Trois jours plus tard, le Président et Donerio Dornier se retrouvèrent devant le mur d’image. Donerio était furieux.

  — Tout avait bien marché ! Depuis hier on ne parlait plus de la catastrophe de la mine. Il a fallu qu’ils retrouvent un survivant et que ces fouilleurs de merde de StarCom Video l’apprennent.

Malgré un espoir très faible, les recherches avaient continué, trois mineurs manquant encore à l'appel. Et le miracle avait eu lieu. Le mur d’images ne représentait qu’un seul canal et l’image géante montrait des secouristes en train d’extraire du puits un brancard brinquebalant au bout des câbles d’une petite grue.

Dès l’opération terminée, le journaliste se précipita vers la victime et lui mit un énorme micro sous le nez.

   — Comment ça c’est passé en bas. Si longtemps dans le noir…Vous n’avez jamais désespéré ?

   — ...ai….encontré...DIEU.

La voix était pâteuse, à peine compréhensible. Mais le journaliste surexcité répéta :

   — vous avez rencontré Dieu ?

Les sauveteurs l’écartèrent rudement et firent glisser rapidement le brancard dans un véhicule de secours. Tandis que celui-ci s’éloignait, le journaliste s’époumonait encore dans son micro,

   — Vous avez entendu les amis, il dit avoir rencontré Dieu dans la terrible obscurité où il est resté pendant plus de soixante quinze heures. C’est extraordinaire. Ce pauvre mineur a été touché par la grâce…

Agacé, le Président coupa le son.

   — J’ai rencontré Dieu…Un mystique : Il ne nous manquait plus que ça.

Donerio resta pensif un moment.

   — Si Dieu est réellement dans notre sous-sol, celui-ci va prendre une valeur considérable. On pourrait peut-être aménager le puits numéro quatre pour organiser des pèlerinages. Vous imaginez un nouveau Lourdes sur notre humble planète…

Le Président le regarda interloqué.

  — Tu plaisantes, je suppose ?

   — Moi ? Jamais ! Pour chaque situation je m’efforce d’envisager toutes les possibilités. Mais pour cette fois vous avez raison : ce ne serait pas très sérieux de faire le jeu d’un mouvement qui ne pourrait que nous affaiblir. Je crois qu’il serrait opportun de rendre une petite visite à notre nouveau prophète avant que son prosélytisme ne fasse des dégâts. Je vais demander que l'on surveille sa chambre à l'hôpital : blocus complet, pas de curieux, encore moins de journaliste, seulement le personnel médical requis. En revanche, nous prendrons tous les frais à notre charge... et le ferons savoir bien entendu.

   — D’accord, tu as mon feu vert. Surtout pas de vague et fais attention aux médias… Quand même : j’ai rencontré Dieu ! On aura tout entendu.

   — Mécréant. Un jour peut-être l’illumination se fera en vous.

Le Président éclata de rire.

   — Ne me dis pas que tu crois en Dieu.

   — Non, bien sûr. Mais je traite avec tout le monde et s’il fallait négocier avec Dieu, je le ferais.

  — Amen!