[11] Les Calédoniens

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Fizran n’eut aucun mal à retrouver les traces de ses compagnons qui avaient poursuivi leur route vers le nord. Il remarqua rapidement les traces des éclaireurs calédoniens, ces derniers avaient croisé la route des trois voyageurs, ils s’étaient arrêté quelque temps avant de reprendre la route ensemble.

Aucune trace de combat.

Eadrom, Fradj et Antonius étaient donc sains et saufs, hôtes ou prisonniers des calédoniens.

Lui même ne faisait aucun effort pour se cacher. Il se doutait bien que d’autres éclaireurs devaient l’observer et il ne voulait pas passer pour un espion.

Un cri rompit brusquement le silence.

— Halte, homme de Breizh !

Fizran s’arrêta.

— Oui, homme de Breizh ! Répéta-t-il en se frappant la poitrine. Ami des calédoniens !

Et comme il n’était pas certain d’être compris, il employa un des rares mots elfiques qu’il connaissait.

— Kelden Maylen !

Trois hommes de tribu se montrèrent. Fizran nota immédiatement qu’ils portaient des armures de mailles, ce qui signifiait que la tribu entière devait être sur le pied de guerre.

— Venir avec ! Ordonna le chef du groupe.

Sur ces mots, il prit le cheval de Fizran par la bride et le mena sur le sentier tandis que ses deux compagnons le cernaient un par la gauche et l’autre par la droite. Averti par son instinct, Fizran devina une présence dans son dos, probablement un quatrième guerrier.

Ils arrivèrent bientôt à un village fortifié par des palissades de rondins.

Sur la place centrale, Eadrom et Fradj s’entretenaient avec la sorcière du village, Antonius les observait sans oser intervenir. Des quelques mots elfiques qu’il comprenait, Fizran comprit que le chef du village s’appelait Har-Kull et qu’il n’était pas permis de le déranger pendant sa sieste.

La sorcière était plutôt jeune, mais cela ne diminuait en rien l’ascendant qu’elle avait sur les guerriers de la tribu.

Fizran rejoignit ses compagnons.

— Ah, je suis bien aise de vous voir, Messire l’Assassin, l’accueillit Eadrom. Ce n’était pas la peine de nous presser, Monseigneur le Picte ne daignera pas nous recevoir avant d’avoir terminé sa sieste… à moins qu’il n’ait également besoin qu’on le change ou qu’on lui donne son lait.

— Je ne vous permets pas d’insulter mon père ! ordonna soudain la jeune sorcière… dans un breton pafait.

— Vous parlez notre langue ? S’exclama Eadrom. Pourquoi ne pas l’avoir dit tout de suite ?

— Parce que vous ne l’avez pas demandé, et que votre ami s’est adressé à nous en elfique. Et puis… j’ai apprécié les échanges entre vous et votre gnome, ainsi que la liberté de ton et l’originalité de ses traductions. Mais puisque votre affaire semble urgente, je vais faire venir mon père et c’est moi qui vous servirai d’interprète, car je suis la seule à parler votre langue.

— Êtes vous apparentée à la sorcière du bois ? Demanda soudain Fizran. Vous portez les mêmes genre de talismans.

— Oui, c’est ma mère. Elle a quitté le village quand le chef Har-Kull a cessé de l’honorer. Mais elle m’a tout appris de son art. Vous l’avez rencontré ?

— Il y a quelques centaines d’orques qui se rassemblent un peu plus loin, rappela Fizran sans répondre à la question. Ils se préparent à venir ici pour exterminer tout ce qui ressemble à un humain, sans faire de distinction entre bretons, semi-elfes et pictes.

Quelques minutes plus tard, ils étaient en présence du chef de la tribu.

* * *

Le chef Har-Kull avait dépassé la cinquantaine, un âge vénérable pour les pictes. Il avançait d’un pas hésitant, soutenu par sa fille, et s’installa sur un grossier trône de bois amené à son intention.

— Mon père vous présente ses respect, annonça la sorcière en traduisant les paroles du vieux guerrier, mais il ne peut rien pour vous. Nous connaissons la situation des bretons, leur seigneur est parti avec la plupart des soldats et ceux qui restent seraient de bien faibles alliés. Mon père pense que les orques s’intéressent seulement au château et qu’après l’avoir attaqué, ils repartiront vers le sud pour attaquer d’autres bretons.

— Les orques ont faim, répliqua Fizran. Ils sont nombreux et leurs réserves de viande sont trop faibles pour nourrir une telle troupe, d’autant plus qu’ils ont déjà massacré une bonne partie du gibier de la région et que les paysans ont pris la fuite ou se sont réfugiés au château. Mais même après l’avoir pris et tué tout le monde, ils auront encore faim, et ils enverront des éclaireurs sur la route du nord, ils trouveront votre village…

— Et votre village est mal défendu, ajouta Eadrom. Votre petit muret en rondins ne résistera pas à un charge de sanglier sauvage.

— Et quand ils arriveront, poursuivit Fradj, ils attraperont le chef Har-Kull et ils le… AIE !

Un coup de talon d’Eadrom dans la cheville l’empêcha de poursuivre.

À chaque intervention, Har-Kull fronçait les sourcils avec une inquiétude grandissante. Puis il se leva et lança quelques ordres dans sa langue barbare. Aussitôt, les pictes commencèrent à courir de tous les côtés dans une confusion indescriptible.

— Que se passe-t-il donc ? demanda Eadrom.

— Mon père pense que les orques ne viendront pas jusqu’ici, répondit la sorcière, mais il ordonne que le village soit abandonné et que nous nous installions un peu plus vers le nord. Il est soucieux de la vie de son peuple.

— Je dirais plutôt qu’il mouille ses braies ! Ironisa Fradj.

— N’en croyez rien, le roi Har-Kull fait preuve d’un grand courage lorsque c’est nécessaire !

Sur ces mots, elle s’éloigna et retourna dans la demeure du chef sans s’inquiéter de ses hôtes.

— Que fait-on maintenant ? demanda Antonius.

— Il n’y a plus grand-chose à faire, murmura Fradj d’un air sombre.

— Bien sur que si ! répliqua Eadrom. Même un grand guerrier peut se laisser guider par la peur lorsqu’il découvre brutalement un immense danger, mais en général, il reprend rapidement ses esprits.

Entretemps, la jeune sorcière était de retour, une étrange ceinture de tissus vert à la main. Elle rejoignit son père et l’attacha à sa taille.

Le chef s’interrompit aussitôt, donna de nouveaux ordres, et les pictes se précipitèrent sur leurs armes, formèrent un cercle autour de lui et poussèrent des acclamations.

— Mon père a changé d’avis, annonça la sorcière. Il ordonne que tous les guerriers de la tribu prennent les armes et se préparent à combattre les orques.

— Vous avez utilisé la magie pour l’influencer ? demanda Eadrom.

— Mon père est victime d’une malédiction qui lui a retiré son courage, et il a besoin d’un talisman pour le lui rendre, lorsque c’est nécessaire. Cette ceinture est le don qu’un grand seigneur breton a fait à notre ancêtre pour conclure la paix.

— C’est la ceinture de Gauvain ! S’exclama Fradj. Cette ceinture lui fut offerte par le chevalier vert en gage de respect, elle a la propriété de donner force et courage à son possesseur. Elle a disparu peu après la bataille d’Aballak, mais Gauvain lui même n’a jamais raconté comment il l’avait perdu, estimant seulement qu’il n’en avait plus besoin.

— Et bien quelle que soit la manière dont elle est arrivé ici, conclut Eadrom, elle est en de bonnes mains.

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