XVIII. L’arrosoir
L’arrosoir
L’arrosoir rouillé, oublié dans la soirée
Voit perler, rouler des gouttes mélancoliques,
Lesté par l’eau noire et douce, miroir avarié,
Au bout de la nuit, tas d’acier léthargique.
Autrefois un vieil homme avait, pour peu de prix
Acheté l’arrosoir. Il l’avait emmené
Au milieu des fleurs, dans son humble prairie.
Souvent il contemplait les pétales faner.
Ses bras parcheminés bientôt eurent du mal
À bien le soulever, l’ustensile pesant.
L’eau, de grande gorgées avant dans le métal,
Devint bien timorée, quelques gouttes d’argent.
Une dernière fois, le vieil homme fané
Vint chercher l’arrosoir caché parmi les roses
Sauvages à nouveau, déjà dénaturées,
Avec sa main sans âge, accablée de nécroses.
Il fut abandonné tout au fond du jardin
Et là, enténébré par le froid de la nuit,
Il vit vite sombrer le sol dans les ravins,
Les fleurs décomposées emportées par la pluie.
L’Hiver ensevelit les ruines végétales
Sous son manteau ami de neige meurtrière,
Et l’arrosoir blanchit, anonyme, sans râle,
Discret sous le ciel gris, recueillant la poussière.
Le Printemps triomphant, nulle fleur ne naquit
Seuls des pics cascadants, noires ronces ronflantes;
L’objet déliquescent vit son trépas exquis !
Mira le temps rampant, les épines grimpantes !
L’Été brûla enfin, l’arrosoir déjà mort
Pouvait croupir en paix, à peine torturé.
La blessure du temps le ronge et le dévore ;
Seule la solitude embrasse l’égaré.
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