Prologue - corbeau de bitume.
La nuit enveloppe les gratte-ciels, leurs néons en veilleuse dans cette ville aux mille anonymats. Surplombant le trottoir de son ombre longiligne, une jeune femme haute perchée sur des jambes allumettes gratte le sol de ses bottes d'armée empoussiérées. Ses épaules osseuses sont enveloppées d'un blouson de cuir ayant fait la guerre. Une sale gueule perce sous un voile de boucles sauvages. Elle plonge les mains dans les poches de son jeans pour en extirper un paquet de clopes amochées, en pose une contre ses lèvres craquées et lui met feu d'un briquet sorti de sa manche. Ses traits creusés sont assombris par les braises de sa cigarette. Son regard est éteint.
À force de revenir, on finit par se perdre entre ailleurs et ici.
Le hall d'entrée d'une tour à appartements est éclairé d'une ampoule qui grésille au rythme des passants, peu soucieuse d'être inutile, chose parmi un monde d'humains-objets. La brune écrase sa cigarette contre les marches, mise à mort d'un vice perpétuel. Ses phalanges hésitent un moment, dans le vide, entre sa poche et le panneau des résidents, chaque nom accompagné d'une sonnette. Un index à l'ongle jauni finit par se poser à contrecoeur contre le bouton du trois centre quatre.
Un bruit vibrant suivi d'un déclic métallique indique qu'on lui offre l'asile.
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