Chapitre 26J: février 1778
Le sept février, jour de l'anniversaire des dix ans de Gustavine, je repensais à Michel : il avait eu six ans la veille, mais j'avais oublié. Lui aussi apparemment, puisque lorsque je lui donnais un baiser sur la joue, sans lui expliquer la situation, il ne comprit pas tout de suite, avant de sourire de toutes ses dents, je ne regardais plus ses yeux immobiles, je m'y étais habituée. Le dimanche dix février 1778, après la messe, nous restâmes à l'église pour célébrer la première communion de Gustavine, tout se passa bien, ma belle – fille était ravie, belle dans sa robe blanche, elle arborait un sourire radieux. Émile courait partout maintenant et je faillis le perdre à la sortie de l'église, paniquée je le cherchais, avant que Léon – Paul ne le ramène par le bras, son frère se débattant :
—''Viens ici Émile ! Maman elle a dit que vous veniez ici !
—''Lâchez-le Léon-Paul. Ordonnais-je à mon fils, avant de récupérer par la main son frère énervé. Sur le chemin du retour, nous croisâmes Lucienne avec ses parents, qui revenaient eux aussi de la messe, qui réunissait en fait tout le village, Malou taquina son cousin.
—''C'est votre amoureuse Léon – Paul regardez !
Léon – Paul fronça les sourcils et poussa Malou, qui insista :
—''Allez lui dire bonjour Léon…
—''Moi c'est Léon-Paul ! Léon c’est mon père ! Lucienne c'est pas mon amoureuse ! Elle est trop moche !
Quand ils commencèrent à se tirer les cheveux, j'intervenais :
—''Malou, laissez - le.
Comme ma nièce continuait de le titiller, je la menaçais :
—''Marie – Louise, vous voulez être punie ? C'est pareil pour vous Léon – Paul, laissez la tranquille.
—''Mais c'est elle qui a commencé !
—''Arrêtez bon sang ! Quel âge allez-vous donc avoir cette année ?!
Cet après – midi, Léon s'enferma dans sa chambre, très anxieux. J'aurais voulu emmener les enfants en promenade avec Ténèbres et Tentation, mais mon mari m'avait interdit de toucher aux juments sans sa présence, alors que je savais parfaitement m'occuper d'un cheval, seller et harnacher, et mener. Les enfants, gravés dans leurs habitudes, m'avaient demandé un par un pourquoi il n'y avait pas de promenade sur les chevaux cet après – midi, je leur répondais que je ne savais pas pourquoi, alors que je savais que mon mari faisait et refaisait les comptes, comme pour tenter de se convaincre que nous n'étions pas en situation financière critique.
Cet après – midi là, les enfants jouaient dans la neige devant la maison, je leur avais interdit de sortir de la cour, car l'étang était gelé et je n'aurais pas voulu qu'ils tombent dans l'eau en marchant sur la glace. Lion s'amusait dans la neige et trempé, s'ébrouait en mouillant les enfants, il avait déjà essayé de manger de la neige, mais il avait été un peu malade. En milieu d'après – midi, après la corvée de lessive terrible pour les mains, j'avais des engelures et je souffrais beaucoup, je me rendais chez Gabrielle pour apporter des confitures. C'était son petit garçon qui m'ouvrait la porte, ses parents se criaient dessus et je crois qu'il aurait voulu trouver une échappatoire, dans ce si minuscule logis. Il dormait avec eux la nuit, dans la même pièce, et me racontait avec ses mots d'enfant qu'il entendait sa mère pleurer. J’hésitai entre laisser la famille tranquille et '' abandonner '' l'enfant ici, tenter de rassurer Gabrielle ou encore prendre François avec moi à la maison pour l'en – cas.
Finalement, je décidais de laisser la famille, si elle avait besoin d'aide, elle pouvait toujours venir à la maison. En partant, voyant dans les yeux de l'enfant le désespoir, je lui intimais de venir me voir en cas de problème majeur.
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