[10] Fizran et la Sorcière

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Le soleil était à son apogée lorsque les quatre cavaliers atteignirent le carrefour de la route du nord. Eadrom était à leur tête, Antonius et Fradj le suivaient de peu tandis que Fizran fermait la marche.

— Nous arrivons à la limite du domaine des Iontach, annonça Eadrom, et nous allons entrer en territoire picte. Il ne nous reste plus qu’à afficher l’étendard de paix et espérer qu’ils acceptent de négocier, ce qui n’est pas du tout garanti.

— Il faudrait qu’un éclaireur passe en premier pour connaître leurs intentions, suggéra Fradj. Maître Fizran, il me semble que vous êtes le plus qualifié d’entre nous pour repérer les embuscades.

Fizran avait pris du retard sur le reste du groupe et ses compagnons durent s’arrêter quelques instants pour l’attendre.

— En effet Messire Gnome, répondit-il sans se presser davantage. Mais le véritable danger est derrière nous, et non chez les pictes. J’ai le pressentiment que nous sommes suivi et j’aimerais m’en assurer.

— Alors nous allons avec vous, s’exclama Eadrom. Si vous tombez sur un fort parti d’orques, vous aurez besoin d’aide pour vous en sortir.

— NON ! Répliqua sèchement Fizran. Vous continuez et je vous rejoindrai plus tard. Si je tombe sur un fort parti d’orques, comme vous dites, j’aurai plus facile à les semer si je suis seul.

Le ton était sans appel, Eadrom fit signe à ses compagnons de le suivre et il poursuivi vers le nord.

Resté seul, Fizran scruta les alentours. Oendant un moment il avait cru voir une ombre dans les buissons, mais c’était peut-être un animal, ou un effet de son imagination. De toute façon, le départ de ses compagnons l’arrangeait : il devait faire un détour avant de rejoindre les pictes… un détour qui ne devait avoir aucun témoin.

Suivant les indications de Sylène, il se dirigea vers les sous-bois et découvrit bientôt une cabane en rondins. Une légère fumée grise lui confirma que l’endroit était occupé.

Il frappa à la porte.

— Entrez, brigand ! Fit une voix éraillée.

Il ouvrit la porte.

L’intérieur de la cabane se composait d’une seule pièce, elle était encombrée d’étagères recouvertes d’ingrédients, de livres et de matériel alchimique dont l’agencement ne correspondait à aucune règle de la logique traditionnelle. Mais Fizran y reconnu immédiatement la marque d’un alchimiste chevronné.

— Je ne suis pas un brigand ! S’exclama-t-il en entrant.

— Vous y ressemblez pourtant. Et il traîne autour de vous une odeur de mort d’une rare intensité… une odeur de mort et de poison.

La sorcière était dans le fond de la pièce, à côté de la cheminée ou mijotait une marmite fumante.

— Je ne vous veux aucun mal, vieille femme. Je veux juste vous acheter de la belladone. J’ai de quoi payer !

— Êtes vous un loup garou ?

— Oui !

C’était là le secret qu’il avait tenté de dissimuler à son propre maître, mais il avait répondu sans la moindre hésitation.

— Je suis un loup-garou, et je cherche à échapper à celui qui m’a créé.

— En avalant des potions à base de belladone ? Railla-t-elle. Et bien vous allez mourir. Vous êtes certainement un fameux gaillard, mais la belladone sera toujours un peu moins efficace qu’à la lune précédente, vous devrez en prendre de plus en plus et, malgré votre résistance, votre cœur finira par vous lâcher.

— Vous n’êtes pas la première à me dire ça, mais je trouverais bien une magie assez puissante pour me permettre de contrôler mes transformations avant que cela n’arrive.

— Une telle magie n’existe pas dans ce monde-ci, et pour ce qui est de l’autre monde…

— de l’autre monde ? Répéta Fizran.

— …une fois mort, vous cesserez d’être un loup-garou. Le seul moyen de contrôler vos transformations est de retrouver votre créateur, d’accepter sa souveraineté et de suivre son enseignement… ou de le tuer, ce qui ferait de vous un garou orphelin et vous laisserait tout le temps d’apprendre par vous même.

— Le problème est que je ne veux pas être sous le contrôle de mon créateur, et le tuer est assez compliqué dans la situation présente.

— Dans ce cas, votre situation est sans issue. Seul votre créateur, ou un garou natif, aurait pu vous apprendre à gérer vos transformations.

— Un loup-garou natif peut faire cela ? Qu’est-ce que c’est exactement ?

— Même si vous empestez la mort, votre savoir est limité… un garou natif est le descendant direct d’un garou. Il est né sans maître et maîtrise parfaitement son état : il peut rester humain à la pleine lune, se transformer en pleine journée, et il peut enseigner ce pouvoir à un garou ordinaire.

— Vous êtes un garou ! S’exclama Fizran. Un garou natif !

— En effet, répondit la sorcière.

— Dans ce cas, vous pouvez m’apprendre…

— Non je ne peux pas ! Et pour deux très bonnes raisons. La première est qu’il est bien trop tard pour vous. Votre créateur a eu le temps de vous marquer de son empreinte et il est maintenant impossible de vous en défaire.

— Et la seconde ?

— Je suis une ourse-garou.

— Alors si je comprends bien, si un loup-garou natif était venu me trouver peu après mon infection pour m’apprendre à me contrôler, je serais actuellement en état de résister à mon créateur et de me transformer à volonté ?

— Résister à votre créateur, certainement, corrigea la sorcière, mais pour contrôler totalement les transformation, il faut énormément de temps, mais vous pourriez apprendre sans que votre créateur ne puisse l’empêcher… Vous avez déjà entendu son appel ?

— Oui, il vient me narguer chaque nuit ou la lune est pleine ou presque pleine… sauf ces derniers temps car nous avons changé de région.

— Et ceux que vous avez créé ? Vous les avez déjà appelé ?

— Ceux que quoi ??? Je n’ai créé aucun loup-garou.

— Ah, vous me faites rire avec vos certitudes, ricana la sorcière. Tous ceux que vous avez mordu et qui ont survécu à leurs blessures sont susceptibles de devenir eux-même des garous, et vous pouvez orienter leur rage presque sans efforts… Vous pouvez les calmer pendant les nuits de pleine lune, ou au contraire les pousser à massacrer leur entourage. Il suffit d’y penser fortement et vous sentirez leur présence, tout comme ils sentiront la vôtre.

Fizran s’accroupit à même le sol et ferma les yeux. Plongé dans ses propres pensées, il n’écoutait plus la vieille femme qui poursuivait son papotage en touillant dans sa marmite. Un fin sourire éclaira enfin son visage et il rouvrit les yeux.

— Et bien madame l’ourse-garou, déclara-t-il d’un ton solennel, malgré toute votre science, vous vous êtes trompé sur un point : il existe bel et bien une magie assez puissante pour me tirer d’affaire, le tout est de la trouver.

— Dans tous les cas, répliqua la vieille, vous aurez besoin de ceci.

Elle lui tendit un sac de baies.

— Et gardez votre or, ajouta-t-elle. C’est le cadeau d’un garou natif à un autre garou.

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