47. Samaël

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L’odeur subtile d’un parfum fruité le réveilla ce matin-là. Il vit Mallaë assise sur le bord du lit, alors qu’elle remettait son chemisier. Elle se leva et il put contempler ses jambes minces, un peu trop à son gout, et s’attarda sur son magnifique derrière. Il eut presque envie de l’agripper encore une fois avant qu’elle ne parte, mais elle fit un pas, esquivant son mouvement.

« N’as-tu pas cours ce matin, dis ? » demanda-t-elle avec un petit rire.

« Hmm… J’avais cours hier et avant-hier aussi, mais vois-tu, j’avais des choses bien plus importantes en tête et si peu de temps pour les faire. »

Elle s'esclaffa.

« J’aurais aimé rester plus longtemps, crois-moi, mais je dois repartir. »

« Ne peux-tu pas t’absenter une seule journée ? »

« Navrée, mais moi je ne peux pas rater mes séances au risque de me faire expulser de l’Académie. Ce serait bête, sachant qu’il ne me reste plus qu’un an pour finir. »

Samaël eut presque envie de lui dire qu’elle n’en aurait pas besoin si elle restait avec lui, mais il se reteint. Qu’est-ce qu’il lui prenait de penser ça ? Il savait déjà qui serait son épouse et ce n’était pas elle.

« Je reviendrai dès que je pourrais. »

Son sourire plein de promesse fit réagir tout son corps. Peut-être pourrait-elle être sa maitresse quand il serait Roi… C’est vrai, le moment arrivé, il pourrait faire ce qu’il voulait. Qui l’en empêcherait ? Certainement pas son père.

Mallaë lui jeta un regard amusé et finit de se préparer en attachant ses cheveux avec une queue de cheval serrée.

« Te voilà prête pour le combat. »

Elle se retourna.

« Prête pour donner des raclées à mes prochains adversaires. »

Mallaë lui fit un clin d’œil et il dû faire appel à toute la retenue qu’il avait pour ne pas la ramener de force dans son lit. Elle mit enfin son insigne de l’Académie Navale, tout sourire.

« Ce fut un plaisir, mon prince. »

Elle fit une révérence et s’en alla.

Samaël s’écroula sur son lit, observant le plafond un moment. Il n’allait certainement pas aller à l’Académie maintenant, mais il restait tant de choses qu’il voulait faire. Il se leva et s’arrêta devant le miroir, le regard plein de déception.

« Heureusement que tu es prince, avec cette sale tête, tu n’irai pas loin. »

Il soupira et se retourna pour s’habiller avant de filer habilement de sa chambre, par son balcon. Première étape: la Citadelle. Il voulait voir Ayah. Depuis qu’il l’avait rencontré, Samaël était persuadé qu’il l’avait déjà vue auparavant. Il avait cette vive impression qu’il la connaissait, lui qui avait une excellente mémoire pour les visages. Mais ce qui l’intriguait, c’était qu’elle avait menti lorsqu’il lui avait demandé. Qu’avait-elle donc à cacher ?

Il arriva à la Citadelle et demanda au Feis Nona à l’entrée de voir Ayah. Quelques instants plus tard, celle-ci apparut à la porte, un large sourire aux lèvres.

« Que dirais-tu d’une petite escapade à l’extérieur de la cité ? »

La jeune fille écarquilla les yeux. Elle ne disait jamais non à un peu d’aventure.

Après avoir traverser discrètement la cité, ils sortirent par le passage habituel et arrivèrent rapidement dans la taverne du Rikusentar. Ils s’assirent dans un coin discret et commandèrent de l’élixir.

« Est-ce vrai ce qu’ils disent dans les journaux : le prince du Cricks est en route vers Lyisstad ? »

Il acquiesça et but quelques gorgés d’élixir. Il remarqua qu’un garçon à la table à côté ne cessait de jeter des coups d’œil vers lui depuis qu’il s’était assis. Lorsqu’il croisa son regard cette fois, le jeune homme se figea et baissa la tête avec un petit sourire nerveux, les joues rouges. Ah, un admirateur… devina-t-il.

« Samaël ? »

Il leva les yeux vers Ayah.

« Hmm ? Désolé, j’étais distrait. Tu disais ? »

« Sais-tu ce qu’il veut ? »

Le garçon derrière ? Des choses que je ne peux lui offrir, pensa-t-il.

« Qui ? »

« Le prince du Cricks. »

Certainement pas sauver son père, ça je te le dis. Qu’est-ce que j’aurais fais-moi ? Conclure des accords ? Préparer le terrain pour une prochaine guerre ?

« Aucune idée. » répondit-il finalement.

Ayah haussa les sourcils.

« Je vois. »

Elle savait qu’il ne lui disait pas tout. Parfois, le prince oubliait qu’elle était loin d’être stupide. Elle travaillait à la Citadelle après tout…

« C’est la vérité, on ne sait pas ce qu’il veut. » reprit Samaël. « La Lyis n’a que des relations commerciales avec le Cricks. Il n’y a plus eu d’échange diplomatique entre les deux royaumes depuis la Guerres des dix-milles âmes. »

« Hmm… »

Elle prit une petite gorgée de son élixir. Il avait remarqué qu’elle buvait peu et ne finissait même pas un gobelet. N’aimait-elle pas ce breuvage ou préférait-elle rester le plus lucide possible en sa présence ? Pas stupide du tout…

« Alors, à part étudier à la Citadelle, qu’est-ce qu’une ravissante jeune fille du Brahaum fait de son temps libre ? »

Ayah se figea et Samaël voulut rire en voyant qu’elle baissait les yeux exactement de la même façon que le garçon à côté. Il était certain que si elle avait la peau plus claire, il l’aurait vu rougir.

« J’aime lire, me balader dans les ruelles de la cité. »

« Et pas de sortie avec ton amoureux ? » dit-il en faignant la surprise totale.

Elle s’esclaffa.

« Mon amoureux ? C’est comme ça que vous appelez ça à Lyisstad ? »

« Seulement les enfants. »

Ayah se pencha en avant.

« Ai-je l’air d’une enfant, Altesse Royale ? »

Elle avait murmuré les derniers mots d’une façon qui le déstabilisa complètement. Il ne s’était pas attendu à une telle réponse de sa part, elle qui semblait si réservée. Le prince n’appréciait guère les gens timides, encore moins les filles timides. Ce qu’il aimait par contre, c’était les gens imprévisibles, et Ayah n’était pas à court de surprise.

« Certainement pas. »

Ayah rit et se redressa.

« Excuse-moi, je ne voulais pas te mettre mal à l’aise, je ne sais pas ce qu’il m’a pris. »

Ce qu’il t’a pris c’est que tu fais tout pour attirer mon attention… Et tu as réussi.

« Ne t’excuse pas voyons, c’est moi qui n’aurais pas dû poser une question si déplacée. »

Ils discutèrent de tout et de rien. Il n’avait jamais posé des questions sur son passé, ni ce qu’elle faisait dans la Citadelle. Samaël se doutait qu’elle mentirait. De plus, ça n’apporterait rien d’autre que d’augmenter sa vigilance. Mais il ne pouvait s’empêcher de se dire que toute son histoire était fort étrange : le Maître de la Citadelle semblait lui accordait une grande confiance.

Le prince avait en effet appris par l’intermédiaire d’Ary, qu’elle séjournait depuis quelque temps dans la Citadelle alors même qu’elle n’était pas une Feis Nona. Elle avait été aperçue à ses côtés à plusieurs reprises. Ary n’avait rien su lui dire de plus. C’était fort étonnant. Certes, il arrivait que le maitre autorise l’accès à la Citadelle à ses collaborateurs mais pas au point de leur permettre d’y séjourner. Ce monument était un lieu intouchable, sacré. Personne n’osait poser de question. Samaël n’aimait pas ça : c’était louche. Peut-être qu’Ayah pourrait lui apprendre plus sur le sujet. Peut-être qu’une lune, s’il réussissait à gagner sa confiance, elle se confierait à lui. Il n’était certes pas encore Roi, mais il avait déjà le devoir de protéger le royaume et il était persuadé que le maitre n’était pas un allié.

Dehors, le soleil était en train de se coucher. Samaël devait retourner à Lyisstad avant que les gardes ne se mettent à sa recherche.

Lorsqu’ils sortirent de la taverne, le prince se figea : un groupe d’homme armés les attendait à la sortie. Comment avaient-ils su qu’il était là ? Il avait pourtant été discret. Samaël brandit son épée. Ils étaient cinq. Il n’y avait personnes d’autres à des dizaines de pas à la ronde. Ils étaient livrés à eux même.

« Regardez-moi ça, on dirait que le petit prince se serait égaré loin du château de papa et maman » s’exclama un des hommes, une épée à la main.

Ils ricanèrent tous. Samaël observa chacun d’eux. La plupart brandissait une épée, certain une hache, d’autres de simple couteau. Mais le problème réel était qu’ils étaient trop nombreux.

« Pour une fois qu’il est sans sa bande d’ami… » déclara un autre.

Samaël réfléchissait à tous les moyens possibles pour s’en sortir de cette situation. Il ne pouvait pas les combattre tous, d’autant plus qu’il devait aussi protéger Ayah. Celle-ci se tenait à ses côtés, le regard inquiet. Elle se pencha vers lui et chuchota :

« Samaël, retourne dans la taverne. J’essayerais de les distraire. »

Elle s’avança mais Samaël l’attrapa par la main.

« Ne sois pas stupide. Tu n’as pas d’arme, il n’y a rien que tu puisses faire. »

« Oh, quelle brave jeune fille ! Tu veux protéger ton bien aimé ? » l’interpella un homme avec une hache à la main.

« Mais avec quoi tu comptes faire ça, tes jolies petites mains peut-être ? » ajouta un autre en éclatant de rire.

« Qu’est-ce que vous voulez ? » demanda Samaël.

« Tiens, tiens, qu’est-ce qu’on pourrait bien vouloir du fils de l’homme le plus riche et le plus puissant du royaume ? » répliqua le premier.

Samaël sortit une bourse remplit et la jeta à leurs pieds.

« C’est de l’or que vous voulez ? Tenez. Maintenant laissez-nous partir. »

Le groupe explosa de rire. Tout d’un coup, un autre homme surgit par derrière et attrapa Ayah, l’emprisonna dans ses bras. Un deuxième s’élança vers Samaël en brandissant son épée. Il réagit rapidement et en quelques coups d’épée, il parvint à le désarmer. Deux autres hommes l’attaquèrent des deux côtés. Samaël sortit une dague de sa poche et la jeta sur l’homme à sa droite, l’atteignant à l’abdomen. Il esquiva le coup de l’homme à sa gauche mais à peine eut-il le temps de le désarmer à son tour, qu’il sentit une douleur intense au niveau de ses reins. Quelqu’un l’avait poignardé par derrière.

Il donna un coup de pied à l’homme à sa gauche et pivota tant bien que mal pour transpercer avec son épée son attaquant. Samaël l'atteint droit dans le cœur, lui qui ne s’attendait à le voir s’écrouler. Un autre homme s’avança devant. Le prince brandit difficilement son épée, alors que la douleur devenait difficilement supportable. L’homme réussi à le désarmer et lui planta un couteau dans le ventre, le faisant gémir de douleur. Samaël perdit l’équilibre et s’écroula, à mesure que ces saignements s’amplifièrent.

« Idiot ! Qu’est-ce que tu as fait ? » s’écria un des hommes.

« Comment on va demander une rançon maintenant !? »

« Merde ! »

Ayah hurlait derrière, toujours emprisonnée dans les bras de l’homme. Elle se débattait, en vain.

« Qu’est-ce qu’on fait ! » hurlait un autre homme.

Ils se dévisagèrent et d’un coup, ils s’enfuirent comme un seul homme. Celui qui tenait Ayah la relâcha et suivit les autres. La jeune fille se précipita vers Samaël qui gisait sur le sol. Une flaque de sang commençait à se former autour de lui. Elle le prit dans ses bras, les larmes aux yeux. Celui-ci sourit.

« Pourquoi tu pleures ? Tout ira bien. Les dieux sont avec moi. Ils vont me sauver, tu vas voir. »

Ayah le dévisagea, les yeux plein de désespoir et de colère. Elle leva les yeux vers le ciel, l’air de réfléchir. Elle soupira puis baissa la tête, le regard triste.

« Tout ira bien » murmura-t-elle.

Elle ferma les yeux et commença à chantonner dans une langue étrange. Bizarrement, son chant lui sembla familier, apaisant. Sa tête tournait, Samaël se sentait si faible. Ses pensées étaient chaotiques et réfléchir devenait douloureux. Mais où avait-il entendu ce chant mystérieux ?

Soudain le souvenir resurgit dans sa mémoire comme une claque sur le visage. Il avait déjà entendu ce son. Une seule fois, il y a bien longtemps. Cette lune où il avait failli mourir. Il n’y avait aucun doute là-dessus. C’était elle : la fille qui l’avait sauvée du poison mortel. Son Ange Protecteur.

Il sentit une énergie douce et agréable l’envahir. La douleur au niveau de ses reins et de son ventre disparut petit à petit. Elle le serra encore plus fort dans ses bras, et il sentit la vague de Lunsor qui l’enveloppait, s’intensifier autour de lui. Elle était enivrante, d’une douceur hypnotisante. Il la regardait, émerveillé. Les larmes coulaient encore sur le visage de son Ange. Il ne comprenait pas. Pourquoi pleurait-elle ? Pourquoi était-elle triste ?

Puis elle passa sa main sur son visage, lui fermant les yeux, et il perdit connaissance.

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