Chapitre IX : L'arrivée à Silverberg

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 Le lendemain, à l'aube, Arion et Paflos repartirent vers le Nord. La blessure du plus jeune le faisait encore souffrir. Mais ce dernier, avide d’atteindre Silverberg et d’obtenir des réponses sur lui-même, n'aurait pas pu attendre un jour de plus. Le gouverneur Bearncrown, dans sa grande générosité, leur avait offert quelques provisions, de quoi déjeuner sur le chemin de la cité naine. Elle n’était de toute manière pas bien éloignée de Windskeep, et serait atteinte, d’après Paflos, sous les coups de seize heures. Le temps était aussi maussade que la veille. Seuls quelques puits dans les nuages permettait au soleil de, çà-et-là, se déposer sur les montagnes et la forêt de Liosmór.

 La route de Silverberg, à l’inverse de celles qu’ils avaient traversé auparavant, ne courrait pas sur le flanc des montagnes, mais au contraire serpentait à leur pied, bordant la plaine sur son arête occidentale. A l’est, sur l’horizon, la forêt ressemblait à une armée émeraude, qui n’avait été stoppée dans sa conquête de la plaine que par la rivière qui délimite le Liosmór. Durant toute la matinée, Arion craint de voir sortir de cette vaste légion quelques tueurs, venus finir le travail que les fanatiques de Xatarsès avaient commencé, une semaine plus tôt. Pourtant, à son grand soulagement, leur voyage fut paisible. Seul la faim les obligèrent à s'arrêter une petite heure, tout juste le temps d’engloutir leur déjeuner.

 Cependant, alors que seize heures approchaient, le temps s’alourdit brusquement. D’un commun accord, les deux hommes accélérèrent le pas, espérant atteindre Silverberg avant la pluie. Alors que les premières gouttes commençaient à tomber, Paflos s'arrêta, tout en pointant une corniche devant eux, à plusieurs dizaines de mètres du sol et de laquelle sortait une arête de roche, formant comme une longue passerelle, au bout de laquelle se trouvait une sorte de tour carré qui descendait jusqu’au sol. Contre la montagne se trouvait, encastré dans la roche et à hauteur de la corniche, une sorte de vaste haut-relief prenant la forme d’une arche illuminée de multiples lumières.

–Nous y voilà, Arion. fit alors l’homme d’armes, la voix pleine d’émerveillement. La cité des monts d’argents. Le joyau de la couronne du roi de la montagne. Silverberg.

–Gigantesque…

–Et tu n’as encore rien vu ! Tous les monts d’argents ne sont que d’immenses fourmilières, percé de milliers de galeries s’étirant du plus haut sommet jusqu’au centre de la terre. Des siècles que les Nains ne cessent d’étendre leur cité. Crois moi, ça va te changer de l'atmosphère paisible d’Alpénas.

–Je veux bien te croire, mais si on pouvait se dépêcher d’entrer dans la fourmilière, ça commence à tomber dru. geint Arion.

 Les deux hommes accélérèrent le pas. La pluie devenait de plus en plus forte. De part et d’autre de la base de la tour carré, suivant les pentes du promontoir et de la montagne, se dressait plusieurs statues représentant d’anciens rois nains, chacune devant faire près de vingt mètres de haut. Arion ne put que les apercevoir sans pouvoir en mesurer la beauté et la grandeur, la pluie l'empêchant de trop lever la tête. Rapidement, les deux hommes purent s’abriter sous un vaste ensemble de toile cirée, tendu sur un large périmètre autour de la tour, et protégeant les voyageurs s’approchant. Devant eux se massait une file de plusieurs personnes, d'horizons et de races différentes. Certains tiraient avec eux une charrette lourde de leur cargaison. Sans doute était-ce des marchands. D’autres, de simples voyageurs, n’avaient bien souvent rien de plus avec eux qu’un sac et une épée. Tous semblaient venir pour des raisons différentes à Silverberg, mais tous devaient se soumettre au même rituel. Juste à l'entrée de la tour, plusieurs soldats nains fouillaient méticuleusement chaque cargaison. Dès qu’un visiteur leur semblait un peu trop patibulaire, ou avait le malheur de ressembler aux visages épinglés bien en évidence à l'entrée du bâtiment, il était emmené à part, dans une guérite surveillée par plusieurs gardes. Voyant cela, Arion ne put s'empêcher de glapir légèrement, comme s’il avait quelque chose à se reprocher.

–Ne t’en fais pas. lui dit Paflos. Ils ne font que s’assurer qu’aucun fanatique du Tyran n’entrent dans la cité.

 Arion ne répondit rien, se contentant de déglutir. Bien que toute cette sécurité était censée le rassurer, il ne pouvait s'empêcher de se sentir au contraire en danger devant tant de moyens mis en œuvre. Rapidement, ce fut à leur tour d'être contrôlé. Alors qu’on contrôlait leurs sacs, un nain, d'âge mûr, leur demanda d’une voix laconique.

–Rien à déclarer ?

–Eh bien, pas que je sache… bredouilla timidement Arion.

–Pas d’objet enchanté, parchemins magique et épice d’Alfikänh sont interdits dans la cité sans permis. Toujours rien à déclarer ?

–Non, nous n’avons rien de tout ca, je–

Du, kom hit ! hurla une voix.

 Arion sursauta. Derrière le douanier, un nain a l’air nettement moins sympathique mais nettement plus concerné pointait du doigts Arion, puis indiquait avec son pouce la guérite à côté de lui. Surpris, Arion se tourna vers son ami qui, inquiet, dit à son ami.

–Il te demande de le suivre.

–Tu parles le Nain ? s’étonna Arion

–Je le comprends plus que je ne le parle.

 Poussé par Paflos, Arion s’avanca vers le garde à la mine patibulaire. Ce dernier agrippa le bras du jeune sorcier, avant de se tourner vers Paflos et d’aboyer :

Nei, bare deg ! Bli der !

–Qu’est ce qu’il veut ? sursauta Arion, l’air paniqué.

–Je ne peux pas te suivre. Bare deg, juste toi. grommela Paflos, sans forcer.

 Arion jeta un regard inquiet à son ami, qui malgré son apparent calme l’était tout autant. Le jeune sorcier fût alors emmené dans la guérite. Cette dernière était assez petite. On ne pouvait s’y tenir qu'à trois ou quatre. Le garde jeta presque Arion à l'intérieur, avant de se poster devant la porte, dos à l'intérieur. Devant lui se trouvait un autre nain, à l'air bien plus âgé et sage. D’une voix rauque, il exigea :

–Retirez votre haut.

–Je vous demande pardon ?

–Retirez votre haut. répéta simplement le nain, comme si son interlocuteur n’avait pas entendu.

–Je demande à savoir pourquoi.

–Retirez votre haut.

–Vous savez dire autre chose ?

–Retirez votre h–

–C’est bon, c’est bon… siffla Arion, exaspéré.

 Doucement, il déboutonna sa chemise. Arion profita du fait que le garde ne le regardait pas pour se tourner vers lui, ne laissant voir au vieux nain que son dos. Mais à peine ce dernier fut découvert qu’il sentit se poser sur son omoplate la main froide du contrôleur. Le jeune sorcier hoqueta de surprise et se raidit. Mais où était-il tombé ? Derrière lui, Arion entendit l'individu marmonner quelque chose, le répéter, encore, encore… une étrange chaleur naquit dans son dos, qui devint de plus en plus désagréable. Mais sitôt que la douleur devenu insupportable, la main se retira. Arion se retourna vers le nain, le fusillant du regard.

–Qu’est ce que tout cela signifie ?

–Merci, remettez votre haut. Au revoir.

 Surpris, Arion renfila au quart de tour sa chemise et se tourna vers le nain.

–Quoi, c’est tout ?

–Merci. Au revoir.

–Sérieusement ? On me déshabille, on me touche, on me brûle presque, et puis on me dit de partir sans me donner la moindre explication ?!

 Arion se sentit bouillir doucement. Qu’est ce que c’était que cet énergumène ? Face à lui, le vieux nain, qui semblait d’un flegme à toute épreuve, se contenta de répéter sur le même ton :

–Merci. Au revoir.

–Mais c’est pas vrai, il est sourd ou il est con ?! s’emporta Arion.

–Je crois surtout qu’il ne parle pas la langue.

 Arion sursauta et se tourna vers l’entrée de la guérite. Paflos, accoudé à l'encadrement de la porte, s’adressa alors dans la langue des nains au vieux contrôleur, laissant le jeune sorcier dans l’expectative quelques minutes. Sa colère, comme atténuée par la présence de son ami, avait laissé place à une fragile circonspection. Si son ami ne parvenait pas à tirer quoi que ce soit de cet abruti, pas sûr qu’il puisse rester calme bien longtemps. Au bout d’une courte discussion, Paflos retourna en langue humaine, et dit :

–J’avais raison, il ne fait que répéter ce qu’il a appris par cœur.

–Ca n’explique pas son drôle de rituel. siffla Arion.

–C’est la procédure en cas de soupçons.

–Tu veux pas lui demander de nous en dire plus ?

 Paflos rebascula en langue naine et demanda quelque chose au contrôleur. A voir le visage de son ami, Arion compris vite qu’il ne semblait pas être aussi coopératif que désiré.

–C’est la procédure. C’est tout ce qu’il veut dire.

 Arion dodelina en soupirant. Comment pouvait-on être aussi obtus ? Comment pouvait-on être aussi détestablement obtus ? La respiration du jeune sorcier accéléra alors qu’il serrait les poings. Il sentait palpiter en lui toute sa puissance, toute sa magie. Elle semblait hurler, résonner dans toutes ses chairs. Il devait faire mal à ce nain. C’était plus qu’une demande, c’était presque un ordre. Fi des conséquences, fi des gardes autours, fi de Paflos !

 Arion sursauta, et jeta un regard incandescent derrière lui. Une main s’était posé sur son épaule. C’était Paflos. Ca ne pouvait qu'être Paflos. L’homme d’arme regardait le plus jeune avec un regard tendre quoique légèrement sévère. Une affection mêlée à la crainte de voir le jeune sorcier perdre à nouveau le contrôle. Arion baissa le regard, qui se chargeait de pourpre. Fi des conséquences, fi des gardes, mais pas fi de Paflos. Jamais fi de Paflos. Son ami avait trop souffert par sa faute depuis leur départ. Depuis même leur rencontre. S’il ne se calmait pas pour cet imbécile de contrôleur, ni pour sa propre survie, il devait se calmer pour Paflos. Doucement, le jeune homme tenta de reprendre une respiration normale, essayant de se focaliser sur cette main, ce contact qui l’avait toujours aidé à rester calme. Il baissa les yeux.

–Viens, allons y… fit doucement Paflos.

 Doucement, la main du plus vieux descendit de l’épaule jusqu'à la main de son ami. Arion, après une dernière inspiration, sortit de la guérite. Comme pour s’épargner le moindre regard vers le nain, le jeune homme le maintint droit devant lui. C’est alors qu’il l'aperçut. Sur le mur de la tour, juste à côté d’eux, se trouvait un portrait dessiné au fusain, perdu au milieu d’une dizaine d’autres. Pourtant Arion ne pouvait voir que lui. Cet homme, aux cheveux clair attachés en queue de cheval, ce regard hautain, et surtout… Ce bras de fer. C’était lui, c’était le Manchot. Ou du moins, ex-manchot. A l’inverse de leur rencontre, la représentation le présentait sans son masque, ne faisant que renforcer ses traits fin, androgyne… Il ressemblait à…

–Arion ? demanda Paflos.

–J’ai vu, oui… On dirait…

–Toi ?

–Le Manchot. coupa le jeune sorcier, comme pour faire disparaître l’évidence.

 Malgré son refus de l’admettre, Arion ne pouvait que constater leur ressemblance. Les mêmes traits, le même nez, les mêmes yeux… Il semblait juste plus âgé, comme un grand frère de quelques années son aîné. Ce n’était qu’une vue d’artiste imprécise, c’était évident. Cela expliquait leur ressemblance. Sans doute ce portrait grossier devait-il ressembler à des dizaines, des centaines d’autres jeunes humains de son âge. Et cela expliquait sans doute ce contrôle approfondi qu’il venait de subir. Quelque chose d’aussi sérieux que la sécurité d’une ville ne devait pas reposer sur des dessins aussi ridicules et imprécis. Car ils étaient imprécis. C’était une évidence, ça ne pouvait pas en être autrement, n’est ce pas ?

 Arion ne put quitter des yeux ce portrait, le suivant du regard à mesure qu’il s’approchait de l’entrée de la tour. Ce n’est que le passage d’un garde, qui se positionna juste entre lui et l’affiche, qui le força à la quitter des yeux. Les deux hommes entrèrent dans la tour. Elle était presque entièrement creuse. En son centre se trouvait un mécanisme de monte charge, permettant aux marchands, moyennant finance, de faire monter leur cargaison à son sommet. Autour du monte charge s’élevait un escalier en bois, courant sur les murs de la tour jusqu'à son sommet. Le plus jeune lança alors un regard à son ami, qui en réponse scruta le fond de sa bourse, avant de grimacer. Arion soupira, les deux hommes entamèrent à pied l’ascension de la tour.

 L’escalier semblait interminable. Chaque marche semblait en dissimuler dix nouvelles, et toutes frémissaient sous les pas des deux hommes. Arion soufflait, se forçant à ne pas détourner le regard des marches. Il n'avait jamais souffert du vertige. Du moins, il n'avait jamais, de ce côté du voile, eu ce genre de souvenir. Pourtant, le simple fait d’imaginer les mètres s’accumuler par dizaine sous ses pieds le rendait nauséeux. Au terme d’une ascension épuisante, les deux hommes finirent par atteindre le dernier palier de la tour. C’était un espace donnant conjointement sur la cage du monte charge et sur une grande ouverture menant à la corniche.

 A peine arrivé, Arion se laissa glisser contre un mur et s'assit au sol, cherchant son souffle. Paflos, malgré sa condition physique exceptionnelle, peinait lui aussi à retrouver le sien. Le plus jeune redressa doucement la tête, échangea un regard avec son ami, avant de partager avec lui un rire complice. Ils semblaient d’accord : s’il devait y avoir une prochaine fois, peu importe le prix, ils emprunteraient le monte-charge. Paflos tendit alors sa main à son ami, et d’un geste puissant sans être brusque, il l’aida à se relever, avant de franchir la porte menant au promontoire.

 Ce dernier devait faire une vingtaine de mètres de large pour une centaine de long. De part et d’autre couraient une rangée de créneaux, de la hauteur d’un nain, sur lesquels germaient tous les dix mètres des sortes de balcons en demi-lune. De ces derniers s'élançaient des mâts auxquels battaient des étendards d’or et d’argent. Le vent, si fort à cette altitude, les faisait claquer au-dessus des deux hommes. Le regard d’Arion se perdit sur ces créneaux, ces étendards, admirèrent les montagnes autour de lui… Mais c’était surtout l'immense façade gravée dans la montagne qui attira son attention. Jamais le jeune sorcier n’avait vu pareille grandeur. Sur plusieurs dizaines de mètres de haut s’entrelaçait pilastres, frises et bas reliefs donnant au tout l’aspect d’un gigantesque temple taillé à même la montagne, réduisant le sanctuaire du Pélargis à un simple trou dans la roche. Seuls ses nombreuses et vastes loggias fortifiées et ses meurtrières rappelait le rôle défensif de la structure. Elle était éclairée par d’impressionnants brasero, tantôt posés sur les loggia, tantôt suspendus par de lourdes chaînes accrochées ça-et-là. Rapidement, les deux hommes arrivèrent au pied de l’immense bas-relief. Devant eux s’élevait la grande porte de la cité, encadrée par deux lourds battants d’or et d’acier aux gravures magnifiquement ouvragées. Le jeune homme n’eut pas le temps de les contempler. Derrière lui, une voix rauque lui cria :

Ey ty, l’humain, pousse toi de là !

 Arion sursauta et se retourna brusquement, avant d'être tiré sur le côté par Paflos qui se plaqua, lui et son ami, contre une des portes. Devant eux passa un lourd chariot, chargé de tonneaux dégageant une forte odeur de poisson et de saumure. Il était tiré par deux chevaux, et conduit par un félidé, une sorte d’homme-chat, au pelage bicolore roux et blanc. D’un air sévère, il toisa les deux hommes qui avaient eu l’audace de se trouver sur son chemin, avant de s’enfoncer dans la cité. Paflos le laissa passer avant de dodeliner, non sans un soupir.

–Maudit matoux… marmonna l’homme d’armes en s’engouffrant dans la cité.

 Sans avoir le temps de réagir à ces mots, Arion suivit son ami. C’est alors qu’il fut attrapé aux cœur par la magnificence de Silverberg. S'étendait face à lui une gigantesque caverne, au centre de laquelle courait une large rue pavée et doublée de trottoirs. De part et d’autre de celle-ci se dressait diverses bâtisses faites de la même pierre que les parois de la caverne. Sans doute avaient-elles été directement taillées dans la roche. Au-dessus des maisons se dressaient çà-et-là d'épaisses colonnes carré, s'élançant vers le toit de la grotte. Dans de fins candélabres suivant le tracé de la rue, ainsi que sur les murs de la caverne, brillait de magnifiques cristaux luminescents, faisant resplendir toute la cité de milles couleurs. Au milieu de ce grandiose décor se trouvaient des centaines, des milliers de personnes. Nains bien sûr, mais également elfe, humains, félidés, halfelins, drakéides… Jamais Arion n’avait vu un tel brassage de population, même lors de la fête du solstice. Elle ne devait par ailleurs pas avoir vu le dixième de tous ceux qu’Arion pouvait voir de sa simple place. Tous s’affairaient avec dévotion à leur tâches, laissant s’élever jusqu’au voûtes de pierre les bruits de leurs activités.

 Voyant Arion subjugué par la cité naine, Paflos lui prit délicatement la main, avant de l’emmener dans cette grande rue face à eux. Le plus jeune le suivit sans même lui prêter la moindre attention. Il croyait avoir vaguement entendu son ami lui demander de ne pas le lâcher. Mais la voix de stentor de l’homme d’armes s’était –c’était si incroyable qu’il fallait le souligner– perdu dans au milieu du brouhaha ambiant. Le jeune sorcier suivit donc son ami, sans lâcher sa main, mais en laissant vadrouiller son regard autours de lui. Toutes les maisons de la rue s’élevaient sur plusieurs étages. Il devinait la présence de divers boutiques à leur rez-de-chaussée, qui rivalisaient d’ingéniosité dans le décor de leurs façades pour y attirer les yeux et les bourses des passants. Perpendiculairement à leur rue couraient encore d’autres passages, plus ou moins larges, plus ou moins éclairés, plus ou moins droits.

 Les deux hommes finirent par déboucher sur une place circulaire, de laquelle partait une autre grande rue perpendiculaire à celle qu’ils venaient d'emprunter. Au centre de la place se trouvait une vaste fontaine, sur laquelle trônait une grande statue. Elle représentait une femme naine entouré de deux enfants. Tous les trois étaient maigre, affolement maigre, semblable à des squelettes. Leurs visages, marqués autant par le désespoir que la résignation, n'avaient presque plus rien de vivant. Entre les bras de la femme agonisait un jeune enfant, les bras tombant, le corps amaigris. Ce monument, dérangeant, força presque Arion à baisser les yeux. Il les perdit sur une plaque de bronze, au pied de la statue, sur laquelle était écrit quelques phrases dans plusieurs langues. La deuxième écriture, suivant celle en Nanique, était en langue humaine.

EN L’HONNEUR DES ÉTOUFFÉS DE LANGIPFEL. QUE JAMAIS LA MÉMOIRE DE LEUR MARTYRE NE SOIT OUBLIÉ.

–Paflos… C’est quoi, les étouffés de Langipfel ? demanda d’une petite voix Arion

–Je… Je ne suis pas sûr de savoir. avoua, gêné, l’homme d’armes. Je sais juste que ce sont des victimes du règne sanglant du Tyran Rouge. Femme, enfants… Des milliers de civils tués pour l’exemple…

 Arion garda le silence, se contentant de regarder la plaque, puis la statue. Les yeux désespéré, mais si digne de cette femme le faisait frisonner. Il n’avait jamais été aussi virtuellement proche de percer le voile de son esprit. Pourtant, pour la première fois de sa vie, il eut envie d’abandonner, de ne pas voir au-delà, car il savait qu’il y trouverait des horreurs qu’il n’était pas sûr de vouloir découvrir. Est-ce que sa vie passée était assez belle pour mériter de redécouvrir toutes ces souffrances ? Après tout, il souffrait déjà énormément. Peut-être n’était-ce que l’avant goût des souffrances de son lui passé ? Non. Il ne pouvait pas abandonner. Il devait savoir, même si cela devait être encore plus douloureux que tout ce qu’il avait subi jusqu’ici.

 Les deux hommes reprirent rapidement leur route. A mesure qu’ils traversaient les rues, le plus jeune put saisir toute l’immensité de la Silverberg. Ou plus exactement, ne put que deviner par ce qu’il était incapable de dicerné toute l’imensité de la Silverberg. L’immense caverne dans laquelle se trouvait cette partie de la cité semblait n'être qu’une parmis d’autres, dont Arion ne pouvait voir que les issus, de grandes portes similaire à celle qu’il avait traversé plus tôt, et donnant sur d’autres rues tout aussi large, d’autres cavernes tout aussi vastes…

 Finalement, Paflos et Arion s'arrêtèrent dans une auberge, au cœur de la première caverne. Même si elle n’était pas située sur les grandes artères de la cité et qu’elle ne semblait pas être à la pointe du raffinement légendaire des nains, c’était tout ce qui restait de la maigre solde de Paflos qui était parti dans la location de deux places dans un lit. Qu'à cela ne tienne, ils n’avaient de toute manière pas prévu de rester plus d’une nuit a Silverberg. Les deux hommes passèrent ainsi le reste de leur soirée dans la grande salle de l’auberge. Autour d’eux, l’ambiance était similaire à celle de la taverne d’Alpénas. Des individus de toute races s’imbibaient en entonnant des chants qu’Arion devinait particulièrement vulgaires. A la table derrière celle d’Arion et de Paflos, trois nains et un halfelin –à moins que ce ne fut qu’un gros nain forcé à se raser à la suite d’un pari– jouait a une sorte de jeu de carte dont le but à première vu était de tricher le plus possible. Il y avait aussi des femmes, beaucoup de femmes, qui arraisonnaient les clients les plus ivre et ayant l’air les plus riches. Sans aucun doute des prostituées en service, avait dit Paflos à son ami. C’était la seule différence qu’Arion avait vu avec la taverne d’Alpénas, qui bien qu’elle eut des défauts ne péchait pas par luxure. Alors que la soirée allait crescendo dans l’alcool et le stupre, les deux hommes partirent se coucher. Sans parler de la fatigue, Ni l’un ni l’autre n’était d’humeur à s'amuser. Arion ne pensait qu’au lendemain. Il allait rencontrer un vrai magicien, une personne qui pourrait lui apprendre plus sur ce symbole, sur ses rêves. Il était proche de voir ce voile tomber, il en était sûr.

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