35. Chaine du Grand-Nord
Au nord-est du Royaume de Lyis, des montagnes immense se dressait à l’horizon : la chaine du Grand-Nord. La neige recouvrait la majeure partie de ses massifs. Peu s’aventuraient dans ces hauteurs inquiétante car une partie de la chaine semblait disparaître dans le Voile des âmes perdues. Certains disaient que suivre ces massifs mènerait directement au Royaume des morts.
Et au milieu des roches et de la neige, de la fumée s’élevait dans les airs et disparaissaient dans les nuages. Aux pieds de ces montagnes, loin de la vue de tous, se cachait Randar, une cité de Kaaïn.
« Chante-t-elle toujours ? » demanda un homme encapuchonné se tenant devant l’entrée d’une grotte.
« Si par ‘elle’ tu veux dire l’animal qui est sortie du Voile, alors oui Grog, elle chante toujours. » Répondit Moïra, un foulard cachant la moitié de son visage et ses cheveux.
« Neemah l’a appelé Irène. »
« Peut-être que cette chose avait un nom autre fois, mais désormais ce n’est rien d’autre qu’une bête. »
« Mais elle chante, ses mots sont clairs. »
« Et répète toujours la même chose et ne dit rien d’autres. Viens, on va la voir, tu comprendras. »
Grog lui lança un regard inquiet puis entra dans la grotte où la lumière n'existait pas. Pourtant, l’homme voyait bien dans l’obscurité. Comme tous les Sahir et Sahira, l’obscurité était leur monde. Ils ne supportaient pas la lumière du soleil tant elle brulait leur peau et irritait leurs yeux.
La grotte était profonde et un long tunnel s'y creusait. À l’entrée, il sentit une odeur désagréable mais celle-ci s’intensifia à mesure qu’il marchait, devenant nauséabonde. Il marcha longtemps avant de voir le bout. L’odeur était désormais si intenable, qu'il s'arrêta de respirer par le nez. Puis il arriva dans une pièce vide, illuminée par une petite bougie à même le sol. Grog se tourna et sursauta.
Devant lui se tenait une créature telle qu’il n’en avait jamais vu avant. Silhouette humaine mais corps de bête, l’animal était debout sur deux pattes et était aussi grand que lui. Son visage était totalement défiguré par de profondes cicatrices et des brulures, sa peau couverte d’une épaisse et hideuse couche de poiles d’où émanait parfois un liquide gluant et visqueux d’une couleur jaunâtre. Ses mains et ses jambes n’en n’étaient pas vraiment : c’étaient plutôt des pattes, ressemblant quelque peu à des membres de loup. De longues griffes noirâtres dépassaient de chaque ongle tel des griffes d’aigles.
La créature le regardait de ses yeux noirs ensanglantés sans vraiment le voir. Il avait comme l’impression qu’elle voyait à travers lui, ou qu’elle apercevait quelque chose qu’il ne pouvait pas voir. Il n’était pas aisément effrayé mais il sentit tous ses poiles s’hérisser. Grog n’avait jamais rien vu de tel. La bête ouvrit sa gueule, révélant de longues canines et une haleine fétide. Le grognement qui en sortit n’avait rien d’humain. Grog ne savait pas si elle essayait de parler ou si elle voulait lui faire peur.
Puis la bête s’accroupit sur ses quatre pattes. Pendant un instant, il crut entendre des pleurs. Grog n’osa pas trop s’approcher. Puis le chant commença. Au début, il ne comprit pas les mots. La voix de l’animal semblait mélanger grognement et parole. Puis ils devinrent clairs :
« Oh compagnon d’antan, prends-moi dans tes bras doux.
Le vent marin ne rapporte que de douces horreurs.
Dans cette nuit acide, désespoir, bas toi, restes debout.
Aie pitié, ne me laisses pas, sans toi j’ai si peur. »
La bête répéta encore et encore les quatre mêmes lignes.
« Tu comprends maintenant ? »
Grog se retourna pour retrouver Moïra. Il acquiesça.
« Souli a-t-il était prévenu ? »
« Pas à ma connaissance. Neemah veut essayer d’en apprendre plus d’abord. »
« Très bien. Essayons de cacher cela aux sentinelles le plus longtemps possible. Une fois Souli au courant, on ne pourra certainement plus s’en approcher. »
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