la tête avant que Midelia ne suive avec lenteur la reine, aidée par ses deux chevaliers servants. Le corps de sa mère avait été enveloppé à nouveau et mit à l’abri. Aolis s’approcha de sa fiancée et lui chuchota quelque chose avant de l’entraîner. Est-ce qu’on venait de leur donner un otage ?