Chapitre 14A: mai - juin 1765
Au mois de mai, je fêtais mes quinze ans, mais je ne reçus rien de la part de Camille. Fin mai, il n'y avait toujours rien, et même début juin. Que se passait–il ? Si l'enfant était mort, Camille m'aurait quand même envoyé une lettre. Mais je n'eus rien, et l'été commençait, nous n'avions plus de cours jusqu'au premier août. Tous les jours, j'attendais la lettre de Camille, mais rien. Nous avions le droit durant l'été de sortir en balade à Paris, mais je n'en éprouvais pas l'envie. Je rêvais sur mon lit, mais c'était bien ennuyeux, j'avais toujours l'espoir de recevoir une lettre et je ne croyais pas Camille capable de m'oublier ainsi du jour au lendemain, quelque chose d'important avait dû se passer.
Ce fus la consécration lorsqu'une lettre arriva enfin, datée de début juin.
Chère Louise,
Pourquoi ne répondez-vous pas à ma lettre ? Si c'est parce que vous avez perdu au pari, moi aussi j'ai perdu, ça arrive à tout le monde. Le bébé grandit bien, et en tant que dernier de la fratrie, il est chouchouté. Cet été, nous n'allons rien faire de spécial ? Bon courage.
Camille.
En lisant sa lettre, je compris qu'elle avait été perdue, car j'avais l'impression désagréable d'avoir raté un chapitre. Ce qui me rassurais, c'était de savoir que le bébé était en bonne santé, le fait d'avoir perdu mon pari était secondaire pour moi, je m'en fichais. Je renvoyais rapidement une lettre à ma sœur.
Chère Camille,
Votre lettre ne m'est jamais parvenue, alors j'aimerais savoir : Quand le bébé est t - il né ? Comment s’appelle-t-il ? Si je ne vous répondais pas, c'était parce - que j’attendais votre réponse. Je m'ennuie cet été, alors je risque de beaucoup vous écrire. Nous avons le droit de sortir l'été.
Louise.
Chère Louise,
Comment se fait t-il que vous n'ayez pas reçu ma lettre ? Georges-Henri est né le vingt-neuf mai, c'est un très beau bébé, mais France passe davantage de temps chez elle, et nous les voyons moins.
Détachez un peu vous de moi Louise–Victoire, vivez votre vie, profitez, je ne serai pas toujours là ma sœur, je ne répondrai plus à vos lettres, j'estime que si nous avons quelque chose d'important à nous dire, nous nous écrirons, mais pour l'instant, ce n'est pas très important. Profitez donc de la vie, de vos amies, de Paris, de l'été, du soleil !
Camille
Je fus secouée par la réponse de Camille, mais elle m'ouvrit les yeux sur quelque chose d'important. La vie était courte, et si je passais mon temps à vivre sur le dos de ma sœur, je le regretterais plus tard, quand il sera trop tard. Alors je décida de sortir me promener à Paris, la ville était belle, sous le ciel bleu, j'arpentais les rues, une légère brise me caressait le nez, c'était agréable. Soudain, je tombais sur une petite affiche, presque effacé par le temps, qui indiquait.
'' Venez ici faire tirer votre portrait, résultat garantie en une journée seulement, dispositif unique''
Je décidais d'y faire un tour, par une étroite et sale ruelle, je passais, puis je tombais sur plusieurs portes, sans savoir vers laquelle me diriger, j'appelais à la fenêtre en espérant me faire entendre :
—''Y - a-t-il quelqu'un ici ?
Une femme apparue à la fenêtre :
—''Bien le bonjour mademoiselle, que puis-je faire pour vous ?!
—''C'est ici pour le portrait ?!
—''Non c'est à côté, il va vous ouvrir !
En effet, un vieil homme m'ouvrit la porte, il m'invita à rentrer, je ne savais pas dans quoi je m'engageais.
Il commença à me parler :
—''Vous êtes la première personne qui soit intéressée par mon offre ! Je suis ravi que ce soit une jeune demoiselle aussi fraîche et jolie.
Je me sentais intimidée et je me demandais vraiment ce qu'il m'avait passé dans la tête.
—'' Voyez, je travaille depuis des années sur un dispositif de photosynthèse qui immortaliserait les gens grâce à la lumière, et je viens de réussir à obtenir un résultat, seulement, j'avais besoin d'un modèle extérieur, et vous voilà, comme par magie !
—''En quoi consiste t–il ? Je dois rentrer au couvent ce soir avant dix-neuf heures.
—'' Ne vous inquiétez pas, quelques heures suffiront amplement à vous immortaliser. Vous êtes prête ?
Il me fit entrer dans la pièce noire, je m'installais sur le tabouret à tâtons, dégageais mes cheveux et cessais de bouger. Comme il faisait noir, je ne vis rien de la suite. Ce fus extrêmement long, et j'eus peur de rentrer en retard au couvent, mais l'expérience en valait la peine, je serais peut - être la première personne photosynthèse de l'histoire ! Lorsque ce fus fini, je donnais l'adresse de mon couvent pour qu'il me prévienne lorsque je pourrais récupérer la photosynthèse, et je rentrais très vite au couvent, il était déjà dix – huit heures quarante-cinq. Je fis de nombreux rêves cette nuit-là sur mon expérience de la journée, j'avais hâte de récupérer mon image. Malheureusement, je n'eus aucune suite.
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