Chapitre 41 - Liliraele

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La grande salle était comble, et les portes grandes ouvertes. Sur les poutres, je voyais les gens assis dessus pour ne rien louper du procès qui allait se tenir. Plus de table ou même de décoration, simplement des tabourets et des chaises. La reine serait assise sur son trône ainsi que plusieurs chefs de clans et de tribus. Il n’y avait pas de loups parmi les jurés, mais ils assistaient, en groupe, à tout cela. Caenar était assis, massif caressant tout doucement la main d’une jeune femme aux cheveux clairs qui lui ressemblait. Sa fille de ce que j’avais compris. Saorsa était debout, vêtue entièrement de bruns et de vert, mais ses cheveux étaient noués de blanc et de noir. Vengeance et deuil. On me l’avait dit. Aolis, me l’avait dit. Les trois princes étaient assis près de leur mère, mon père à l’opposé de Saorsa, debout, entouré de ses gardes et de Sadralbe. Un brouhaha m’entourait et j’observai avec inquiétude la scène. Je ne voulais pas que mon père meure… Mais je voulais qui paye ce qu’il avait fait à ma sœur.


Le bruit s’arrêta dès que la reine posa un pied dans la salle. Il eut un mouvement de foule, tout le monde se levait et s’inclinait devant elle, elle avait le visage fermé et lorsqu’elle s’assit tout le monde eut le même mouvement. Le silence plana un moment avant qu’elle ne prenne la parole d‘une voix grave qui résonna dans toute la salle.


« Nous somme ici pour un procès. Le roi Wilkin aurait fait enlever Saorsa lorsqu’elle n’avait que six ans et l’a gardé prisonnière pendant dix ans, n’hésitant pas à user de violence pour la garder au-près de lui.

- Il l’a fait ! Hurla une voix. »


Aalrika tourna la tête et fit un signe de main, celui qui avait osé parler et troubler le procès fut rapidement traîné hors de la salle. D’accord : pas de réaction cela pouvait entraîner… quelques dommages. Mon père ne dit rien, Saorsa non plus. Ils attendaient. Comme tout le monde après tout. La reine leva un sourcil :


« Quelqu’un d’autre à un commentaire ? »


Il n’eut que quelques toussotements mal à l’aise. Note pour moi-même : ne jamais interrompre la reine ou elle pourrait très mal le prendre. Elle s’adossa à nouveau à son siège et fit signe à Wilkin.


« Commencez par nous expliquer votre point de vue. »


Mon père s’avança devant les jurés, est-ce qu’il pensait vraiment avoir une chance de gagner ? Est-ce que les loups le laisseraient repartir vivants ? Je serrais les poings, mais aucun son ne franchit mes lèvres. J’avais choisi mon camp, et il était trop tard pour faire demi-tour, mais je n’y pouvais rien… je ne voulais pas qu’il meure.


« Je suis le roi Wilkin du royaume du sud. J’ai rencontré Isean lorsque je suis venue, en personne, faire des négociations pour du commerce il y a un peu plus de dix-sept ans. J’ai laissé un ambassadeur dans la région et j’ai appris neuf mois plus tard qu’une petite fille était née. Midelia. J’ai attendu six ans avant d’envoyer une petite escorte de garde pour lui demander de me donner ma fille. J’ignore ce qu’il s’est passé là-bas, je ne savais même pas qu’Isean était morte, j’ai simplement pensé qu’elle avait accepté le marché. Midelia n’a jamais accepté sa nouvelle vie et pourtant j’ai tout fait pour qu’elle se sente heureuse et chez elle. »


Saorsa secoua la tête et Aalrika leva la main, pour empêcher un déchaînement de cris ou de réclamations.


« Et… qu’en est-il de Saldralbe ?

- Sadralbe ? Il ne faisait que surveiller Midelia pour la protéger et veiller sur elle.

- Vous soutenez donc… que vous ignoriez pour la mère de Saorsa, et que… vous ne vouliez que son bien ? Donc, vous ne saviez pas les maltraitances que Saorsa subissez ? »


Il mentait ! Bien sûr qu’il le savait ! Il mentait horriblement et pourtant il soutenait leur regard sans honte… Comment osait-il ?! Les questions n’étaient pas terminées, les chefs de clan ne semblaient pas en avoir fini et ils posaient les questions les unes derrières les autres :


« Vous soutenez donc que vous vouliez connaître votre fille. Dans ce cas, pourquoi la réclamer à partir de ses six ans ? Et si vous ne vouliez que son bien, pourquoi… avoir changé son nom ?

- Tout à fait, je n’ai voulu que le bien de ma fille. Ensuite, pendant six ans j’ai eu beaucoup de travail et peu de temps. Saorsa était un nom du nord, pas du sud. Je voulais lui offrir un nom de son nouveau foyer.

- L’enfant est sous autorité de sa mère, pas de son père. Le saviez-vous ? Je veux dire avant de réclamer votre enfant.

- Non. »


Il eut quelques claquements de langues et murmures autour de moi, mais personne ne pipa véritablement mot. Les seigneurs se regardèrent en discutant un peu, peu à l’aise face à la situation. Personne aurait aimé être à leur place. Ou si, beaucoup plus tôt et pas onze ans après les faits. Personne aurait aimé être à la place de mon père. Aalrika reprit la parole :


« Vous n’avez pas jugé bon de laisser Saorsa nous écrire ? Informer que tout allait bien ?

- Midelia n’a jamais évoqué qui que ce soit, ni même le désir d’écrire à qui que ce soit.

- Peut-être avait-elle peur que vous déchiriez la lettre ?

- Elle ne m’a rien demandé. Affirma mon père. Et elle avait déjà du mal à s’habituer à sa nouvelle vie.

- De quoi aviez-vous peur pour votre fille cadette pour lui offrir un garde, mais pas à votre fille aînée ? »


Question piège. Il se racla la gorge, mal à l’aise.


« Midelia est une bâtarde, bien plus facile de me causer du tort avec qu’avec ma fille aînée qui de toute manière était également gardée.

- Pourquoi dans ce cas la reconnaître ?

- Elle était ma fille. »


Il n’y arrivait pas, et tout le monde le sentait… Il nageait, il n’arrivait pas à donner des explications claires. Aalrika lui fit signe de se rasseoir.


« Saorsa. Raconte à ton tour. »


Ma sœur se leva et s’avança, bien droite devant les juges et… elle se mit à raconter son calvaire. Je fermais les yeux pour retenir mes larmes. Curieusement, elle diminua le rôle de mon père. Pourquoi ?! Il l’avait fait souffrir, il avait donné les ordres ! Mais non, pas un mot sur ça. Quand on lui demanda pourquoi elle n’avait pas écrit, la réponse tomba :


« Je n’avais pas le droit de parler, ou d’écrire dans ma langue. Ni même le droit d’évoquer mon passé ou les gens que j’avais connus. Sadralbe y veillait.

- Tu as essayé de t’échapper ? »


Saorsa hocha la tête en racontant ses tentatives et les tortures subit sans battre d’un cil. Les loups s’agitèrent, colériques, mais Caenar fit un signe, leur interdisant de bouger. Saorsa tremblait légèrement. J’avais envie de la serrer contre moi, lui dire que… que tout cela serait bientôt fini… Courage, courage… Elle finit de raconter et leva légèrement la tête en invitant les dernières questions à tomber. Tout aller finir par exploser, je le sentais. Sadralbe eut aussi le droit a un interrogatoire en règle, cette fois aussi il diminua l’importance de mon père ainsi que la sienne, sauf que visiblement cela ne marchait pas au vu des cicatrices et des indications très précises de Saorsa. Aalrika se leva et fit signe aux autres jurés de se lever et de sortir de la salle pour délibérer. Saorsa s’assit à même le sol et soupira longuement en se massant la nuque. Itham s’approcha d’elle pour lui donner une pinte de bière qu’elle but en quelques gorgées avant de lui rendre. Je ne pouvais pas entendre ce qu’ils disaient, mais, il posa son front contre le sien avant de se lever. Pour ma part, je jouai des coudes pour m’approcher de mon père et de Sadralbe qui parlaient vivement à voix basse. Visiblement Sadralbe n’appréciait nullement le manque de défense de mon père tout en le comprenant, mais j’entendais également mon père affirmer qu’il allait tout faire pour essayer de l’aider. Sérieusement ?! Il voulait protéger Sadralbe ?! Mon père dû sentir mon regard, car il se retourna vers moi et je ne fis que lui jeter un regard froid. Ici, le mensonge n’avait pas sa place… et pourtant… il osait ! Je me détournai, écœurée, pour me diriger vers Aolis qui me faisait signe de venir.


« Si tu ne le sens pas, tu peux sortir… Personne ne t’en voudra.

- Si, moi. Et Saorsa. Je dois tenir. »


Il me sourit simplement et me serra avec force contre lui, Saorsa l’avait bien décrit, c’était comme avoir un soleil près de soi, il était lumineux et cherchait toujours à faire le bien. C’était rassurant de l’avoir pour maris. Lors de la nuit de noce, il m’avait regardé alors que je me mettais nue devant lui et que je tremblais, et il avait simplement secoué la tête avant de se laisser tomber dans les couvertures :


« Hors de question que je te touche si tu n’en as pas envie. »


C’était ce qu’il avait dit avant de me lancer une chemise pour que je puisse dormir bien au chaud. Il me relâcha et me fit signe de retourner à ma place quand sa mère entra, Saorsa bondit sur ses pieds. Aalrika resta debout et toisa l’assemblée avant de prendre la parole :


« Notre décision est la suivante, le roi Wilkin est considéré comme innocent et ignorant du traitement que Sadralbe faisait subir à sa fille. Saorsa est innocente des crimes, et meurtres qu’elle a raconté au vu de ses conditions de vies, elle ne dominait pas son loup. Concernant Sadralbe… Il est offert aux loups et ils leur imposeront leur châtiment. »


Les loups s’approchèrent aussitôt, armes au clair, je vis aussitôt mon père reculer pour laisser Sadralbe seul, les gardes de mon père assommèrent proprement le chasseur qui tomba lourdement au sol. Saorsa eut un rictus et se lécha les lèvres. En quelques instants, il fut enchaîné et traîné hors de la salle, Caenar observa la scène avant de discuter à voix basse avec Saorsa qui sembla être d’accord. Elle se tourna vers Aalrika :


« Je le chasserais, avec grand plaisir.

- Je suis sûre que cela sera divertissant. Répliqua la reine avec un léger sourire. »


Je n’étais pas sûre que le terme « divertissant » était le bon, au vu du sourire carnassier de ma sœur. Quand bien même, le fait que mon père soit libre ne semblait pas plaire si bien qu’il fut rapidement emmené dans ses appartements pour éviter un lynchage ou d’être blessé pendant que ma belle-mère ramenait le calme et l’ordre. Mais je sentais que quelques discussions houleuses allaient avoir lieu. Aolis me fit signe et m’aida à sortir.

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