Chapitre 23

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— Quelle est cette abomination ? s’exclama Hugon.

— Une abomination, comme vous dites, répondit Eadrom. Il est préférable que vous restiez à l’écart.

— Que veux votre maître ? Demanda Fizran. Son seul désir est d’abattre la lignée des Iontach, ma mission est de l’éliminer définitivement… aucun accord n’est possible.

— Alors vous êtes vraiment un assassin ! grogna le maître d’armes.

— Ne vous mêlez pas de ça, répliqua Fizran.

Le golem reprit la parole de sa voix caverneuse et métallique :

— Mon maître a quelque chose que vous voulez, vous avez quelque chose qu’il veut… Il propose un échange. Si vous refusez, il détruira ce que vous voulez et il prendra ce qu’il veut. Si vous lui donnez ce qu’il veut, il vous rendra ce que vous voulez.

C’était sans doute la première fois qu’il prononçait une phrase aussi longue… il l’avait visiblement apprise par coeur avant la rencontre.

— Et que possède-t-il ? Demanda Hugon.

— Dame Melgane.

— Ma mère ! s’exclama Hugon en écarquillant les yeux.

— Et je sais ce qu’il veut, intervint Eadrom. Laissez-nous passer, c’est d’accord !

— Vous êtes fou, protesta Fizran ! Rien ne vous oblige à faire ça…

— Bien sûr que si. Ma famille passe avant tout ! Et si j’ai bien compris votre plan, c’est également à votre avantage. Nécros veut me récupérer pour posséder le pouvoir de l’orbe de chronos, et c’est le seul moyen de nous sauver… ma vie ne compte pas.

— Votre réponse ? demanda le golem.

— Laissez nous entrer, nous parlerons avec votre maître.

La porte s’ouvrit, le golem entra dans le château, suivi par le groupe de bretons…

Fizran retint Fradj à l’arrière et s’accroupit à ses côtés et, pendant que leurs compagons entraient, le barde et l’assassin complotèrent à voix basse…

* * *

Le nécromancien-spectreliche les attendait dans la cour du château. La dague magique pointée sur la gorge de la chatelaîne. SA dague magique. Qu’était donc devenu Antonius ?

— Approchez mes bons amis, s’exclama Nécros d’un ton enjoué. N’ayez pas peur…

— C’est moi que vous voulez, affirma Eadrom. Je suis là.

— Votre héroïsme vous honore, mais vous ne m’intéressez pas. Je veux Hugon !

— Ça n’a pas de sens. Je suis le seul à pouvoir contrôler votre orbe magique. Vous avez besoin de moi, ou de me faire disparaître.

— J’ai rarement vu un héros mettre autant d’enthousiasme à se faire tuer, mais vous vous trompez. La seule chose dont j’ai besoin, c’est changer l’avenir. Et pour cela, votre lignée doit disparaître… mais rassurez-vous, je ne suis ni une brute ni un assassin. Je ne tuerai pas Hugon. Je vais me contenter de l’empêcher de nuire… un simple contact de ma dague nécromantique là ou il le faut et l’affaire sera réglée.

— Il le faut où ? Demanda Fradj.

— À votre avis ? Répliqua Nécros.

— Il est hors de question que vous touchiez à ma lignée, s’exclama Eadrom.

— Nous sommes d’accord, affirma Fizran au même moment.

La dague de l’assassin était posé sur la gorge d’Hugon. Le geste avait été si rapide que personne n’avait eu le temps de réagir.

— QUOI ! S’exclama Eadrom.

— Je suis désolé, fit Fizran. Il me faut préserver la ligné du Louvier. Écartez vous !

L’assassin s’écarta de ses compagnons et se dirigea lentement du côté de Nécros, avec son otage qu’il gardait malgré tout hors de portée de la dague du nécromancien, comme s’il avait encore quelque chose à négocier.

— Fizran ! Supplia melgane. Vous ne pouvez pas faire ça !

— haha, ricana Nécros. Vous venez de découvrir qu’on ne peut pas faire confiance à un assassin.

— Ni à un nécromancien, ajouta Fizran. Qui me prouve que vous allez tenir votre parole ?

À ce moment, Fradj se glissa derrière ses compagnons et prononça une formule magique qui le rendit invisible… puis il se faufila discrètement derrière le golem d’acier.

Cette créature était l’adversaire le plus redoutable qu’il ait jamais rencontré, mais un magicien bien renseigné, et à fortiori un barde, connaît les points faibles de la plupart des créatures magiques : le symbole d’animation magique qu’il portait sur le front.

— Qui vous prouve que je vais tenir ma parole ? S’écria Nécros. Mais ma parole, justement ! Et il me semble, monsieur l’assassin que ma parole vaut mieux que la vôtre. Amenez-moi le petit seigneur, et finissons-en !

Hugon amorça un mouvement de recul en s’entendant appeler « petit seigneur », mais la prise de Fizran était solide. L’assassin était désormais totalement isolé : Nécros, Eadrom et Hugon pouvaient chacun devenir une menace mortelle s’il se laissait surprendre… Eadrom avait d’ailleurs tiré son épée et surveillait le moindre de ses gestes.

Mais le véritable danger était ailleurs, et il se manifesta brusquement :

— Fizran ! menaça Melgane, si vous laissez cette abomination toucher à mon fils, j’avalerai une à une le contenu de toutes vos fioles de Belladone, et vous pourrez dire adieu à votre lignée et à vos projets, quels qu’ils puissent être.

— Les femmes sont surprenante, s’amusa Nécros. En quelques mots, elles peuvent ruiner les plans les mieux élaborés.

— Heureux que ça vous amuse, ajouta Fizran. Mais cela pose un problème supplémentaire… Comment comptez-vous le régler ?

— Mais c’est VOTRE problème, reprit Nécros.

Tout en parlant, il esquissa un pas vers son allié du moment, mais ce dernier recula. Chacun ayant son otage, ces déplacements étaient assez lents.

— En parlant de problème, comment avez vous récupéré la dague magique d’Antonius ?

— Ce n’est pas la dague d’Antonius, Messire l’assassin, c’est la mienne ! Elle est à moi et à personne d’autre… Antonius a utilisé un puissant sortilège qu l’a laissé sans forces et il m’a été facile de la récupérer et de neutraliser les autres occupants du château pendant que tout le monde se battait à l’extérieur. Ces orques étaient stupides, mais ils m’ont bien servi.

Entendant cette dernière réflexion, Eadrom se pencha vers le Maître d’Armes :

— Allez chercher Antonius, murmura-t-il. Allez-y tout de suite et ne vous souciez pas de ce qui se passe ici, seul un magicien peut nous tirer d’affaire.

Fizran avait encore reculé, et il était maintenant dos au mur… à la grande satisfaction de Nécros.

— Mettons fin à cette histoire, messire l’assassin. Cessons de jouer à « j’avance et tu recules », comme dans les chansons de ce stupide barde et je la tiendrai...

— Y’a un truc qui me chatouille la tête, grogna le golem.

— Et bien gratte-toi, répliqua le nécromancien.

Le golem obéit aussitôt, et à sa grande surprise, un gnome apparut brusquement juché sur ses épaules. Armé d’un chiffon humide, il s’échinait sans succès à effacer son symbole magique.

— Herk ! Je croyais que c’était une mouche, s’exclama le golem en saisissant le gnome, mais c’est juste un moustique… un gros moustique avec un chapeau.

— J’ai essayé ! gémit le gnome en direction de l’assassin. J’ai frotté de toutes mes forces, mais ce symbole ne s’efface pas… et pourtant, j’utilise un détachant magique !

Cette fois, c’est Nécros qui recula de deux pas.

— Bravo monsieur l’assassin, vous avez failli m’avoir… une fois de plus. Il est impossible d’effacer ce symbole magique parce qu’il est protégé par une cuirasse en acier transparent… votre détachant n’a même pas touché la peinture.

— Mais c’est de la triche ! protesta le gnome. Normalement, les méchants magiciens doivent s’arranger pour avoir un point faible pour que le héros puisse le vaincre.

— Il faut croire que les méchants magiciens ne lisent pas les mêmes histoires que vous… écrase-moi ce moustique !

— NON ! S’exclamèrent en même temps Fizran, Eadrom et Fradj.

— Oh, s’il a autant de valeur à vos yeux, ça peut se négocier… tant que vous me donnez ce que je veux.

Le nécromancien avait désormais deux otages.

— J’écrase ou j’écrase pas ? demanda le golem. J’ai rien compris…

— Cela n’a aucune importance, répondit Nécros.

— Ooooh, vous n’écrasez pas ! C’est très important, gémit Fradj.

— Pourquoi ? Demanda le golem.

— Parce que Nécros est un méchant… un très méchant magicien.

— Je m’en fiche ! Il n’est pas méchant avec moi.

— Oh si ! Quand un méchant est méchant, il est méchant avec tout le monde même s’il a l’air un peu moins méchant envers ceux qui l’aident à faire des trucs de méchant…

— Il est même très gentil. Il a promis de me donner des plaques en mithril… beaucoup plus solides que les plaques en acier.

— Ah ! Voilà bien la preuve que c’est un menteur. Il ne tiendra pas sa promesse !

— Bien sûr que si, enragea Nécros. Je tiens toujours mes promesses… dès que j’aurai neutralisé ce petit prince et mis fin à la lignée de l’idiot de chevalier qui doit provoquer ma mort dans le futur, je t’achèterai des plaques en véritable mithril, et tu seras libre.

— Tu vois bien qu’il est gentil, petit gnome !

— Non, c’est un menteur, il ne peut pas tenir cette promesse… Donc il est méchant !

— Ça suffit, je ne veux plus entendre cette vermine. Écrase-le !

— Qu’est ce qui me prouve qu’il est méchant ? Demanda le golem.

— Nous sommes sous le règne du Prince Galador, Castelforge est donc inoccupé. Les gnomes ne reviendront que cent cinquante ans après la fin de son règne… il découvriront les premiers gisements de mithril une dizaine d’années plus tard et il faudra encore une petite centaine d’années, le temps que les forgerons nains s’installent dans la région, pour qu’ils soient en mesure de produire des plaques en mithril… d’ici là, tu auras largement le temps de rouiller !

— En voilà assez ! rugit Nécros. Écrase-le !

Aussitôt, l’énorme poing du golem s’abattit sur le nécromancien. Au même moment, le sabre de l’assassin lui trancha le bras qui tomba sur le sol, empoignant toujours la dague magique.

Le gnome chuta lourdement sur le sol tandis qu’Eadrom saisit Melgane par le bras pour l’éloigner du danger.

Quand à Nécros, le golem s’acharna sur son corps jusqu’à ce qu’il n’en reste que des déchets malodorant, et il n’interrompit ses coups que lorsque Fradj lui annonça d’un ton badin.

— Je crois bien qu’il est mort, le méchant magicien !

Une fois libre, Melgane s’approcha de Fizran… et lui administra une solide paire de giffles.

— Madame, protesta ce dernier en se tenant la joue, je viens de vous sauver la vie.

— Peut-être y avez vous contribué, mais vous auriez dû le faire de manière chevaleresque. Ce sorcier avait au moins raison sur un point : on ne peut pas faire confiance à un assassin… et pour le reste, vous n’êtes pas « mon sauveur »… mon véritable sauveur est Fraj le Bar qui a réussi à convaincre cette créature de métal qu’elle servait une mauvaise cause. N’êtes vous pas de mon avis, Messire Eadrom ?

— Absolument ! Fradj a fait preuve d’un courage exceptionnel, non seulement en affrontant le golem, mais il a également rendu le courage au chef des pictes. Tout au long de cette aventure, il s’est conduit aussi vaillamment que le plus héroïque d’entre nous.

— Oh, vous me gênez, protesta mollement le barde. Je sais bien que je suis le meilleur, mais je suis toujours un peu gêné quand on me le dit.

Entretemps, le maître d’armes était de retour, soutenant Antonius encore sous le choc de la dernière bataillle.

— Que s’est-il passé ? Demanda-t-il. Nécros aurait été vaincu ? Et le golem… ?

— Tout est terminé messire Antonius, répondit Eadrom. Et le temps de m’assurer que la chronique familiale annonce un brillant avenir à la lignée des Iontach, de prendre un peu de repos et nous repartons chez nous.

— Vous voulez dire que ce livre magique vous révèle l’avenir de la famille ?

— En effet, et nous sommes venus pour éviter qu’un événement imprévu ne la fasse disparaître… mais n’en demandez pas plus et gardez ce secret pour vous. Il est préférable que cette histoire ne soit jamais divulguée.

Tous les occupants du château jurèrent de garder le silence. Même Sire Guillaume n’en saura jamais rien à son retour de croisade, car selon la chronique, il devait bel et bien revenir cinq ans plus tard.

Nos héros restèrent plusieurs jours au château pour reprendre des forces nécessaires au chemin du retour et Fraj de Bra (le gnome étrangement anobli par ses hôtes) en profita pour mettre par écrit ses meilleures ballades romanesques tandis qu’Antonius et Sylène profitaient de leurs derniers moments ensemble. Il se murmure qu’elle offrit à une sorcière des potions dont elle n’avait pas l’usage… puis vint le jour du départ…

Rassemblés dans la cour du château, Eadrom manipulait prudemment l’orbe de Nécros entouré par ses compagnon : Fradj qui priait intérieurement pour que ses ballades, Antonius qui se demandait encore comment il pourrait vivre seul et Fizran qui gardait soigneusement ses pensées pour lui…

— L’arrière-salle du « cavalier chantant », s’exclama Eadrom, dans le quartier aisé de Brocéliande. Le soir même du jour de notre départ, vers huit heures du soir…

Aucune voix discordante ne vint ajouter des orques, des golems ou des sorciers à cette description, et nos amis disparurent du château.

Et le golem, me demanderez vous ? Qu’est-il devenu ?

Nos amis lui avaient bien proposé de le ramener à leur époque et de lui trouver un nouveau maître, mais il préféra rester dans cette époque et se mettre en route vers l’Empire de Solaris. « Il y a là bas de nombreux magiciens qui connaissent la forge des métaux magiques, avait-il expliqué. J’en attraperai un pour qu’il me donne une carapace en mithril, et s’il refuse… je frapperai très fort sur sa tête jusqu’à ce qu’il accepte. »

FIN ?

Bien sûr que non… il reste un épilogue

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