Chapitre 20A: mai - août 1771
En mai et a l'occasion de mes vingt et un an, pour la première fois depuis longtemps, Camille vint me voir chez Louis accompagnée d'Auguste et Malou. L’enfant avait bien grandi, du haut de ses neuf mois, il venait de quitter ses mailles, se tenait assis seul, rampait sur le ventre et tenait debout appuyé contre un meuble ou en tenant les mains de sa mère. Ma sœur était reposée et souriante ce jour – là, pour une fois. Nous bûmes le thé agréablement, et redevînmes complices comme autrefois. En regardant les enfants jouer, je me délectais de ce bonheur innocent et naïf, j'avais envie de tout dire, de tout tenter, ma confiance était décuplée. Un peu plus tard, je lui présentais Charlotte, Camille me sembla jalouse et désintéressée, elle lui tournait même le dos lorsque mon amie lui parlait. Cela n'allait pas. Suite a son départ, je m'interrogeais sur son attitude dérangeante.
—''Que faites-vous ? Qu’est - qu’il vous prend ?
—''Je n'aime pas cette femme. C'est une hypocrite.
—''C'est mon amie, alors tâchez de faire preuve de politesse envers elle !
Camille m'avait fâché, et nous rentrâmes donc chacune de notre côté, sans même nous dire au revoir.
Je ne me souviens pas avoir offert de cadeau à Philippe pour ses six ans à la fin du mois, mais j'étais sûre qu'il eut un gros et délicieux gâteau aux fruits. Son frère en juin n'eus pas non plus de cadeau de ma part, simple question d'égalité.
Nous découvrîmes par la gazette de Louis qu'un certain Joseph Cugnot avait présenté il y a deux ans une curieuse voiture qui avançait non pas avec des chevaux mais avec une machine nommée ‘'moteur'', cela dit, avec une lieue a l'heure et quinze minutes d'autonomie, il était bien plus rapide et plus pratique de prendre les chevaux.
Les chevaux de Louis étaient abrités dans une écurie située au sous - sol de l'immeuble, ainsi que la voiture, il s'en servait peu, préférant atteler un de ses chevaux a sa petite carriole pour se rendre au travail. Quatre hongres soignés par un garçon payé pour ce travail, de coûteux chevaux, auxquels mon frère tenait beaucoup.
Celui – ci avait l'air heureux depuis plusieurs jours, il n'était pas dans son état normal. Alors que je me trouvais dans la même pièce qu'eux, il embrassait son épouse, et lui tenait la main affectueusement, dans la maison bien sûr, mais ce comportement sans pudeur m'étonnait grandement.
Auguste fêta ses deux ans en juin, son père lui offrit pour l'occasion un chapeau, une petite épée, et un uniforme de ''soldat'', que le petit garçon ne voulut plus retirer, fier comme un coq. Jamais il ne manifesta envers moi une quelconque affection, un baiser ou un câlin, un regard, tout passait par sa maman, dont il avait du mal à se défaire des jupons.
Durant tout l'été le petit manège entre Louis et Madeleine dura, jusqu'à ce que Camille arrive chez moi par surprise un jour d'août.
Sans me saluer elle me baisa la joue, et me regarda en arborant un grand sourire d'enfant, alors que je cherchais à comprendre, je la vis poser sa main sur son ventre. Je venais de comprendre sans aucunes paroles. Elle me disait qu'elle attendait son troisième enfant pour le début de l'année prochaine. Heureuse de cette nouvelle, je comprenais ce qui arrivait à Madeleine et m'empressais de faire part de la coïncidence a Camille.
— '' je crois bien que Madeleine aussi est enceinte !
—''Quelle nouvelle ! Je m'en fiche royalement.
—''Que vous arrive t - il Camille ? Vous êtes énervée ?
—''C'est juste que je n'aime pas que vous rapportiez ma grossesse à cette femme.
—''Vous vous entendez ? Vous entendez comment vous parlez de Madeleine ? Comme si c'était une étrangère ! Mais c'est notre belle – sœur Camille ! Et c'est notre frère qui va voir naître son premier enfant ! Faites semblant au moins ! Quelle mauvaise foi mon Dieu...
—''Ce n'est pas de la mauvaise foi, c'est juste que je suis sincère.
—''Ah pour le coup vous êtes sincère ! Mais je suis sûre que je vous aurais fâchée si j'avais eus la même réaction avec vous. D'ailleurs je me fiche de savoir si votre enfant est un garçon ou une fille, et s’il meurt avec vous, je n'en serais que plus heureuse. A jamais Camille. Sur ces mots je quittais la pièce en claquant la porte.
Mon Dieu je regrette horriblement ces paroles, jamais, non jamais je n'aurais dû souhaiter la mort de ma sœur et de son enfant...
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