44. Samaël
Juste après la réunion, Samaël se précipita vers la cour d’entrainement, espérant y retrouver Lira encore. Il dévala les marches en vitesse, accélérant le pas lorsqu’il entendit le bruit métallique d’épées s’écrasant l’une sur l’autre.
Le prince arriva enfin pour voir un attroupement autour d'un duel. Il trouva Lira en plein échange avec Jaël de Graaf, le garçon qui avait fait partie de son équipe à l’épreuve de transition. Il ne l’avait plus revu depuis, ayant rejoint l’Académie Navale de Kavero. Cela faisait presque deux-ans maintenant, et Jaël avait quelque peu changé. Plus musclé, particulièrement au niveau des bras et des cuisses, il semblait aussi nettement plus assuré avec son épée, si bien même qu’il tenait tête à Lira.
« Depuis combien de temps cela dure-t-il ? » demanda Samaël à voix basse pour ne pas distraire les duellistes.
La fille devant lui regardait l’échange, concentrée. Elle jeta un bref coup d’œil vers lui et se figea presque. Elle baissa la tête en guise de révérence.
« Il me semble que cela fait presque quinze minutes, altesse. »
Une qui ne bégaye pas en me répondant ? Pas mal. Il l’observa un instant, admirant ses beaux cheveux bruns attachés en queue de cheval, révélant sa nuque. Il remarqua qu’on pouvait voir le pouls battant de son artère du cou. C’était quelque chose qu’il aimait voir chez les gens, souvent mince ; parfois, il parvenait à voir l’accélération des battements lorsque la personne mentait ou qu’elle était stressée, mais ce n’était pas évident.
« Tu paries sur qui ? » Demanda-t-il.
Elle tourna la tête encore vers lui. Il lui semblait l’avoir déjà vue avant mais il ne se souvenait pas où. La jeune fille n’était certainement pas dans sa classe ni son académie, si bien qu'elle paraissait de quelques années son ainée.
« Sans hésitation : Jaël. C’est le meilleur à l’Académie Navale de Kavero. »
« Ah, vraiment ? »
« Regardez, il a repéré son point faible ; bras gauche, en contre-pied. A chaque fois qu’il change de cadence pour la faire pivoter, il gagne du terrain. Il se concentre encore et encore dessus maintenant. Ça sera plié en quelques minutes. »
Samaël sourit en voyant les coups habiles de l’un et de l’autre. C’est vrai que Jaël s’était amélioré. Il était rapide et ses gestes assurés, précis, ne s’affaiblissaient pas.
« Tu n’as jamais vu Lira se battre avant, je me trompe ? »
La fille secoua la tête.
« C’est ma première fois ici, Altesse. »
Tout comme avec Ayah, il put voir le mensonge sur son visage au moment où elle prononça ses mots. Pourquoi les filles me mentent-elle toutes ?
« C’est toujours fascinant comme Lira a cette capacité presque surnaturelle de faire croire à son adversaire et à quiconque regarde, qu’elle est en position de faiblesse. Je l’ai vu en duel plus de fois que je ne puisse compter, et l’issue était toujours… fatale. »
Il murmura le dernier mot à son oreille et put voir le pouls battre plus nettement à travers son artère. Amusant.
Au même moment, il entendit Jaël trébucher et vit Lira le désarmer d’un mouvement soudain. Son épée vola dans les aires et elle la rattrapa dans son envol avant d’emprisonner son adversaire en croisant les deux épées autour de son cou.
« Otih. » dit Samaël tout bas.
Tout le monde applaudit, la fille devant lui y compris. Elle se retourna.
« Impressionnant. Une minuscule erreur, c’est tout ce dont elle eut besoin. »
« Hmm… »
Il vit Lira aider son adversaire à se relever et lui tendit son épée. Ils discutèrent un moment, Lira riant aux éclats. Samaël ne put s’empêcher de sentir une pointe de jalousie. Elle ne rit jamais à mes blagues à moi… Agh, ne sois pas ridicule ! Ce n’est qu’une conversation entre deux collègues… Il baissa les yeux vers la fille toujours devant lui.
« Tu ne m’as pas dit ton prénom. »
« Mallaë, Altesse. »
Un nom si peu commun… Le souvenir lui reveint d’un coup.
« Mallaë : la fille qui m’avait donné une raclée à mon premier duel à l’école primaire ! »
Elle sourit.
« Je pensais que vous ne vous en rappelleriez pas. »
« Mais comment pourrais-je oublier ? J’en fais encore des cauchemars. »
« J’espère bien, votre technique était des plus déplorable, Altesse. »
Il la regarda, les yeux ronds, puis éclata de rire.
« Dis-moi, Mallaë, accepterais-tu un verre du meilleur élixir du Royaume dans le sublime jardin privé du Palais ? »
« Avec grand plaisir, Altesse. »
Il hocha la tête et jeta un coup d’œil vers Lira qui souriait à Jael, avec un regard qui en disait long. Elle s’apprêtait à s’en aller avec ses amis, ce dernier sur leur pas. Mais vas-y, couche avec lui si tu veux, comme si j’en avais quelque chose à faire…
« Sais-tu qui a conçu ces jardins exceptionnels ? » dit-il à Mallaë.
Elle secoua la tête, un petit sourire curieux aux lèves. Samaël sentit que Lira était sur le point de se retourner vers lui. Alors, d’un geste subtil, il posa sa main sur le bas du dos de la jeune fille et tous les deux quittèrent la pièce.
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