Des choses incroyables
Paris. La circulation est arrêtée. Des manifestants dans toute la rue. Un cordon de CRS, casques noirs et lance-grenades prend position. Entre les deux, un homme gilet ouvert crie "La France, c'est nous la France !" Et c'est un cri de colère qui efface dans l'instant des années de discours hystériques.
Roulement de tambour. Un homme remonte la rue au milieu de la troupe. Il porte gilet jaune et béret rouge et bat du tambour comme pour l'assaut. Des cris. Quelqu'un lance : "On avance, on n'a pas peur". Explosion sourde d'une grenade. Les chiens tout à l'heure ont reculé devant le fracas. Seuls les hommes peuvent marcher sans entraînement à la bataille. Quelqu'un entonne une Marseillaise reprise par les manifestants. Les CRS chargent ceux qui portent le drapeau français.
Samedi soir vers 20h. Ligne 4. Beaucoup de stations fermées autour de la zone Champs-Elysées. Nervosité, fébrilité. Un jeune homme est assis, seul, un sparadrap sous un oeil, le bout du nez bizarrement abîmé. L’air inoffensif, calme. Difficile de l’imaginer attaquer des CRS. Il me regarde et dit “il faut qu’il s’en aille”. “Pardon ?”. “Oui, Macron” dit-il avec une sorte d’air un peu gêné mais convaincu. Il le répète encore en sortant du wagon.
On entend des choses incroyables en ce moment. Ce matin à la radio un lycéen ne sait pas s’il veut rejoindre les gilets jaunes, parce qu’il pense que sa voix sera noyée dans la masse. Puis deux dames agées faisant la queue à la banque, dans une petite ville de province : "C’est la guerre civile", "Si il faut en venir là, on en viendra là !".
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