Perfect day (**)

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Pour Vivi, l'effet de surprise ne dura qu'un instant, assez pour qu'elle ait une confirmation de ses soupçons. La jolie brune apparue au pied de l'escalier devait être l'une des raisons des absences de son père. « Crétin » soupira-t-elle, satisfaite. Au moins il ne s'obstinerait plus à la dissimuler.

— Putain, tu m'as fait peur !

L'adolescente avança péniblement, en sautant et en se tenant contre le mur. Enfin, elle revint dans la pièce qu'elle occupait.

— Tu t'es cassée une jambe ? demanda la nouvelle venue, remarquant son plâtre.

— Non, mon père m'a plâtrée pour que je ne m'échappe pas, répondit-elle, la mine grave.

La jeune femme écarquilla les yeux quelques instants, puis sourit.

— Tu me fais marcher...

« Bravo, Einstein ! » pensa Vivi. Elle faillit répliquer par une autre moquerie ou, mieux, un reproche contre son père – le choix était vaste. Comme elle préférait que son paternel l'entende, elle garda le silence et observa la jeune femme, intriguée. Elle ne s'attendait pas à quelqu'un d'aussi jeune, d'un type à l'opposé de sa mère : cheveux bouclés d'un noir de jais. D'où se connaissaient-ils ? s'interrogea l'adolescente. S'était-il payé une pute de luxe ou était-ce une de ces nanas qui fantasmaient de sortir avec un médecin ? Peu importait la raison, pour Vivi, seule la réaction de sa mère comptait. Dans son imagination, elle la voyait offusquée, jalouse, surprise, réalisant que lui aussi pouvait faire comme elle.

En attendant ce moment jouissif, la jeune fille voulut savoir si elle était la fameuse Parker.

— Parker ? susurra mélodieusement la nouvelle venue, comme si elle se parlait à elle-même. Non, je ne suis pas Parker, mais j'ai un K dans mon nom...

Vivi s'attendait à plus, mais la brunette n'ajouta rien et continuait à la fixer, d'un sourire qu'elle jugea débile. « Mais quelle conne ! » ragea-t-elle en son for intérieur alors qu'elle hésitait entre pénétrer dans sa chambre de fortune ou rester plantée là.

— Et mon père ?

La jeune femme remonta d'une marche et dodelina de la tête, comme si elle était en grande réflexion, arborant toujours un sourire que la jeune fille trouvait de plus en plus agaçant.

— Papa est fatigué, il se repose un peu. Il m'a demandé de venir te voir, pour que tu ne te fasses pas de soucis.

— Fatigué de faire quoi ? la questionna-t-elle en haussant les sourcils.

Comme si cela l'intéressait ! Vivi revint dans la pièce et s'installa sur le canapé. L'invitée la suivit.

— Wow ! C'est super ici ! s'exclama-t-elle en s'extasiant devant l'écran géant et la décoration de la salle. Il t'a laissée ici toute seule ?

Vivi affirma par un hochement de tête, se retenant à nouveau de répondre par le sarcasme face à ses capacités déductives. En la détaillant, elle remarqua qu'elle portait ses chaussures de ski encore humides, laissant des traces sur la moquette. Elle fut étonnée que son père ne lui ait pas demandé de les enlever. Après tout, ne voulait-il pas éviter de laisser la moindre trace de leur passage ? Comme si l'invitée s'était avisée de ce constat, elle ajouta :

— T'inquiète pas, je vais tout nettoyer. Bon, je remonte me changer et on regardera un film. Je suis crevée !

— Et donc, t'es qui, toi ?

— Appelle-moi, Mademoiselle K.

« Mais quelle conne ! » pensa la jeune fille tandis qu'elle se précipitait sur son téléphone portable. Elle choisissait déjà les mots appropriés pour envoyer un message bien cinglant à sa mère.

*

Charlotte remonta les escaliers pour revenir dans la cuisine. D'en haut, elle observa les traces humides laissées par ses pas et soupira, agacée. Définitivement, ces uber lui donnaient du travail supplémentaire. Quant à la jeune fille, elle lui paraissait inoffensive, lui rappelant l'époque où sa vie avait basculé.

Mais c'était son propre présent qui l'intéressait. Cette fois-ci, elle se sentait visée personnellement et voulait obtenir des réponses. Comment l'avait-on retrouvée ?

Pour cette intervention, elle s'était équipée en conséquence. Bien que la motoneige l'ait rendue visible, c'était un risque qu'il lui fallait prendre pour avoir un temps d'avance.

Afin de vérifier le bien-fondé de ses soupçons, une fois sa mission accomplie, elle s'était déplacée jusqu'au fameux chalet mentionné par Tom. Un poil joueuse, elle avait laissé son engin en évidence, stationné devant l'entrée principale. Puis, elle avait fait le tour des lieux. Depuis la terrasse, elle avait une vue de l'intérieur vide. « Il ne devrait pas tarder », avait-elle pensé en faisant volte-face pour contempler le Pic de Mehlsack.

Dissimulée derrière les arbres du sous-bois, elle guetta sa proie en dégustant une barre énergétique, surveillant de temps en temps ses arrières. Finalement, elle avait aperçu l'arrivée d'un skieur. Sa tenue était bien la même que celle de l'individu aperçu la veille ; de plus, il portait un fusil, qu'il avait laissé aussitôt au garage avec les skis. Visiblement affolé, il s'était précipité vers la porte principale.

« Voici mon homme », s'était-elle dit. La vue de la motoneige avait fait son petit effet, s'était-elle réjouie. Tout de même, Charlotte s'était étonnée que sa cible ne soit pas entrée directement par le garage ni pourquoi il n'était pas revenu prendre le fusil. Pourquoi, au lieu de ces réactions sensées, s'était-il obstiné à ouvrir l'entrée principale ? Y avait-il quelqu'un dans le chalet, quelqu'un qu'elle n'avait pas vu ?

Elle avait décidé d'enquêter sur cette supposition plus tard, la jeune femme avait empoigné son arme, visé et appuyé sur la détente. La détonation particulière du pistolet à air comprimé avait alerté sa proie, qui s'était d'ailleurs penchée pour ramasser quelque chose. Charlotte avait pesté à nouveau de s'être loupée, car elle avait vu sa cible repérer la fléchette au sol, intrigué. Sans lui laisser de répit, elle avait tiré de nouveau, son dernier coup.

« Putain ! »

Avant que sa cible n'ait pu réagir autrement que par un juron, un dard s'était logé dans sa cuisse, qu'il avait arraché aussitôt. « Trop tard pour toi », s'était-elle dit en jetant le pistolet hypodermique et s'emparant de son Glock 21. Elle était sortie de sa cachette, en le pointant, pistolet en main. Sa proie s'était débattue quelques instants pour rester debout et tenter d'ouvrir la porte, malgré une main tremblante prise par des secousses involontaires.

— C'est quoi ce truc ?! hurla-t-il, la voyant arriver.

Sa main avait fini par lâcher la clé, son autre jambe avait flanché. Il s'était appuyé contre la porte et avait glissé jusqu'à rester en position assise. La jeune femme s'était approchée et s'accroupit face à lui pour l'examiner.

— Vivi... s'il vous plaît..., avait-il gémi dans un dernier effort pour contrôler ce corps qui ne lui répondait plus, d'un esprit qui s'éteignait sans savoir comment protéger sa fille.

Charlotte avait ramassé la clé, s'interrogeant sur ces mots. Elle avait fixé ses yeux. Il s'agissait bien du même homme, néanmoins, son regard vide ne l'impressionnait plus. Elle l'avait pris par le menton en répétant des « chut » apaisants. Une seule question la taraudait :

— Qui vous envoie ?

— Vivi... ma fille..., avait-il dit avant de perdre connaissance.

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