Chapitre 5B: juin 1756

4 minutes de lecture

Mais la réalité reprit vite le dessus, et Élisabeth ne me l'avait pas cédé pour rien.

Le chien faisait ses besoins sur le sol de ma chambre, bavait sur le fauteuil de mon oncle et aboyait la nuit. Une vraie calamité que ma tante n'accepta bientôt plus.

— '' Louise, contre les nuisances de votre chien, je veillerai désormais à ce qu'il passe ses nuits au rez - de - chaussée, là où vivent les employées. Vous n'avez pas le choix, si vous refusez, ce qui serait idiot de votre part, je le ferai vendre.

L'animal restait donc désormais en bas, là où ses nuisances gênaient moins. Cela ne me dérangeait pas, je restais avec lui dehors presque toute la journée. Les employées, mécontentes, se plaignaient des grognements et aboiements nocturnes de l'animal, qui les empêchaient de dormir. Mais ma tante n'avait pas pitié d'eux.

— '' Si elles ne sont pas contentes, elles n’ont qu'à démissionner, beaucoup de gens attendent de pouvoir prendre leur place.

Le chien, qui s'attachait à moi d'une affection réciproque, m'accompagnait partout et tout le temps. Il me suivait lorsque j'allais au parc ou en promenade avec ma gouvernante.

Chaque soir, il était contraint de se coucher dans sa panière au rez- de chaussée, avec les employées. Ces derniers ne l’aimaient pas et auraient tout fait pour s'en débarrasser. De ce fait, je craignais pour la santé de mon compagnon, alors j'insistais pour qu'il puisse vive de nouveau avec nous. Mais ma tante ne voulait rien savoir.

Au mois de juin, alors qu’Élisabeth visitait une de ses rares amies, et que je n'étais pas au parc, ma tante me demanda de ranger le linge qui se trouvait sur le lit de sa fille. En empilant le linge dans ses tiroirs, je pu m'appercevoir de l'existence d'un petit cahier à la couverture dorée, caché sous une pile de vêtements.

Par curiosité, j'ouvris la première page, car il n'y avait rien d'inscrit sur la couverture.

Sur les feuilles à lignes, il y avait écrit des paragraphes entiers, d'une écriture qui était assurément celle de ma cousine. Sans savoir que ce qu'elle faisait était mal mais par simple précaution, elle cacha l'ouvrage sous sa robe s'empressa d'aller le lire dans sa chambre.

Malgré l'écriture était minuscule, Louise parvenait a discerner les mots. Dans ce un cahier intime, Elisabeth racontait sa vie, comment elle vivait la mort de sa sœur cadette, ses journées, mais aussi ce qui l'intéressait le plus : ses sentiments pour un garçon prénommé Onésime. Elle le décrivait comme doux, attentionné, racontant sa passion pour ce jeune homme de deux ans son aîné, sa rencontre et le désir intense qu'elle éprouvait pour lui depuis le début. Louise n'aimait pas particulièrement lire, mais cette histoire, écrite avec des mots simples, devint pour elle des plus passionnantes, et c'est comme ça que son récit devint son livre de chevet.

Je m'apperçu bien du moment où ma cousine se rendit compte de la disparition de son journal. Cependant, ne sachant sûrement pas qui accuser, elle se taisait. C'était tant mieux pour ma part, car j'avais bien l'intention de terminer de lire ce passionnant ouvrage. Un jour, j'eu la lumineuse idée de le partager avec mes amies, qui ne savaient pas encore lire du haut de leurs sept ans.

Je leur racontais un chapitre tous les jours, et elles m’en redemandaient. Une fois pourtant, ma sœur vint me voir après le souper, affolée et inquiète. Elle s'agenouilla devant moi pour être à ma hauteur et s'adressa à moi gentiment :

— '' Ma sœur, je ne vous accuse pas, mais si vous avez trouvé le cahier d’Élisabeth, il faut à tout prix le lui rendre, elle se met dans des états malheureux, il ne faudrait pas que cela ne dégénère de trop.

—''Oh mince...

—''Pardon ?

—''Je n'ai rien dit d'important, mais si je le trouve, je lui rendrais, je vous le promets.

—''Bien.

Elle se releva et quitta la pièce. Aussitôt seule, prise d'une peur d'être découverte, je m'empressais d'aller remettre le cahier à sa place d'origine.

Au moment où j’allais reposer l'ouvrage, quelqu'un me saisit fermement la main pour y donner une violente tape. Ma tante, très énervée, aboyait un flot de paroles.

— '' Alors comme ça c'est vous qui lui avez volé ?

—''Mais...

—''Petite sotte ! Vous pensiez vraiment que personne ne vous prendrait la main dans le sac ?

Sur ces mots, elle m'attrapa par les cheveux et m'asséna une violente gifle. Elle me traîna jusqu'à ma chambre avant de sortir en refermant violemment la porte. En pleurs, je ne m’étais pas rendu compte de la gravité de mes actes. Honteuse, elle m'en voudrait sûrement toute ma vie et Camille peut - être aussi. J’espérais au plus profond de moi que ma sœur viendrait me consoler, mais il n'en fut rien. Je ne sais combien de temps je restais assise sur mon lit à pleurer, mais à un moment, mon ventre se mit a gargouiller, et je me disais dans ma tête qu'il devait être l'heure du souper.

On frappa un léger coup contre ma porte et je pu y trouver devant un morceau de pain blanc et un verre d'eau. Personne n'avait donc l'intention de me pardonner pour l'instant. Bien heureusement, le lendemain matin, lorsque je me présentais avec un peu d'appréhension au déjeuner, personne ne ressassa ma faute.

Naturellement, je pensais donc que la page serait tournée.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 8 versions.

Vous aimez lire Lanam ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0